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"On a apporté un matelas et un duvet" : à Barcelone, des parents d'élèves occupent un bureau de vote avant le référendum

Article rédigé par Robin Prudent - Envoyé spécial en Espagne,
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Dans la cour de l'école Dels Encants de Barcelone (Catalogne, Espagne), dans la soirée du vendredi 29 septembre 2017. (ROBIN PRUDENT / FRANCEINFO)

A travers toute la Catalogne, des dizaines d'établissements ont été occupés par des parents d'élèves pour empêcher que la police ne vienne fermer ces bâtiments destinés à devenir des bureaux de vote, dimanche. Franceinfo a passé la soirée dans une école.

"Driiiiiiiiiiiiing !" Il est 16h30, vendredi 29 septembre, quand la fin des cours résonne à l'école élémentaire Dels Encants de Barcelone. Place au week-end bien mérité ? Pas vraiment. Des dizaines d'enfants et de parents ont décidé de ne pas quitter la cour de récréation pour participer à une "fête de bienvenue", qui doit durer tout le week-end, de jour comme de nuit. En réalité, l'objectif est d'occuper l'école pour empêcher que la police ne vienne la fermer : dimanche, le bâtiment doit servir de bureau de vote pour le référendum d'autodétermination de la Catalogne, interdit par la justice espagnole. 

Dans la cour de l'école Dels Encants de Barcelone, dans la soirée du vendredi 29 septembre 2017. (ROBIN PRUDENT / FRANCEINFO)

"On a apporté un matelas et un duvet, commente Pierre, un Français qui habite dans ce quartier de Barcelone depuis dix-sept ans. Tout s'est organisé en un jour et demi sur le groupe WhatsApp des parents d'élèves. On a prévu plein d'activités sportives et culturelles tout le week-end." Les parents ont en fait joué sur leur "droit à organiser des activités" extra-scolaires dans les écoles le week-end. Une manière d'éviter à la direction de l'école d'intervenir, les risques de poursuites étant trop importants. Une employée de l'école confirme d'ailleurs à franceinfo que l'initiative a  été prise par les parents d'élèves.  

"On vient défendre la démocratie"

A 21 heures, la nuit tombe sur la cour de récréation et une vingtaine de parents d'élèves, accompagnés de quelques enfants, occupent toujours les lieux. Un tournoi de football est organisé, puis une nuit à belle étoile, comme prévu sur les affiches accrochées aux grilles de l'école.

Une demi-heure plus tard, une voisine du quartier passe féliciter les parents d'élèves pour leur action et demande ce qu'elle peut faire pour leur donner un coup de main. La décision est rapidement prise : elle apportera sa cafetière, de l'eau et du café. "Nous ne sommes pas de violents indépendantistes radicalisés comme veut le faire croire le gouvernement, explique Jordi, Catalan et père de deux enfants. On vient juste défendre la démocratie et la liberté d'expression."

Pierre, un parent d'élève, dans l'école Dels Encants de Barcelone, dans la soirée du vendredi 29 septembre 2017. (ROBIN PRUDENT / FRANCEINFO)

A l'origine de cette mobilisation, la décision de la Cour d’appel de Catalogne, mercredi, qui a ordonné à la police de faire fermer les bureaux de vote censés être utilisés pour le référendum, qui a été interdit par la Cour constitutionnelle. Les opérations de police devaient commencer dès la fin des cours. "Si l'Etat espagnol n'avait pas réagi comme ça, nous ne serions pas venus, reconnaît Jordi. Mais là, c'est trop grave. Alors ce n'est pas un effort de laisser ma famille pour venir ici, c'est un investissement pour leur futur." A l'instar de l'école Dels Encants, plusieurs dizaines d'établissements ont été occupés à travers la Catalogne afin de protéger les bureaux de vote du référendum. Citant le gouvernement espagnol, une journaliste évoque 163 écoles occupées. 

"Cacerolada" et lampes frontales

Aux alentours de 22 heures, le match de foot se termine et les occupants sortent des casseroles. C'est l'heure de la traditionnelle "cacerolada". Depuis plusieurs semaines, les Catalans tapent sur leurs casseroles chaque soir à la même heure pour exprimer leur mécontentement. Sur le trottoir, les parents d'élèves font résonner leurs instruments, accompagnés par des dizaines d'habitants dans leur appartement, la fenêtre ouverte. "C'est ce genre de choses qui donnent de la force, qui ressoude la Catalogne depuis quelques semaines", explique Jordi. 

Il est l'heure d'organiser le campement. Une famille sort des Tupperware de son sac et attaque le repas, lampes frontales collées sur le front. D'autres sont allés chercher des victuailles au bar du coin et des rallonges ont été tirées pour recharger les téléphones portables. "On est au point culminant d'un processus d'indépendance pour lequel des gens se sont battus depuis longtemps", explique un autre parent d'élève. Tous ont le sentiment de participer à un moment important de l'histoire politique espagnole et catalane.

Vers 1 heure du matin, les parents décident finalement de lever le campement. Les dernières informations qui leur sont parvenues indiquent que la police devrait plutôt intervenir dimanche au petit matin. Rendez-vous est pris pour une nouvelle journée de mobilisation, samedi, avant un dimanche plein d'incertitudes.

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