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Une mine de charbon encrasse les relations entre la Pologne, la République tchèque et l'Allemagne

Les Tchèques demandent à la justice européenne la fermeture immédiate de la mine polonaise à ciel ouvert de Turow, frontalière et qui tarit les sources alentours. C’est la première fois qu’un pays de l’Union en poursuit un autre pour des raisons environnementales.

Article rédigé par Ludovic Piedtenu
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Vue depuis l'Allemagne de la mine de lignite polonaise de Turow. (EVENTPRESS HOENSCH / EVENTPRESS HOENSCH)

"C'est absolument sec !", explique Suzanna, devant son puits vide depuis déjà plusieurs années. Car côté tchèque, presque tous les villages rencontrent le même problème : le manque d'eau. Même chose chez tous les autres voisins qui peuvent encore compter sur l'eau du robinet. "L'eau de la source municipale va disparaître aussi, poursuit Suzanna. Cela pourrait être dans quelques années mais ça pourrait être aussi déjà cet été."

La mine empoisonne les relations avec les pays frontaliers

La mine polonaise de charbon de Turow salit depuis des années les relations entre la Pologne et la République tchèque et dans une moindre mesure l’Allemagne. La mine litigieuse se trouve en effet à quelques mètres seulement de la frontière avec ses deux voisins et tarit les sources alentours. Prague a porté l’affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne au Luxembourg. Il est très rare qu’un État membre en poursuive un autre pour manquement : ce recours n’est que le neuvième de l’histoire de la Cour. Et c'est le premier pour des raisons environnementales. Il y a quelques jours, le vendredi 21 mai, la Cour, dans un arrêt encore provisoire, a donné raison aux Tchèques et ordonné la fermeture immédiate de cette mine. Mais Varsovie refuse de se conformer à la décision de justice. Suzanna fait donc partie des 30 000 habitants menacés, selon les autorités tchèques, de rejoindre ceux qui, déjà, doivent vivre sans eau.

"Certains vont se doucher chez les grands-parents ou achètent l'eau dans les grands réservoirs. Les sources thermales sont sèches à cause de la mine."

Suzanna

à franceinfo

Le site de Turow, exploité depuis plus d'un siècle, est un immense cratère. Trois cent trente mètres plus bas, une excavatrice géante grignote le sous-sol, perce des poches d'eau souterraines qui ruissellent dans la fosse. L'exploitant affirme avoir beaucoup investi pour protéger ses voisins: vingt millions d'euros depuis 2016. "Des investissements lourds pour protéger l'environnement ont été réalisés dans le but, parmi d'autres, de limiter les émissions de poussières, de bruits et de protéger aussi bien les eaux en surface que les eaux souterraines", assure ainsi le directeur des ressources humaines du site.

La CJUE donne raison à la République tchèque

Selon la Cour de justice de l'Union européenne, la preuve est faite que les conséquences environnementales existent puisque la société exploitante PGE est en train de construire à grands frais un écran anti-filtration face à cet écoulement des eaux qui ne sera achevé qu'au cours de l'année 2023. Côté allemand, on reste relativement silencieux. Le maire de la ville allemande voisine, Zittau, estime que Berlin devrait agir. "J'espère que l'Allemagne s'inspirera de la partie tchèque, qui a montré l'exemple, indique-t-il. Berlin peut encore apporter son soutien à Prague. J'espère vraiment que ce sera le cas. Sinon on restera dans ce un contre un, alors qu'avec un soutien, nous revenons à cette règle de base dont nous avons tous besoin : obéir à la loi."

Un avis partagé par le maire de Zgorzelec, en Pologne, Rafal Gronicz, qui trouve regrettable cet affrontement avec les voisins. "L'atmosphère est bonne et on ne veut pas la perdre, soupire-t-il. On a travaillé très dur pour cela. Vous savez, la Seconde Guerre mondiale n'a pas été simple pour nous et la relation entre la Pologne et l'Allemagne était très très difficile au cours du siècle dernier." Ce maire polonais regrette aussi l'attitude de l'Union européenne, dont il pointe la faiblesse. "C'est comme avec la Hongrie, dit-il. Il faut être plus dur avec le gouvernement." À Varsovie, la Cour de justice de l'Union européenne devrait rendre un arrêt définitif, cette fois dans les prochaines semaines.

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