Corinne Lepage, avocate de la défense de l'environnement
Corinne
LEPAGE
Née le 11 mai 1951, Boulogne-Billancourt
Citoyenneté Action participation pour le 21ème siècle (CAP 21)
Groupe alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe
Députée européenne depuis 2009
http://www.corinnelepage.eu/
La défense de l’environnement. Tout tourne autour de ce thème, de cette cause chez Corinne Lepage. Sa profession d’avocate avec un gros dossier pour débuter, celui des communes touchées par la marée noire de l’Amoco Cadiz. Son engagement politique entre mouvement écologiste, centrisme et ministère de l’environnement aux côtés d’Alain Juppé. C’est dire que le parcours politique un peu sinueux de notre avocate ne lui a pas valu que des sympathies. Mais la cohérence du propos demeure. Vice –présidente de la commission environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire, elle se bat contre les OGM, défend les chercheurs qui vont à l’encontre des intérêts bien sentis des industriels de l’agro-alimentaire, combat le nucléaire, bref considère son engagement européen également comme le travail d’un lanceur d’alerte. Et pour rester logique avec cette ligne de conduite, elle a crée CAP21 son propre mouvement politique. Mais à lui seul ce CAP ne peut lui assurer une place renouvelée au sein du futur Parlement européen. Il va donc encore falloir négocier…ou inventer…C’est fait depuis quelques heures avec la création de listes « Europe citoyenne », un mélange d’européens convaincus et d’acteurs de la vie civile.
Pensez-vous avoir joué un rôle important lors de cette mandature? Avoir été écoutée ?
Oui, au risque de paraître immodeste. 2 rapports (OGM et agro carburants), 2 rapports pour opinion, 13 propositions de résolution, 171 rapports amendés, en siégeant dans les 2 plus grosses commission du Parlement européen en terme d’activité (Environnement, santé publique, sécurité alimentaire et industrie, recherche, énergie).
D’abord, au plan législatif. En siégeant dans un groupe protéiforme (un cheval libéral et une alouette démocrate), j’ai pu gagner certains arbitrages au sein du groupe, lesquels ont fait basculer le Parlement européen. C’est le cas dans le domaine de la sécurité alimentaire par exemple.
Ensuite, au plan d’une des fonctions essentielles des parlementaires, le contrôle. Mon apport essentiel aura été d’assurer la mission de contrôle auprès de la Commission européenne et des agences. Si nombre de députés néglige cet aspect, il est pourtant extrêmement important. Qu’elles soient sur la nomination des femmes dans les institutions, la gestion des conflits d’intérêts de la Commission et des agences (EFSA EMA), le respect des pouvoirs de comitologie (résolution contre le maïs TC1507), le contrôle du lobbying, les délégations du Parlement européen dans le cadre des négociations des Nations Unies sur le changement climat sont autant de missions importantes pour un député qui prend à cœur son mandat.
Par ailleurs, j’ai lancé l’idée d’un intergroupe Mers et zones côtières que j’ai présidé durant la mandature, qui a permis de faire progresser des sujets transverses : pollution par les plastiques, énergies marines, biodiversité marine…
L’union européenne doit également donner une vision à long terme de l’Union et c’est cette voie que j’ai portée que ce soit sur le thème de la ré industrialisation, les horizons de l’Union vers 2050, le paquet climat énergie 2030, la qualité de vie, les liaisons entre santé et environnement, la neutralité du net, la place des femmes dans notre société…
Enfin, un député peut prendre des initiatives en organisant des réunions publiques pour permettre à la société civile de mettre sur la table des enjeux : aspartame, expertise indépendante, tribunal pénal international de l’environnement
Sur le plan national je suis fière d’avoir pu contribuer en France à ce que justice se fasse dans le cas de l’hippodrome de Compiègne avec le renvoi d’Eric Woerth devant la CJR, en saisissant, comme députée européenne, le Procureur général auprès de la Cour de Cassation.
La plus belle réussite
Le vote à une très large majorité de mon rapport sur les OGM. Je suis en effet convaincue qu'il faut donner aux Etats le droit d'interdire la culture d'OGM, tout en conservant un processus d'évaluation communautaire. La priorité - non négociable - doit rester l'amélioration de l'évaluation des risques sanitaires et environnementaux, pour l'instant lacunaire.
Mais en plus de ses lacunes, l'évaluation des risques environnementaux menée au niveau européen est trop étroite, au sens où elle n'examine pas l'impact indirect des OGM ni leur utilisation dans un contexte agronomique donné. J'estime donc que ces aspects, tels que l'utilisation d'un herbicide associé à un OGM, ou le risque d'apparition de résistances parmi les insectes ciblés par une toxine Bt, peuvent très bien être évalués au niveau national. De même, les impacts socio-économiques pourraient légitimement faire l'objet d'une évaluation nationale, car les pratiques agronomiques, la taille et la structure des exploitations, etc. diffèrent largement d'un Etat-membre à l'autre, voire d'une région à l'autre. Il est à mes yeux tout à fait légitime qu'un gouvernement puisse interdire la culture d'OGM s'il estime, justifications à l'appui, que les mesures destinées à limiter la contamination de l'agriculture conventionnelle seraient trop complexes ou trop coûteuses à mettre en oeuvre par rapport aux bénéfices attendus d'un OGM - qui restent par ailleurs à démontrer.
Après d'âpres négociations entre groupes politiques, lors du vote en plénière du 5 juillet 2011, le Parlement a validé à une très large majorité mon projet de rapport. La proposition doit maintenant obtenir l'aval du Conseil des ministres alors que plusieurs Etats-membres, dont la France, semblent réticents à assumer au niveau national la responsabilité de pouvoir interdire des OGM.
Sur ce même sujet, je suis assez fière d’avoir été à l’origine avec quelques collègues pour une opposition à la culture du maïs TC 1507 en janvier 2014.
Le flop
Un meilleur encadrement du lobbying, des conflits d’intérêt et de l’expertise. Que ce soit sur l’aspartame ou les OGM entre autres, l’EFSA est toujours gangrénée par les représentants d’intérêts. Sur l’affichage des produits alimentaires, l’industrie agroalimentaire aurait dépensé la somme de 1 milliard d’euro, afin de court-circuiter la mesure sur les feux tricolores (indiquant simplement sucres, sel, matières grasses,…). Sur les gaz de schiste ou les plateformes pétrolières, l’influence sur les membres de la Commission européenne a réussi à pirater les initiatives législatives. Enfin, du fait du lobbying effréné de quelques uns, j’ai raté à une voix près le mandat de négociation en première lecture, après avoir pourtant fait voter mon rapport sur les agro carburants en première lecture.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.