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Catalogne : quatre questions sur l'article 155 de la Constitution espagnole, arme fatale de Madrid face aux indépendantistes

Après le référendum d'autodétermination du dimanche 1er octobre, le gouvernement espagnol a annoncé qu'il comptait recourir, samedi 21 octobre, à cet article encore jamais utilisé de la Constitution espagnole.

Article rédigé par Robin Prudent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, à Madrid, le 1er octobre 2017. (JAVIER SORIANO / AFP)

La crise politique en Espagne s'enlise. Près de trois semaines après le référendum d'autodétermination, jugé illégal, les indépendantistes et les défenseurs de l'unité espagnole campent sur leurs positions irréconciliables. Les premiers prévoient toujours de proclamer l'indépendance de manière unilatérale, si Madrid refuse le dialogue. Les autres ont défilé par centaines de milliers dans les rues de Barcelone.

De son côté, le gouvernement central ferme la porte à tout dialogue avec la Catalogne. Mariano Rajoy, le Premier ministre, s'est montré ferme. Il a convoqué un conseil des ministres extraordinaire, samedi 21 octobre, pour activer l'article 155 de la Constitution permettant de suspendre l'autonomie de la Catalogne.

Franceinfo revient sur le contenu de cet article et ses effets.

1Que prévoit l'article 155 de la Constitution ?

En quelques lignes, l'article 155 de la Constitution espagnole de 1978 offre les pleins pouvoirs au gouvernement espagnol sur une communauté autonome, comme la Catalogne. L'article autorise en effet l'exécutif national à "prendre les mesures nécessaires pour la contraindre à respecter ces obligations ou pour protéger l’intérêt général". Pour cela, le gouvernement "pourra donner des instructions à toutes les autorités des communautés autonomes".

Cet article peut être utilisé "si une communauté autonome ne remplit pas les obligations que la Constitution ou d’autres lois lui imposent ou si elle agit de
façon à porter gravement atteinte à l’intérêt général de l’Espagne", selon le texte. En bref, l'article 155 permettra au gouvernement de suspendre l'autonomie de la Catalogne, d'interdire aux dirigeants indépendantistes de continuer d'agir et de prendre contrôle des institutions locales, dont la police, les Mossos d'Esquadra.

Il devrait surtout changer l'exécutif. Le Figaro rapporte, jeudi 19 octobre, qu'"El Mundo croyait savoir dimanche que le cabinet de Rajoy prévoyait de remplacer le gouvernement catalan par une nouvelle équipe transpartisane ou de technocrates", écrit le journal. Ce mercredi, La Vanguardia annonce que chaque ministère espagnol contrôlera le département équivalent en Catalogne, à travers un délégué territorial. Dernière possibilité : un ministère créé spécialement pourrait gérer la Catalogne depuis Madrid. Enfin, toujours selon Le Figaro, "on ignore ce qu'il adviendra du parlement catalan".

2Pourquoi le gouvernement veut-il l'utiliser ?

Le référendum d'autodétermination de la Catalogne, jugé illégal mais auquel plus de deux millions de Catalans ont participé, a plongé l'Espagne dans une profonde crise politique. D'un point de vue légal, le gouvernement central estime que la loi de référendum viole la Constitution, et notamment l'article 2 affirmant l'"unité indissoluble de la nation espagnole".

Pour les analystes, le discours sans concessions envers le gouvernement régional que le roi Felipe VI a prononcé mardi 3 octobre préparait le terrain pour l'application de mesures radicales. "Avec ce discours, le roi ouvre la porte à toutes les mesures que prévoit la Constitution pour restaurer l'ordre institutionnel", estimait Fermin Urbiola, auteur de plusieurs livres sur la famille royale espagnole. 

Dans une interview accordée quelques jours plus tard à El Pais, Mariano Rajoy prévenait : "L'idéal serait de ne pas devoir prendre des mesures drastiques, mais pour cela il faut que des rectifications se produisent", sous-entendu que les indépendantistes renconcent à leur projet. Ce qui ne s'est pas produit.

3Comment peut-il être enclenché ?

L'application de l'article 155 n'est pas automatique. Pour pouvoir actionner cet article, le gouvernement a d'abord dû mettre en demeure le président de la communauté autonome, l'indépendantiste Carles Puigdemont, en lui fixant un ultimatum au jeudi 19 octobre pour dire s'il entendait proclamer l'indépendance de la Catalogne.

Comme la réponse n'est pas intervenue, le porte-parole du gouvernement a fait savoir dans la foulée que le conseil des ministres se réunirait en urgence, samedi 21 octobre, pour enclencher l'article. 

Pour cela, il doit obtenir l’approbation de la majorité absolue du Sénat. A priori, cela ne devrait pas poser de problème à Mariano Rajoy : sa formation politique, le Parti populaire (PP), détient 148 des 266 sièges de la haute assemblée. Et le PSOE, son principal adversaire, est en discussion avec le gouvernement pour s'associer à la démarche, explique El Pais

En marche vers la fin de l'autonomie ? Peut-être pas à 100% : il resterait encore une porte ouverte, selon Le Figaro. Des sources gouvernementales, rapporte le journal, se disent prêtes à "abandonner l'article 155 si Puigdemont convoque des élections anticipées".

4A-t-il déjà été utilisé dans l'histoire espagnole ?

Non, cet article n'a jamais été utilisé depuis la rédaction de la Constitution espagnole, en 1978. 

Les effets de l'article 155 de la Constitution peuvent être comparés à ceux de l'article 16 de la Constitution française qui donne les pleins pouvoirs au président de la République dans des circonstances exceptionnelles. Il n'a été employé qu'une seule fois, par le général de Gaulle, lors de la tentative de putsch de quatre généraux en Algérie française, en 1961. Depuis, cette mesure n'a jamais été réutilisée et fait l'objet de nombreuses critiques pour son manque de "garde-fou". 

Alors, en Espagne, pays très décentralisé, beaucoup se demandent si l'exécutif prendra le risque d'accentuer la crise politique en mettant sous tutelle la Catalogne avec cet article hautement symbolique. Certains estiment que la mise en œuvre de l'article 155 (article réservé aux abonnés) plongerait un peu plus le pays dans le chaos. 

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