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Espagne : Pedro Sánchez veut "remobiliser la gauche" en "évoquant le souvenir du coup d'État de 1936"

En Espagne, le Parti socialiste a subi une lourde défaite aux élections municipales et régionales, dimanche. En annonçant la tenue d'élections législatives anticipées, le Premier ministre "a réussi à faire en sorte que le Parti socialiste n'ouvre pas la question du bilan de ses années au pouvoir", selon un historien sur franceinfo.
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Le Premier ministre espagnol, le 29 mai 2023, annonçant des élections législatives anticipées. (MONCLOA/BORJA PUIG DE LA BELLACASA/HANDOUT / MAXPPP)

En annonçant la convocation surprise d'élections législatives anticipées, le président socialiste du gouvernement espagnol Pedro Sánchez veut "remobiliser la gauche" après sa déroute face aux conservateurs lors des élections régionales et municipales, explique lundi 29 mai sur franceinfo, Benoît Pellistrandi, historien, spécialiste de l’Espagne contemporaine et professeur en classes préparatoires au Lycée Condorcet à Paris. "Il a sans doute choisi la date du 23 juillet parce que ça permettra d'évoquer le 18 juillet 1936 et le souvenir du coup d'État. Il n'y a que cinq points d'écart et je pense que Pedro Sánchez s'est dit : il y a une carte à jouer et il la joue"

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franceinfo : Assiste-t-on à une nouvelle fracture espagnole ?

Benoît Pellistrandi : Complètement ! On va la voir dans les deux mois à venir parce que la campagne électorale va être extrêmement intense, très crispée, violente sur le plan verbal et rhétorique. Cela va mobiliser beaucoup de ces fractures idéologiques, culturelles et mémorielles. Pedro Sánchez a sans doute choisi la date du 23 juillet parce que ça permettra, dans la semaine qui précédera l'élection, d'évoquer le 18 juillet 1936 et le souvenir du coup d'État qui avait conduit à la guerre civile. Il est évident que Pedro Sánchez pense au clin d'oeil possible pour remobiliser la gauche face à une possible victoire de la droite.

N'est-ce pas un argument assez faible ?

Non, parce que le Parti populaire est obligé de passer des accords avec Vox dans les régions qu'il a gagnées dimanche 28 mai. Pour la gauche espagnole, Vox est une formation d'extrême droite et il va donc y avoir toute une rhétorique du "c'est le retour de la droite franquiste". Ça peut être suffisant pour mobiliser un électorat de gauche. Je crois que Pedro Sánchez a lu assez finement les résultats de la veille qui sont d'apparence désastreuse, mais quand on regarde l'arithmétique électorale, on se rend compte qu'en réalité le Parti socialiste résiste et que ce qui a flanché, c'est l'extrême gauche. Le rapport des forces entre droite et gauche est de 40 à 35 %. Il n'y a que cinq points d'écart et je pense que Pedro Sánchez s'est dit il y a une carte à jouer et il la joue.

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Pedro Sánchez peut-il encore incarner le chef d'un camp lors d'une campagne ?

En dissolvant le Parlement dès lundi 29 mai, au matin, il a réussi à faire en sorte que le Parti socialiste n'ouvre pas la question du bilan de ses années au pouvoir. Il est évident que les présidents de régions qui ont perdu la veille sont amers parce qu'ils avaient plutôt des bons bilans, mais que c'est la personnalisation et la nationalisation de la campagne voulue par Pedro Sánchez lui-même qui leur a porté préjudice. Peut-être que Pedro Sánchez sous-estime le rejet qu'il suscite dans une part de l'électorat et la mobilisation qu'il suscite au contraire à droite.

Qui est son adversaire du PP Alberto Núñez Feijóo ?

Il a été pendant 13 ans le président de la Galice qu'il a gouvernée à chaque fois avec des majorités absolues. Donc il a pour lui un CV électoral tout à fait exceptionnel. En revanche, il est en réalité une sorte de médecin du Parti populaire. C'est un parti qui s'est déchiré après la perte du pouvoir en 2018 à l'issue de la motion de censure qui a vu Pedro Sánchez succéder à Mariano Rajoy à la tête du pays. Sa mission est donc de pacifier toutes les chapelles de cette droite et de tenter de recentrer le Parti populaire pour le rendre appétissant pour les électeurs centristes. Ce que nous enseigne les résultats des élections du dimanche 28 mai, c'est que ça a fonctionné car le parti centriste Ciudadanos, qui avait eu 1 800 000 voix lors des élections municipales de 2019, n'en a que 300 000 cette fois-ci.

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