Kosovo : ce que l'on sait des graves heurts entre des manifestants serbes et les forces de l'ordre dans le nord du pays
Le Kosovo est en proie à de nouvelles tensions depuis plusieurs jours. Lundi 29 mai, des heurts en marge de manifestations dans le nord de ce petit pays des Balkans ont fait plusieurs dizaines de blessés parmi les civils et les soldats de la force internationale de l'Otan présente sur place. Au cœur de cette mobilisation menée par des membres de la minorité serbe du Kosovo : la récente élection controversée, dans des villes majoritairement serbes, de maires issus de la communauté albanaise qui représente l'essentiel de la population du pays, ancien territoire serbe qui a proclamé son indépendance en 2008. Alors que des manifestants se rassemblent à nouveau dans une de ces villes, mardi, franceinfo fait le point sur ce que l'on sait de ce regain de violences.
De nombreux soldats et manifestants blessés
Lundi, la police du Kosovo a dispersé des manifestations à l'aide de gaz lacrymogène. Le président de la Serbie voisine, Aleksandar Vucic, l'accuse d'avoir fait au moins 52 blessés parmi les Serbes du Kosovo, dont trois grièvement. Il a notamment assuré qu'un homme de 50 ans avait été blessé par balles par "les forces spéciales" de la police.
Des membres de la force internationale emmenée par l'Otan au Kosovo (Kfor) ont également été blessés lundi dans ces heurts, a annoncé l'organisation lundi soir. Un nouveau bilan communiqué mardi (lien en anglais) fait état de 30 blessés dans ses rangs. Ces soldats avaient été déployés dans quatre municipalités du Nord "dans le but de contenir les violentes manifestations en cours". Ils "ont été la cible d'attaques non provoquées et ont subi des blessures traumatiques avec des fractures et des brûlures dues à l'explosion d'engins incendiaires", rapporte le communiqué de la Kfor, présente au Kosovo depuis 1999 et un mandat accordé par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Selon le commandement de la force de l'Otan, les blessés sont 11 soldats italiens et 19 soldats hongrois. Sept de ces derniers ont été grièvement touchés, selon le ministère de la Défense hongroise, de même que trois des blessés italiens, selon le ministère des Affaires étrangères d'Italie. Trois des Hongrois ont été blessés par des armes à feu, précise la Kfor.
Deux équipes de médias du Kosovo ont également affirmé que des manifestants avaient crevé les pneus de leurs véhicules et les avaient aspergés de peinture. Une situation jugée "très préoccupante", par l'Association des journalistes du Kosovo (lien en anglais).
L'armée serbe à son plus haut niveau d'alerte
Après les premiers affrontements intervenus dans trois localités du Kosovo vendredi, notamment dans la commune de Zveçan, le président serbe Aleksandar Vucic a placé l'armée en "état d'alerte maximale jusqu'à nouvel ordre" et l'a mise "en mouvement" vers la frontière avec le Kosovo. Les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, l'Italie et l'Allemagne ont exhorté la Serbie "à immédiatement revenir sur sa décision".
Samedi matin, Aleksandar Vucic a présidé une réunion du Comité pour la sécurité nationale, qui a adopté un plan d'"activités sécuritaires (...) visant à renforcer les capacités de défense de la Serbie", a annoncé la présidence. La situation n'est cependant pas inédite : ces dernières années, l'armée serbe a été placée en état d'alerte à plusieurs reprises.
La force internationale emmenée par l'Otan au Kosovo (Kfor) a pour sa part déclaré "renforcer sa présence" dans le nord du Kosovo, tout en appelant les deux pays à reprendre le dialogue.
Une réaction à des élections contestées
Le Kosovo, ancienne province serbe dont Belgrade n'a jamais reconnu l'indépendance proclamée en 2008, est le théâtre de tensions régulières entre la communauté albanaise (qui représente plus de 90% de la population du pays) et la communauté serbe (majoritaires dans le Nord, près de la frontière avec la Serbie). Dernier épisode en date : la tenue d'élections municipales controversées, le 23 avril, dans quatre localités du nord du Kosovo.
Le scrutin a été largement boycotté, avec une participation de moins de 3,5%. Mais les maires albanais qui l'ont emporté ont été intronisés par le gouvernement du Kosovo, malgré les appels à l'apaisement lancés par l'Union européenne et les Etats-Unis. Ils ont pris leurs fonctions vendredi, ce qui a provoqué la colère des manifestants serbes. Les actions de la police du Kosovo, munie de fusils et des véhicules blindés, ont également participé à la montée des tensions, rapporte la BBC.
De vives réactions internationales
Les violences contre des soldats de la Kfor ont été qualifiées de "totalement inacceptables" par l'Otan. "La violence doit cesser immédiatement", a martelé l'Alliance atlantique. Face à ces tensions, l'ambassadeur américain et l'envoyé de l'Union européenne ont convoqué les maires albanais à une réunion à Pristina, la capitale du Kosovo. Le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell, a également qualifié les actes de violence commis contre la Kfor, les médias, les civils et la police d'"absolument inacceptables".
La France a déclaré condamner "ces violences dans les termes les plus forts" et a appelé "toutes les parties, en particulier le gouvernement du Kosovo, à prendre des mesures immédiates pour réduire les tensions".
Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a quant à lui apporté son soutien aux Serbes, assurant qu'ils "combattaient pour leurs droits". Ces heurts dans la région ont fait réagir jusque sur les courts de Roland-Garros, lundi : la star serbe Novak Djokovic a écrit "Le Kosovo, c'est le cœur de la Serbie ! Stop à la violence" sur l'objectif d'une caméra de la compétition.
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