Le demi-échec de Peer Steinbrück, le candidat du SPD
Le leader de la campagne du SPD, le parti social-démocrate allemand, Peer Steinbrück, a réussi à faire parler de lui grâce à une image : un joli doigt d’honneur à la une du magazine «Süddeutsche Zeitung Magazin». Un geste insuffisant pour mettre le SPD à la tête du pays, mais peut être suffisant pour imposer une grande coalition. Portrait d'un leader battu.
Le challenger d’Angela Merkel avait pourtant mené une campagne un peu terne jusqu’à ces dernières semaines. Lui et son parti n’ont pas réussi à imposer leurs idées (salaire minimum et hausse des impôts pour les plus riches) dans une campagne dominée par les réussites économiques de la Chancelière. Ce n’est que dans les dernières semaines que cet économiste de 66 ans a réussi à percer. Grâce notamment à des débats télévisés réussis… et peut-être à cette image.
Pourtant Peer Steinbrück est loin d'être terne. Il est connu pour sa liberté de ton et sa capacité à dire les choses directement. «Il dit ce qu’il pense, ce qu’il estime nécessaire pour le pays. A mille lieues d’un petit soldat qui ânonne le programme du parti», résume un proche cité par le journal suisse L'Hebdo. Ce côté direct plaît aux Allemands qui ont massivement acheté son livre Tout compte fait. Une vraie «Steinbruckmania». Nicolas Sarkozy avait d’ailleurs fait les frais de ce ton direct lorsqu’il avait commencé son quinquennat, défendait son coûteux bouclier fiscal et critiquait la BCE. «Dans la capitale belge, il se fait rapidement rabroué par le ministre allemand des Finances, un certain Peer Steinbrück, qui lui rappelle que la BCE est indépendante et que la France s'est engagée à réduire son déficit», rappelleLa Tribune.
D'ailleurs, il n'a pas hésité à revendiquer la photo qui fait la une du Süddeutsche Zeitung Magazin : «J'ai été moi-même, je réponds avec spontanéïté. Il faut bien que la campagne soit un peu amusante.»
Maladresses et expérience
Ce ton direct peut parfois lui jouer des tours. Et la presse ne s'est pas privée de relever ce qu'elle a considéré comme des maladresses. A peine deux mois après avoir été désigné candidat du SPD en septembre 2012, il avait été épinglé par le quotidien à grand tirage Bild pour avoir assuré qu'il n'achèterait «jamais une bouteille (de vin) à seulement cinq euros», lors d'une discussion consacrée au montant des allocations familiales. Plus grave, il avait justifié ses conférences grassement rémunérées auprès de grandes entreprises, qui lui ont rapporté 1,25 million d'euros en trois ans.
En ces temps de crise, alors que de nombreux Allemands touchent de petits salaires, le candidat socialiste à la Chancellerie n’avait rien trouvé de mieux que d’affirmer que le salaire de chancelier était «insuffisant». Ces «gaffes», Peer Steinbrück en est conscient. «Je ne me décrirai pas comme étant impulsif. Vous pouvez dire les choses d’une manière si banale que personne ne comprend. Mais si vous trouvez une image pointue, chacun comprend.» Les attaques contre la Suisse étaient donc parfaitement calculées? «Huitante pour cent de mes provocations sont voulues. Pour les 20% restants, je me laisse entraîner», citait l’Hebdo.
Socialiste à 22 ans
Peer Steinbrück est fidèle à ses engagements. Il n’avait que 22 ans quand il a adhéré au SPD. Ses biographes décrivent son enfance dans une famille bourgeoise ─ père architecte, mère à moitié danoise ─ et anti-nazis. Né à Hambourg en 1947, il a d’abord eu un parcours d’écolier peu brillant avant de devenir un élève très travailleur, faisant tout avec un extrême sérieux. Curieux, gros lecteur et cultivé, Steinbruck aurait souhaité être journaliste, mais il a opté pour l’économie et la fonction publique. Haut-fonctionnaire, il a été ministre puis «ministre-président» de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le plus grand land et le plus peuplé de la République, un quart de la population allemande.
Cet homme au physique de lutteur a connu une défaite retentissante en mai 2005, en perdant l'Etat régional de Rhénanie du nord-Westphalie, bastion de la gauche ouvrière, qu'il avait dirigé pendant deux ans et demi. C’est cette victoire de la droite dans ce Land, le plus peuplé d'Allemagne, qui avait conduit Gerhard Schröder à convoquer des législatives anticipées qui avaient porté au pouvoir Mme Merkel.
Economiste de profession, il a entamé sa carrière dans divers ministères au sein de l'administration du gouvernement fédéral et du Bundestag, avant de devenir ministre dans deux länder, puis ministre-président de Rhénanie-du-Nord-Westphalie en 2002.
Ancré à l’aile droite du SPD, il est considéré comme l'un des héritiers de Gerhard Schröder, dont la politique sociale a laissé des traces chez les électeurs de gauche (réformes Hartz, jobs à un euro…). Il est défendu par l’ancien chancelier Helmut Schmidt, né à Hambourg comme lui.
Un socialiste très centriste
Certains, dans son camp, jugent qu'il n'était pas le plus à même d'incarner en 2013 le programme du SPD, ancré à gauche, avec notamment l'introduction d'un salaire minimum horaire de 8,50 euros dans un pays qui en est dépourvu.
Pas de quoi rendre impossible une éventuelle cohabitation avec Angela Merkel, qu'il connaît bien. Il avait été son ministre des Finances pendant la période de grande coalition SPD-CDU entre 2005 et 2009. C’est lui qui, en total complicité avec la chancelière, a dû gérer la crise internationale lors de l’effondrement de la banque Lehman. «Malgré des personnalités très différentes, les deux s'entendent à merveille et mettent sur pied la TVA sociale en 2007 et l'allongement à 67 ans en 2030 de l'âge de départ à la retraite. Peer Steinbrück est l'artisan de la première consolidation budgétaire allemande» raconte La Tribune.
Cet européen convaincu («l’Europe n’est pas le problème, l’Europe est la solution», aime-t-il dire) pourrait aider, en cas de «Grande coalition», Angela Merkel à convaincre son parti des bienfaits de l'Euro et de l'UE. S'il fait partie de cette cohabitation à l'allemande.
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