Inflation en hausse, croissance en baisse… Ce qu'il faut retenir des prévisions économiques européennes pour 2022
La pandémie de Covid-19 et les prix élevés de l'énergie contraignent la Commission européenne à revoir ses prévisions pour l'année en cours.
C'est plus. Bruxelles a revu à la hausse, jeudi 10 février, sa prévision d'inflation dans la zone euro pour 2022 : ce ne sera pas 2,2% mais 3,5%. La Commission européenne, qui tablait jusqu'ici sur une croissance du Produit intérieur brut (PIB) de 4,3% pour cette année, a refait ses calculs : ce sera plutôt 4%. En cause notamment, la flambée des prix de l'énergie. Franceinfo vous résume ce qu'il faut retenir de ce réajustement.
L'inflation n'a jamais été aussi élevée depuis la création de l'euro
En décembre 2021, le taux d'inflation dans la zone euro s'élevait à 5% sur un an. Il était même de 5,1% en janvier, selon les estimations d'Eurostat. Du jamais vu depuis la création de l'euro. Après avoir été frappée en 2020 par les effets de la pandémie de Covid-19, l'activité économique européenne a fortement rebondi à partir du printemps 2021, avant de subir un ralentissement marqué depuis la fin d'année, sous l'effet de la hausse des prix de l'énergie et d'une résurgence des contaminations et des perturbations des chaînes d'approvisionnement dans l'industrie.
Une hausse qu'il faut remettre en perspective : l'inflation particulièrement élevée enregistrée en 2021 s'explique en partie par celle, très basse, de 2020. En effet, le taux d'inflation est calculé par rapport à l'année précédente et l'année 2020 a justement été exceptionnelle.
Aussi, si l'on remonte avant la création de la monnaie unique, ces taux d'inflation de 2021 n'ont rien de surprenant. En France, il était en moyenne de 10,1% par an entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les années 1980, selon l'Insee. "Mais elle s'accompagnait jusque dans les années 1970 d'une croissante soutenue et d'un chômage faible, rappelle Le Monde. L'objectif d'une inflation contenue ne s'impose qu'après les chocs pétroliers et une décennie de chômage élevé, couplés à une forte hausse des prix." "L'inflation en France n'a été contenue sous la barre des 2% qu'à partir des années 1990 et l'entrée dans l'union économique et monétaire", recadre aussi le journal.
L'inflation va durer en Europe
Crise sanitaire, prix de l'énergie… Si la situation pèse sur la croissance début 2022, "les vents contraires devraient s'estomper progressivement, promet le commissaire européen à l'Economie, Paolo Gentiloni. Nous prévoyons une accélération de la croissance dès le printemps. Les pressions sur les prix devraient rester fortes jusqu'à l'été, après quoi l'inflation devrait diminuer". Jugeant les fondamentaux économiques "solides" en Europe, la Commission a revu d'ailleurs à la hausse sa prévision de croissance pour 2023 à 2,7% (contre 2,4%) dans les 19 pays partageant la monnaie unique.
Concernant la hausse des prix, l'exécutif européen table sur un "pic d'inflation" au "taux record" de 4,8% au premier trimestre 2022, avant un repli dans la deuxième moitié de l'année. L'inflation resterait encore au-dessus de 3% au troisième trimestre, puis baisserait à 2,1% entre octobre et décembre. Bruxelles prévoit que l'inflation passera sous cet objectif seulement "dans le courant de l'année prochaine", tablant sur 1,7% pour 2023.
L'inflation pourrait en outre augmenter davantage que prévu si les hausses de prix se répercutent sur les salaires, entraînant une hausse de la consommation (mais cet effet de la hausse des salaires est une théorie débattue). Surtout, les tensions géopolitiques autour de l'Ukraine constituent un risque majeur. La Russie est de loin le premier fournisseur de gaz de l'Europe et une confrontation militaire avec Moscou pourrait propulser les prix de l'énergie vers de nouveaux sommets.
En France aussi
Après avoir déjà atteint 2,9% sur un an en janvier, les prix vont poursuivre leur envolée au premier semestre en France. L'inflation devrait atteindre "entre 3% et 3,5%", a estimé l'Insee, mardi 8 février. Dans ses précédentes prévisions, publiées mi-décembre, l'Institut national de la statistique (Insee) tablait sur une inflation au-dessus de 2,6% pour le premier semestre 2022.
Cette accélération de l'inflation devrait toutefois être contenue par les mesures mises en place pour soutenir le pouvoir d'achat des ménages (chèque énergie, indemnité inflation, blocage des prix du gaz, plafonnement de la hausse des prix de l'électricité). "Sans elles, la prévision d'inflation pour février aurait été rehaussée d'au moins un point de pourcentage", soit plus de 4%, évalue l'Insee.
En ce qui concerne l'activité économique, l'Insee a légèrement abaissé (à 0,3%) sa prévision de croissance pour le premier trimestre, contre 0,4% précédemment, à cause de l'arrivée du variant Omicron. Mais ce ralentissement, après la croissance de 0,7% au dernier trimestre 2021, devrait être "temporaire". L'Insee a ainsi relevé de 0,1 point sa prévision de croissance pour le deuxième trimestre, à +0,6%, avec notamment une "lente dissipation" des difficultés d'approvisionnement. Il alerte toutefois sur les difficultés de recrutement, qui "atteignent des niveaux records".
Le gouverneur de la Banque de France, aussi, veut voir le verre à moitié plein. Dans un entretien au Monde, jeudi, François Villeroy de Galhau estime que le pic de l'inflation sera atteint d'ici à quelques mois. "Notre enquête de conjoncture, début février, confirme que la reprise est solide et résiste [au variant] Omicron, répond-il. Elle conforte notre prévision de croissance, qui devrait être d'au moins 3,6% en 2022." Avant d'ajouter : "Le principal frein à la croissance est l'insuffisance de main-d'œuvre dans certains secteurs." Au point d'espérer un retour au plein-emploi ? "Oui, si nous sommes tenaces et que nous regardons enfin au-delà de la seule urgence Covid. Aujourd'hui, l'économie française connaît une croissance élevée et une inflation trop forte, mais, d'ici à deux ans, cette image devrait s'inverser. En 2024, l'inflation sera probablement revenue autour de 2% et la croissance aura retrouvé, à 1,4%, sa trajectoire pré-Covid."
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