Attentat à Strasbourg : Cherif Chekatt s'est-il radicalisé en prison ?
Les enquêteurs s'interrogent sur les passages en prison de l'auteur présumé de l'attentat de mardi à Strasbourg, qui a été abattu jeudi soir.
"Il avait plus le profil de la petite frappe comme on a dans les cités." Au bout du fil, cette source syndicale pénitentiaire semble certaine : Cherif Chekatt, abattu jeudi soir par la police à Strasbourg dans le quartier de Neudorf, était connu beaucoup plus pour ses faits de violence que pour sa radicalisation. Le tireur présumé de l'attentat à Strasbourg, qui a fait au moins trois morts, une victime en état de mort cérébrale et douze blessés, mardi 11 décembre, avait un casier judiciaire bien fourni.
>> Attentat à Strasbourg : suivez les dernières informations après la mort de Cherif ChekattC'est quelqu'un qui a commencé relativement jeune dans la délinquance", explique Fabrice Poli, délégué dans le Grand Est du syndicat Alliance Police nationale. Selon lui, Cherif Chekatt était "un habitué des hôtels de police, il avait le profil type du délinquant de droit commun issu des quartiers sensibles". L'homme, qui fait l'objet d'un appel à témoins, a été condamné 27 fois pour des faits de droit commun, commis principalement en France, mais aussi en Allemagne et en Suisse. Il était aussi "connu de l'administration pénitentiaire pour sa radicalisation et son attitude prosélyte en détention", a indiqué mercredi le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz.
Une affiche de Ben Laden dans sa cellule
S'est-il radicalisé en prison ? Rien ne permet de l'affirmer. Certains assurent même le contraire, à l'instar de cette source proche du dossier, qui a déclaré au Monde que la radicalisation de Cherif Chekatt "date d'avant la prison".
Il n'y a pas eu de radicalisation en prison. Après, peut-être que cela s'est durci en prison.
Une source proche de l'enquêteà franceinfo
"Dire que c'était un guerrier de Daech dès le départ, c'est compliqué", soutient un délégué syndical pénitentiaire interrogé par franceinfo. Surtout que Cherif Chekatt met pour la première fois les pieds en prison pendant son adolescence, alors que les jihadistes ne se revendiquent pas encore de l'Etat islamique. Le jeune garçon fait un premier séjour dans un quartier pour mineurs pour des peines de droit commun, comme des vols de voiture. "Il ne faisait pas partie des détenus les moins virulents à l'époque, ce n'était pas un détenu modèle", se souvient une autre source pénitentiaire.
Lors d'une peine, il avait été incarcéré avec son cousin et ils étaient tous les deux plus ou moins toujours fourrés dans les mauvais coups.
Une source syndicale pénitentiaireà franceinfo
A 29 ans, Cherif Chekatt a déjà passé cinq ans en détention. Les premiers signes de sa radicalisation datent de 2008, alors qu'il a 19 ans. Selon France 3, les surveillants retrouvent dans sa cellule une affiche de Ben Laden, le cerveau des attentats du 11-Septembre. Dès cette année-là, d'après la chaîne, l'administration pénitentiaire reçoit des signalements concernant sa pratique rigoriste de l'islam. Mais le contexte est différent à l'époque, le suivi de ces détenus est moins approfondi qu'aujourd'hui.
"Il était extrêmement pieux"
C'est en 2013, selon France 2 et Le Figaro, que la radicalisation de Cherif Chekatt est plus évidente. Le personnel pénitentiaire de la maison d'arrêt de Mulhouse le signale comme détenu "radicalisé, prosélyte et particulièrement violent", note le quotidien. Selon les informations de franceinfo, Cherif Chekatt est décrit comme un individu "extrêmement pieux", qui pratique "un islam sans concession". "Il avait un discours religieux par rapport aux autres détenus", explique-t-on.
Il fait partie de ces individus qui ont un passé violent et qui peuvent être la cible des recruteurs pour des passages à l'acte.
Une source proche du dossierà franceinfo
Lorsqu'en 2015 Cherif Chekatt sort de la maison d'arrêt de Strasbourg, son profil est transmis aux services de renseignement par l'administration pénitentiaire. Selon Le Monde, en janvier 2016, il est inscrit au FSPRT (le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste) avant de faire l'objet cinq mois plus tard d'une fiche S. Selon France 3, même s'il est considéré comme faisant partie du bas du spectre des profils les plus sensibles, la DGSI le surveille activement. Ce suivi ne sera pas interrompu jusqu'au passage à l'acte.
Outre-Rhin, les "prisons allemandes (...) confirmeront ce profil", note Le Figaro. Cherif Chekatt a été condamné en 2016 à deux ans et trois mois de prison par le tribunal de Singen pour divers cambriolages aggravés. "C'était un garçon très sympathique, très occidental dans sa façon de penser, faisant des blagues à tout le monde. Pas ce qu'on peut appeler un garçon radicalisé", assure cependant à franceinfo Thomas Röder, son avocat commis d'office en Allemagne.
La question de son entourage
Si Cherif Chekatt ne s'est pas radicalisé en prison, la question de son entourage pourrait être déterminante. Parmi les personnes interpellées lors de la perquisition le matin de l'attentat, deux sont fichées S. D'après Le Monde, l'une d'entre elles a d'ailleurs fait l'objet d'une assignation à résidence ces derniers mois, dans le cadre de la loi de sécurité intérieure. Son frère, Samy, est également fiché S. "Cherif Chekatt évoluait au sein d'une petite bande violente, un pied dans la délinquance, un pied dans l'islam salafiste", indique une source au quotidien du soir. Une chose est à ce stade confirmée, selon France 3 : Cherif Chekatt n'avait pas de lien avec la Syrie.
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