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Allemagne: la coalition propose un accord donnant-donnant aux migrants
L'Allemagne, qui a accueilli près d'un million de migrants en 2015, va adopter un texte visant à encadrer leur intégration. Cette future loi leur promet un meilleur accès au marché de l'emploi s'ils font des efforts pour s'insérer dans la société allemande. Un processus qui, dans la pratique, peut se révéler compliqué.
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«C'est une première dans l'histoire de la République fédérale d'Allemagne.» La chancelière Angela Merkel n’a pas caché sa satisfaction suite à la signature le 14 avril 2016 d’un accord de la coalition gouvernementale allemande qui encadre l’intégration des réfugiés.
Dans un tweet, Thomas Oppermann, le patron des députés sociaux-démocrates (SPD, parti de la coalition), a lui aussi salué cette décision historique. «50 ans après le début de l’immigration, l’Allemagne a désormais une loi sur l’intégration», dit-il :
6 Stunden KoalitionsA: 50 Jahre nach dem Beginn der Einwanderung bekommt Deutschland jetzt ein #Integrationsgesetz.
— Thomas Oppermann (@ThomasOppermann) April 13, 2016
Le texte, qui doit être converti en loi, détaille les droits et devoirs des migrants installés en Allemagne. La loi prévoit par exemple que les réfugiés qui ne feraient pas assez d’efforts pour s’intégrer, notamment au niveau de la maîtrise de la langue, ne pourront bénéficier d’un titre de séjour durable.
En 2015, le pays a accueilli plus d’un million de demandeurs d’asile. Pour l'Allemagne vieillissante, l’arrivée de cette nouvelle main-d’œuvre est une aubaine.
100.000 offres d’emplois
La loi comporte d’ailleurs un volet qui facilite l’entrée des réfugiés sur le marché du travail. Un titre de séjour pourra leur être attribué durant leur formation pour trouver un emploi.
L’accord promet 100.000 postes pour les demandeurs d’asile venus de pays classés comme non-sûrs (les réfugiés des Balkans n’en feraient pas partie).
Cette future loi est-elle l’illustration de la Wilkommenskultur, ou culture de l’accueil, chère aux Allemands ?
Le système d’intégration se grippe
La réalité semble moins idyllique. La vie en Allemagne et l’entrée sur le marché professionnel ne sont pas si aisées pour les migrants.
Plus de 80% des emplois vacants en Allemagne demandent un bagage universitaire important. Or, les avis divergent sur le niveau d’études des réfugiés. Pour nombre d’Allemands, ils seraient très qualifiés. Le ministre de l’Intérieur Thomas de Maizière parle, lui, de «15 à 20% d’adultes analphabètes».
«On trouve effectivement des gens sans qualification, ce qui, au départ, représente un coût pour le pays d’accueil. C’est vrai qu’il va falloir créer des structures d’accueil, des écoles, des emplois d’enseignants…», explique, dans une interview à Geopolis, Joël Oudinet, maître de conférences à l’UFR de sciences économiques de l’université Paris XIII et chercheur au CNRS. «Mais c’est un investissement qui rapporte», ajoute-t-il.
Pour autant, les patrons allemands restent pour le moment frileux et n’osent pas investir dans des formations si les titres de séjour sont de courte durée.
RFI donne l’exemple de l’entreprise Deutsche Telekom qui, après avoir proposé une centaine de stages, n’a finalement retenu que 35 réfugiés, sur 350 candidatures reçues.
Angela Merkel se montre-t-elle trop optimiste? Au sein même de son parti, la chancelière fait face à une opposition qui lui reproche de ne pas avoir mesuré l’ampleur de la crise migratoire. Une frange de la CDU (union chrétienne-démocrate) désapprouve sa politique d'accueil et son mot d'ordre «Wir schaffen das», «Nous y arriverons», qu'elle a souvent répété pour évoquer la résolution de cette crise.
Dans une interview au Frankfurter Allgemeine Zeitung le 18 octobre 2015, Angela Merkel a rappelé que l’Allemagne pouvait, et devait, prendre part à l’accueil des réfugiés: «Je suis effectivement convaincue que notre pays, qui est fort, est en mesure, avec ses citoyens, de relever ce défi avec succès.»
Toutefois, la chancelière n'a pas hésité à rétablir le contrôle aux frontières face à l'afflux de migrants et a fortement appuyé un accord entre l'Union européenne et la Turquie le 18 mars afin de sous-traiter la crise migratoire.
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