Corinne, Nadine, Marine à Bruxelles
Elles ne se ressemblent absolument pas physiquement mais possèdent des traits de caractère communs. Ce sont des sortes de bulldozers, douées pour la répartie, le bon mot. Toutes capables de développer des théories imparables pour ceux qui ne connaissent pas le sujet dont elles traitent. De parfaits animaux politiques, en somme. Une fois dit cela, plus rien ne les rassemble.
Marine Le Pen est la plus jeune et son avenir est devant elle. Son objectif aux prochaines élections européennes est de faire du Front national le premier parti de France. Rien de moins ! Il lui reste à constituer des listes crédibles en France.
Derrière sa campagne électorale pour les Municipales, elle développe un grand activisme en Europe pour convaincre les principaux partis de la droite extrême ou populiste de composer un groupe dans la prochaine Assemblée européenne. Elle exclut l’Aube dorée grecque, ouvertement fasciste, l’Ataka bulgare mais a déjà réussi à convaincre le FPÖ autrichien, le PVV du Hollandais Geert Wilders, le Vlaams Belang Belge et le Parti nationaliste démocrate de Suède. Il lui manque encore deux nationalités pour réussir. Peu de grain à moudre du côté des Allemands ou des Britanniques. Personne en Pologne. Peut-être des pistes en Italie et, dit-elle, « d’autres ailleurs mais ce sont mes petits secrets »… Ce groupe lui permettrait de dénoncer le Parlement européen de l’intérieur. Ce Parlement, « un leurre, affirme-t-elle, censé faire croire aux Européens qu’il a une fonction démocratique alors qu’elle n’existe pas ».
Elle rejette d’ailleurs tout ce qui a été fait depuis 5 ans par cette Union européenne qu’elle compare souvent à l’ex-URSS et ne s’étonne pas des sondages qui montrent que les Français sont mécontents de l’Union. « Les institutions de l’’UE sont anti-démocratiques. Les Français les ont rejetées lors du référendum et ni Nicolas Sarkozy, ni François Hollande n’en ont tenu compte. Ils les ont même gravées dans le bronze de la Constitution française. »
Est-elle pour autant anti-européenne ? Elle affirme que non ! Juste anti-Union européenne. L’Europe qu’elle souhaite c’est une Europe des Nations. Chacun reste maître chez lui, on revient à nos bonnes vieilles monnaies nationales et l’on s’associe sur de grands projets type Airbus. Comment on fait pour y arriver dans l’état actuel des choses ? Mystère !
Corinne Lepage, elle, possède un vrai bilan et pas seulement au Parlement européen. Son truc c’est l’environnement. C’est elle qui, lorsqu’elle était ministre de l’environnement sous Juppé, a instauré des limitations de vitesse dans les villes en cas de pic de pollution. C’est elle qui, en tant qu’avocat, a agit contre les faiseurs de marée noire lors des affaires de l’Amoco Cadiz ou de l’Erika. Et c’est en tant que députée européenne qu’elle a récemment bataillé contre les lobbies et la Commission européenne sur les dossiers des OGM, Aspartame, Bisphénol A et gaz de schiste. Et ça l’énerve que José Bové se targue de ce travail au Parlement européen. Elle fait valoir qu’il n’appartient pas à la Commission environnement mais à la Commission agriculture. « C’est immoral » assène-t-elle. Elle a d’ailleurs les Verts européens dans le pif. Et n’apprécie guère la Commission européenne sortante. D’ailleurs, à part Michel Barnier qu’elle trouve courageux face aux banques, il n’y a pas grand monde à Bruxelles ou à Strasbourg qui trouve grâce à ses yeux. D’où, sûrement, son look de franc-tireur qui l’isole et atténue la portée de sa voix.
Est-elle pro-Européenne ? On peut en douter quand on l’entend dire que l’Union parait rendre la vie plus difficile aux Européens et qu’elle semble nous entraîner vers le déclin. Mais ces critiques viennent d’une amoureuse déçue qui n’a pas renoncé à redorer le blason du projet européen. La preuve ? Elle se représente.
J’ai rencontré la dernière candidate à la résidence de Madame l’ambassadeur d’Allemagne au cours d’un déjeuner-débat organisé autour de Gerhard Schröder, l’ancien Chancelier, auteur de la grande réforme du système social Outre-Rhin. Rencontré est un bien grand mot. Disons croisé. C’est la première fois que je voyais Nadine Morano aux débats organisés par Madame Susanne Wasum-Rayner. J’imagine que, désignée tête de liste UMP pour la région Grand Est, elle était en mission commandée. Ou plutôt… commando ! L’ambiance est d’ordinaire très feutrée à l’hôtel Beauharnais.
Ce jour là, se côtoyaient Robert Badinter, Jean-Pierre Chevènement, Jean-Claude Trichet, Jacques de La Rosière, Najat Vallaud-Belkacem, entre autres. Chacun allant vers l’autre en se présentant, tous se sentant privilégiés d’avoir été invités pour écouter celui qui sert de modèle aux hommes politiques français de tout bord. Vu son comportement, Madame Morano n’avait pas dû bien comprendre le fonctionnement à l’allemande : sourire, politesse, respect. Ainsi, le déjeuner était placé, donc aucun risque de ne pas avoir de couvert. Pourtant, dans le flux vers la salle à manger, une sorte de char d’assaut me bouscula, cherchant à dépasser cette troupe qui avançait si lentement. Mme Morano. Sont-ce là des manières ?
Plus sérieusement, est-elle pro ou anti européenne ? A-t-elle un projet, une connaissance particulière de la chose européenne ? Je ne demande qu’à le savoir.
Une chose est sûre, cet ancien ministre en charge de la famille puis de l’apprentissage et de la formation professionnelle va découvrir que ces mots ont d’autres significations hors de France.
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