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Elections législatives en Espagne : ce qu'il faut retenir d'un scrutin très disputé

Au terme d'élections plus serrées que ce que les sondages anticipaient, la droite sort gagnante d'une courte tête. Les partis vont entamer des tractations pour tenter d'éviter un retour aux urnes.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le leader et chef du Parti populaire espagnol Alberto Núñez Feijóo (avec le bras levé) salue ses partisants après le second tour des élections législatives, le 23 juillet 2023 à Madrid. (OSCAR DEL POZO / AFP)

Le raz-de-marée de droite n'a pas eu lieu. Aucune majorité absolue ne se dégage au lendemain des élections législatives anticipées en Espagne, lundi 24 juillet. Le conservateur Alberto Núñez Feijóo est parvenu à obtenir une courte avance sur son rival socialiste, Pedro Sánchez, avec 136 sièges contre 122 pour le leader de gauche. Il fallait en obtenir 176 pour obtenir la majorité absolue.

Déjouant tous les sondages, qui le donnaient largement battu depuis des mois, le Premier ministre Pedro Sánchez pourrait cependant se maintenir au pouvoir, grâce au jeu des alliances. De son côté, Alberto Núñez Feijóo a appelé les socialistes à ne pas "bloquer" la formation d'un gouvernement de droite. Des négociations vont avoir lieu pour tenter d'éviter de nouvelles élections. Voici ce qu'il faut retenir de ce scrutin très serré.

Contre toute attente, la droite n'obtient pas la majorité absolue

"Merci aux 8 millions d'Espagnols qui nous ont apporté leur soutien", s'est félicité Alberto Núñez Feijóo, 61 ans, leader du Parti populaire (PP) sur Twitter. Après le dépouillement de 99% des bulletins, le conservateur a obtenu de justesse la majorité aux élections législatives, avec 33,05% des voix, soit 136 sièges sur un total de 350 au Congrès des députés, d'après le décompte d'El Pais. Le PP gagne donc 47 sièges de plus que lors des précédentes élections, en 2019, mais est loin des 150 sièges qu'il visait. En prenant en compte les résultats du parti d'extrême droite Vox, allié du PP, qui a obtenu 33 sièges, le bloc de droite ne totalise que 169 sièges alors que la majorité absolue est fixée à 176.

Les sondages réalisés au cours des cinq derniers jours prédisaient pourtant tous une large victoire du PP, et même la possibilité d'une majorité absolue avec l'appui de Vox.

Alberto Núñez Feijóo a probablement payé sa stratégie ambiguë vis-à-vis de l'extrême droite, mais aussi une série de gaffes qui ont émaillé la fin de sa campagne. Il s'est notamment trompé lors d'une interview télévisée sur la question des retraites, en soutenant que le PP lorsqu'il était au pouvoir, avait toujours augmenté celles-ci d'un pourcentage égal à l'inflation. Une déclaration fausse, rappelle El Pais.

Il a ensuite décidé de boycotter, deux jours plus tard, le dernier débat télévisé entre les principaux candidats, laissant le champ libre à Pedro Sánchez et à son alliée communiste Yolanda Díaz, qui en ont profité pour livrer un assaut en règle contre lui, sans qu'il puisse évidemment se défendre.

Malgré ces résultats en deçà des attentes, Alberto Núñez Feijóo entend tout de même former un gouvernement. Mais pour cela, il aura besoin de l'abstention des socialistes lors d'un vote d'investiture au Parlement. Or, les socialistes ont déjà fait savoir qu'ils ne comptaient pas s'abstenir. "Notre obligation maintenant est d'éviter que ne s'ouvre une période d'incertitude en Espagne", a lancé le patron du PP depuis le balcon du siège de son parti, appelant à la "responsabilité" pour que l'Espagne ne connaisse pas une situation de blocage.

Le Parti socialiste créé la surprise et espère se maintenir au pouvoir

"Le bloc rétrograde du Parti populaire et de Vox a été battu. Nous sommes beaucoup plus nombreux à vouloir que l'Espagne continue à avancer et il en sera ainsi", a lancé Pedro Sánchez à l'annonce des résultats. Devant des militants criant "No pasarán" ("Ils ne passeront pas !"), fameux slogan antifasciste de la guerre civile (1936-1939), le secrétaire général du Parti socialiste espagnol (PSOE) a revendiqué sa capacité à continuer à diriger l'Espagne.

Le PSOE a obtenu 31,7% des voix, soit 122 sièges de députés. Avec son allié de gauche radicale Sumar, qui a obtenu 31 sièges, le bloc de gauche totalise 153 députés. Même si ce résultat est inférieur à celui du bloc de droite (169 sièges), Pedro Sánchez se trouve paradoxalement dans une meilleure position que son rival conservateur, car il a la possibilité d'obtenir le soutien des partis basques et catalans, comme les Catalans d'ERC ou les Basques de Bildu, pour qui Vox fait figure d'épouvantail.

Les socialistes devront toutefois aussi s'assurer de l'abstention au Congrès du parti de l'indépendantiste catalan Carles Puigdemont, Junts per Catalunya (JxCat), dont les dirigeants ont déjà prévenu qu'ils n'aideraient pas Pedro Sánchez à rester au pouvoir sans contrepartie. Carles Puigdemont est, en effet, recherché par la justice espagnole pour son rôle dans la tentative de sécession de la Catalogne en 2017, rappelle France 24, et est réfugié en Belgique depuis six ans.

S'il arrive à convaincre les partis régionaux, Pedro Sánchez pourrait rassembler sur son nom 172 députés, soit plus que le chef du PP, ce qui lui suffirait lors d'un deuxième vote d'investiture par le Parlement, où seule une majorité simple est requise. Dans le cas contraire, l'Espagne, qui a déjà connu quatre élections générales entre 2015 et 2019, se retrouverait dans une situation de blocage politique et serait condamnée à organiser un nouveau scrutin.

Une participation en hausse, notamment à l'étranger

Après la déroute de la gauche aux élections locales du 28 mai, Pedro Sánchez avait convoqué ce scrutin anticipé pour reprendre la main. Faisant campagne sur son bilan, plutôt positif en matière économique, il a surtout agité la peur de l'extrême droite pour tenter de mobiliser l'électorat effrayé par une entrée de Vox au gouvernement. Une stratégie qui semble avoir payé, puisque la participation a atteint près de 70%, soit 3,5 points de plus que lors du dernier scrutin, en novembre 2019.

Ces élections ont suscité un intérêt inhabituel à l'étranger. Près de 2,5 millions d'Espagnols ont notamment voté par correspondance, un chiffre record dû au fait que ce scrutin était le premier organisé en plein été. La possibilité de l'arrivée au pouvoir d'une coalition PP/Vox dans un pays considéré comme pionnier en matière de droits des femmes ou de ceux de la communauté LGBTQIA+, a fait figure d'épouvantail. 

Très proche des positions du Premier ministre hongrois Viktor Orban, Vox rejette particulièrement l'existence des violences liées au genre, critique le "fanatisme climatique" et est très ouvertement anti-LGBT et anti-avortement. Son accession aux affaires marquerait le retour au pouvoir de l'extrême droite en Espagne pour la première fois depuis la fin de la dictature franquiste en 1975, il y a près d'un demi-siècle.

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