Cinq choses à savoir sur Olaf Scholz, le nouveau chancelier allemand qui succède à Angela Merkel
Deux mois et demi après les élections en Allemagne, le social-démocrate fait revenir le centre-gauche au pouvoir et referme définitivement les 16 années de l'ère Angela Merkel.
L'austère Olaf Scholz, longtemps mal-aimé du Parti social-démocrate, prend officiellement la suite d'Angela Merkel à la tête de l'Allemagne, mercredi 8 décembre, grâce à son expérience de ministre et d'élu local et à une campagne sans fausse note. Les députés du Bundestag l'ont élu à bulletin secret peu après 10 heures, avec 395 voix sur 736.
Son parti SPD était décrit il y a peu encore comme moribond. Non seulement il a remporté les législatives de septembre mais réussi sans accroc à mettre sur pied une inédite coalition avec les Verts et Libéraux. Le tout sans faire de vague.
Qui est cet homme politique de 63 ans, surnommé "Scholz-o-mat" pour son style impassible et ses réponses parfois proches de celles d'un robot ? Eléments de réponse.
Une jeunesse marquée à gauche
Né à Osnabrück en Basse-Saxe (Allemagne), Olaf Scholz a grandi à Hambourg, au sein d'un quartier de classe moyenne, relève Politico (lien en anglais). Il rejoint les rangs du parti social-démocrate très tôt, alors qu'il est lycéen.
A l'époque, les positions du jeune Allemand sont bien plus à gauche qu'aujourd'hui. Il se dit proche du marxisme vers la fin des années 1970 et le début des années 1980, et rejoint avec ces convictions les Jusos, la communauté de travail des jeunes socialistes au sein du parti social-démocrate. Olaf Scholz, vice-président de ce mouvement, confiera plus tard qu'il n'était finalement pas si convaincu par les idées d'extrême gauche du mouvement, rapporte le Financial Times (en anglais).
Le jeune militant poursuit en parallèle des études de droit, et débute sa carrière en tant qu'avocat spécialiste du droit du travail. Il est élu député social-démocrate à l'âge de 40 ans, puis prend la tête du parti dans son fief historique de Hambourg.
Une longue carrière politique
Olaf Scholz siège au Bundestag – la chambre basse du Parlement allemand – de 1998 à 2001, puis de 2002 à 2011. Au cours de ces treize années, l'ancien jeune socialiste gagne en influence au sein du parti social-démocrate, devenant secrétaire de son groupe parlementaire au Bundestag puis son vice-président.
Il entre en parallèle au gouvernement (lien en anglais), étant nommé ministre du Travail et des Affaires sociales entre 2007 et 2009, lors du premier des quatre mandats d'Angela Merkel.
Deux ans plus tard, Olaf Scholz devient maire de la deuxième plus grande ville d'Allemagne, Hambourg, un poste qu'il gardera pendant sept ans. Son bilan à la tête de cette métropole-Land est plutôt positif sur le plan de la gestion municipale, mais il reste entaché par les violences qui ont marqué la ville en 2017, en marge du sommet du G20. Olaf Scholz a fait son retour au gouvernement l'année suivante, devenant alors vice-chancelier et ministre des Finances.
Un social-démocrate très centriste
Le candidat social-démocrate a largement évolué depuis ses débuts aux accents marxistes au sein du SPD. Comme le rappelle Le Figaro, il a joué un rôle dans le lancement des réformes d'inspiration libérale du marché du travail allemand, menées dans les années 2000 par le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder. La participation d'Olaf Scholz à cet "Agenda 2010", qui a provoqué d'importantes coupes budgétaires dans les prestations sociales, lui vaudra de vives critiques de l'aile gauche du SPD.
En tant que ministre du Travail et des Affaires sociales au sein d'une "grande coalition" avec la CDU-CSU, Olaf Scholz a notamment relevé l'âge de départ à la retraite à 67 ans, souligne le Financial Times. Le social-démocrate, expert financier au sein du SPD, estime qu'il "ne peut distribuer que ce qu'[il a] gagné", souligne le quotidien économique et financier britannique.
Ses positions plus conservatrices, parfois clivantes dans son camp, lui ont coûté la présidence du SPD en décembre 2019. Olaf Scholz a été devancé par Norbert Walter-Borjans et Saskia Esken, avant d'être finalement nommé candidat pour les élections fédérales allemandes.
Ses postures en matière d'orthodoxie budgétaire ont évolué avec la pandémie de Covid-19 : gérant le portefeuille des Finances, Olaf Scholz a supervisé le plan d'investissements d'urgence visant à aider les entreprises et salariés allemands en pleine crise. "C'est le bazooka qu'il nous faut pour mener à bien les choses (...) Tout cela est cher, mais ne rien faire aurait été encore plus cher", a défendu le vice-chancelier.
Un parcours entaché par des scandales
Plusieurs affaires ont marqué la carrière locale et nationale d'Olaf Scholz, sans toutefois réellement perturber sa campagne en vue de la chancellerie. En tant que maire de Hambourg, le social-démocrate a rencontré à plusieurs reprises l'un des dirigeants d'une banque de la ville, Hamburg’s M.M. Warburg & Co, impliquée dans une affaire de fraude ayant fait perdre 30 milliards d'euros au gouvernement, rappelle Politico.
A Hambourg, l'édile a également choisi d'autoriser l'usage de médicaments controversés, car vomitifs, dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogues. Un homme suspecté de trafic est mort quelques mois plus tard en détention, après avoir dû prendre un tel médicament.
Plus récemment, Olaf Scholz a été rattrapé par un scandale de blanchiment d'argent impliquant son ministère. Des perquisitions ont eu lieu courant septembre aux ministères des Finances et de la Justice, dans le cadre d'une enquête sur le département du gouvernement luttant contre ces affaires. Comme le rappelle la Deutsche Welle (en anglais), ce département est soupçonné d'avoir ignoré et de ne pas avoir adressé à la police des éléments prouvant des paiements illégaux.
Une campagne entre alternative et continuité
Tout en jouant la carte de la différence et du renouveau après seize années d'ère Merkel, Olaf Scholz a aussi repris à son avantage son expérience auprès de la chancelière allemande – un gage de sérieux et de compétence pour bon nombre d'électeurs. Finalement, le social-démocrate est peut-être apparu comme l'héritier le plus logique d'Angela Merkel, face à un candidat chrétien-démocrate, Armin Laschet, peinant à convaincre.
"Olaf Scholz est une sorte de Merkel ayant troqué le tailleur coloré pour le gris souris du technocrate concentré et prodigieusement ennuyeux", résume dans Libération Johann Chapoutot, professeur d'histoire contemporaine à Paris-Sorbonne. Le candidat social-démocrate, tout en proposant une hausse du salaire minimum à 12 euros de l'heure, n'a pas hésité à miser sur cette comparaison, posant en imitant le fameux geste du "losange" de la chancelière allemande. "Il peut faire chancelière" aura d'ailleurs été un slogan du SPD lors de cette campagne. Une stratégie quelque peu contradictoire entre changement et continuité, mais qui semble avoir payé.
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