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La France, championne d'Europe des aéroports régionaux

Sur les quelque 460 aéroports régionaux que compte l'Union européenne, près d'un tiers se situent en France. Mais bon nombre d'entre eux ne sont pas rentables. Pour les autres pays d'Europe, le maillage territorial, beaucoup moins dense se réduit au strict nécessaire.
Article rédigé par Géopolis FTV
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Publié Mis à jour
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Sur l'aéroport de Bordeaux le 15 mars 2013  (AFP - Mehdi Fedouach)

L'été approche et nombreux sont les Français qui veulent partir au soleil. Mais tous n'habitent pas Paris pour prendre l'avion à Roissy-Charles-de-Gaulles ou Orly pour décoller vers des contrées plus chaudes. Qu'importe, en France, en dehors des destinations lointaines, inutile de transiter par la capitale pour un décollage immédiat. En province, les aéroports multiplient les vols vers le Sud, surtout pendant la période des vacances. C'est le cas par exemple de Clermont-Ferrand.
L'aéroport régional propose de nouvelles lignes et une multitude de nouvelles destinations comme la Tunisie ou la Grèce. Un gain de temps pour la clientèle auvergnate qui n'a ainsi pas besoin de se rendre jusqu'à Lyon-Saint-Exupéry.   


Mais les Clermontois ne sont pas les seuls à disposer d'un aéroport à proximité. L'aéroport Metz-Nancy-Lorraine, nouvellement baptisé «Lorraine Airport» est aussi une aubaine pour les habitants de la région. Et il y a beaucoup de monde pendant la période de vacances. L'aéroport qui enregistre une croissance de 3% de passagers par an est en plein développement. De nouveaux vols, notamment ceux de la compagnie aérienne Hop, sont proposés au départ essentiellement en direction du Sud. Air France vient en effet de présenter sa nouvelle offre commerciale «très agressive» avec une série de destinations à 47 euros seulement. 


Si l'aéroport de Metz-Nancy, qui enregistrait un déficit de 1.800.000 euros en 2014, espère équilibrer ses comptes d'ici peu, l'avenir des aéroports de Haute-Normandie, semble en revanche bien compromis.
Pour moins d'un million d'habitants, la Normandie en compte cinq. Des aéroports qui génèrent des conflits entre les collectivités et finissent par coûter cher. Si lors de sa création dans les années 90, ses fondateurs tablaient sur 250.000 passagers par an, la fréquentation de Rouen-Boos n'a jamais dépassé quelques dizaines de milliers de personnes. Déficit commercial auquel vient s'ajouter l'arrêt des subventions de la Métropole Rouen Normandie. 


Si Paris concentre la majorité du trafic aérien français, les aéroports régionaux ne sont pas en reste. En 2013, 71 millions de passagers les ont utilisés. Leur part du gâteau ne cesse d'augmenter avec +2,9 millions de passagers en 2014. Clermont-Ferrand, Metz-Nancy, Rouen-Boos ont donc leurs aéroports comme tant d'autres collectivités en France. Un maillage important lié à l'histoire militaire de la France.

Un foisonnement d'aéroports lié également à la montée en puissance des collectivités territoriales. Il y a 20 ans, tous les députés voulaient leur aéroport (comme celui de Figari en Corse) pour des raisons politiques avec comme prétexte le développement économique de leur territoire. C'est le cas aujourd'hui encore avec le projet très controversé de Jean-Marc Ayraut et de l'aéroport de Notre-Dame-des Landes, en Loire-Atlantique, fustigé par les écologistes. 
 
Un maillage territorial qui bat les record en Europe!
Si pour certains aéroports français, comme celui de Nice ou de Lyon-Saint-Exupéry qui s'appuient sur le tourisme, la manne économique est évidente, ce n'est pas le cas pour tous. En tout, l'Hexagone compte près de 160 aéroports. Selon Jean-Pierre Sauvage, président du Board of Airlines Represantative, sur les 84 aéroports de France métropolitaine qui exploitent des vols commerciaux, 66 se répartissent seulement 4,3% du trafic français. Et selon l'Echo touristique, les 40 plus petits aéroports ont un trafic moyen de 10.000 passagers par an. Ils ne sont donc pas rentables.

Un nombre pléthorique d'aéroports aux retombées fiscales et économiques souvent très faibles.
Pour compenser ces pertes d'exploitation, l'Etat est obligé de mettre la main au porte-feuille, sans oublier la participation demandée au contribuable. Mais face à des budgets toujours plus serrés, l'Etat et les collectivités locales sont de plus en plus réticents à renflouer les caisses de certains aéroports. Et le futur redécoupage des régions ne devrait pas arranger les finances de ces plate-formes en souffrance. 


Et les autres pays d'Europe?

Il y aurait donc trop d'aéroports en France. Une densité qui se confirme à l'échelle européenne puisque sur les quelques 460 aéroports régionaux que compte l'Union Européenne, environ un tiers se situe en France. Toujours selon Jean-Pierre Sauvage, il y aurait 170 aéroports en France pour 61 millions d'habitants, un chiffre trois fois plus élevé qu'au Royaume-Uni, six fois plus qu'en Italie et douze fois plus qu'en Allemagne. 
 
L'aéroport de Francfort en Allemagne  (Reuters )


L'Allemagne: un hic dans la stratégie de la «bonne élève»
En matière de transport aérien, la stratégie de l'Allemagne est bien différente. Organisé en Länder, le pays ne compte que 19 aéroports pour 82,7 millions d'habitants depuis la réunification des deux blocs. Un chiffre bien plus raisonnable qui pourrait s'expliquer par le fait que tous les aéroports allemands sont internationaux et donc d'une toute autre envergure.

Le plus grand aéroport du pays (le troisième en Europe après Heathrow et Roissy) est celui de Francfort, ville économique et industrielle et non pas celui de la capitale.

Il n'y a pas qu'en France que les aéroports empoisonnent la vie des politiques. Lancé en 1992, le projet de l'aéroport Willy Brandt à Berlin prévu pour avoir une capacité de 27 millions de passagers par an et censé remplacer celui de Tegel à l'Ouest et Schönefeld à l'Est n'est toujours pas achevé en 2015. C'est même un désastre. Le chantier déjà bien avancé s'est enlisé dans une série de complications, de malfaçons, et son coût a explosé. Selon le quotidien Bild, son budget initial de 2 milliards d'euros atteindrait les 5.7 milliards et son inauguration est sans cesse repoussée. 

La Suède: le contre-exemple
En Suède, Stockholm-Arlanda est l'aéroport principal et international basé à Stockholm. C'est le plus grand aéroport du pays et l'un des plus importants d'Europe. Autour de la capitale suédoise, gravitent une vingtaine d'aéroports. Une quarantaine sont répartis dans tout le pays.

Dès 2006, la Suède s'interroge sur l'avenir de ses dizaines de petits aéroports régionaux, dont la survie est menacée par les coûts d'exploitation. Très vite, le gouvernement décide de rationaliser. Pourtant, pour ce pays du nord de l'Europe à faible densité de population, si les aéroports régionaux ne sont pas rentables, ils sont néanmoins nécessaires, voire vitaux. Avec seulement 21 habitants par kilomètre carré, les fortes disparités géographiques ne sont réduites que grâce aux aéroports régionaux. Les longs trajets du nord au sud du pays peuvent prendre jusqu'à 21 heures par la route ou le train. 

Un nombre pléthorique d'aéroports en France. Les plus importants sont rentables. Mais en temps de crise, la privatisation d’entreprises publiques est souvent la recette des gouvernements pour faire rentrer de l'argent dans les caisses. Les aéroports n’échappent pas à la règle. Paradoxalement, l’Etat se désengage de ses plus grands aéroports régionaux, rentables, comme celui de Toulouse. L’aéroport de Blagnac vient d’être officiellement vendu à 49,9% à un consortium chinois pour 308 millions d’euros. La course à la privatisation a donc commencé. Après Toulouse, Lyon et Nice devraient suivre. En attendant le tour des plates-formes de Bordeaux, Montpellier et Strasbourg de moindre importance. 

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