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Cartes Revenus, chômage, démographie... En Allemagne, les inégalités perdurent entre l'Ouest et l'Est

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (FRANCEINFO)

Trente ans après la chute du Mur, l'Est de l'Allemagne conserve une singularité liée à son histoire.

Voici trente ans que le mur de Berlin est tombé entre la RFA et la RDA, scellant la réunification de l'Allemagne près d'un an plus tard. Ces deux territoires ont depuis emprunté un chemin commun, mais de fortes disparités persistent encore aujourd'hui entre l'Ouest et l'Est. Franceinfo a retenu plusieurs indicateurs socio-économiques permettant de visualiser ces profondes différences. Décryptage avec Anne-Marie Pailhès, maître de conférences à l'université Paris Nanterre.

Des revenus moins importants à l'Est

Anne-Marie Pailhès : "Il existe toujours une différence de salaires importante entre l'Est et l'Ouest. Après la réunification, déjà, les conducteurs de transports en commun étaient payés différemment s'ils étaient domiciliés à l'Est ou à l'Ouest de la ville de Berlin. Aujourd'hui, l'Etat allemand donne toujours le mauvais exemple puisque les fonctionnaires sont payés 15% de moins à l’Est, où le coût de la vie est certes inférieur. Les salaires sont également moins élevés à l'Est dans le secteur privé, car beaucoup d'entreprises n'y signent plus les conventions collectives."

Plus de chômage à l'Est qu'à l'Ouest

Anne-Marie Pailhès : "A l'Est, les banques ont été nationalisées en 1945 avant la mise en place d'une politique de nationalisation des autres entreprises. Le tissu capitalistique a été déchiré et n'a pas pu être reconstitué aussi facilement. Lors de la réunification, l'objectif des entreprises de l'Ouest a été de conquérir les consommateurs du marché de l'Est. Parfois, ces derniers voyaient déjà les publicités de la RFA à la télévision, sauf dans la région de Dresde.

Par ailleurs, de grandes entreprises de l'Ouest, dans l'agroalimentaire ou la chimie, ont racheté de nombreuses entreprises à l'Est par l'intermédiaire de la Treuhand, un office financier mis en place en 1990 pour privatiser les entreprises de l'Est. Elles ont reçu des subventions pour rénover les entreprises et conserver les emplois mais elles n'ont pas toujours tenu leurs promesses. En Allemagne de l'Est, les principaux employeurs sont aujourd'hui les banques et les écoles."

L'Ouest, terre des grands groupes

Anne-Marie Pailhès : "Les conséquences de la désindustrialisation sont observables depuis 30 ans et ont des conséquences logiques sur le taux d'emploi. Il y a globalement beaucoup moins d’entreprises dans l'Est de l'Allemagne. Il est d'ailleurs intéressant de souligner qu'aucune société du DAX [indice boursier allemand, équivalent du CAC 40] n'a installé son siège social à l'Est, alors même qu'elles procurent beaucoup d'emplois. Par le passé, certaines ont tout de même construit des ateliers flambants neufs à l'Est pour installer des filiales très médiatisées. Mais cela ne suffit pas."

Une croissance démographique inégale

Anne-Marie Pailhès : "Beaucoup d'universités ont été rénovées à l'Est après l'unification, mais les diplômés n'ont pas beaucoup de perspectives d'emploi et préfèrent partir à l'Ouest où les emplois sont bien rémunérés. On dit que l'Allemagne de l'Est est un désert industriel avec quelques oasis. Beaucoup d'hommes travaillaient dans le secondaire et les professions techniques ont été les plus affectées par l’unification. Ils ont eu moins d'opportunités pour partir à l'Ouest.

Les femmes, elles, travaillaient davantage dans le tertiaire et elles ont eu davantage d'opportunités. Dans certains cantons, on recense aujourd'hui 85 femmes pour 100 hommes, ce qui a des conséquences démographiques, puisqu'il faut un peu plus de 100 femmes pour 100 hommes afin d'assurer le renouvellement de la population."

A l'Est, un vieillissement dû notamment aux départs

Anne-Marie Pailhès : "La RDA ou DDR était ironiquement surnommée 'Deutsche Rentner Republik' (la "République allemande des retraités") alors qu'il y avait pourtant beaucoup de naissances en RDA. Le vieillissement de la population reste plus marqué à l'Est qu'à l'Ouest en raison notamment des départs. L'Allemagne de l'Est comptait 16 millions de personnes au moment de l'unification contre 11 millions aujourd'hui. C'est intéressant car on observe le même phénomène en Roumanie et dans de nombreux pays d'Europe de l'Est."

Des surfaces agricoles plus grandes à l'Est

Anne-Marie Pailhès : "Une grande campagne de collectivisation s'est déroulée en RDA dans les années 1950. Les paysans étaient forcés d'adhérer à des coopératives et les bocages ont été supprimés. En raison de cet héritage, les surfaces agricoles moyennes sont aujourd'hui beaucoup plus importantes à l'Est qu'à l'Ouest. Ces exploitations sont aujourd'hui aux mains de grands propriétaires que l'on surnomme les 'barons rouges'.

L'Allemagne de l'Est pratique aujourd'hui une agriculture très intensive et certains groupes d'intérêt cherchent à introduire dans ces régions des cultures qui rencontreraient une forte opposition à l'Ouest. La société BASF [groupe chimique], dont le siège social est à Ludwigshafen (Rhénanie-Palatinat), y a fait ses expérimentations de patates OGM."

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