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L'article à lire pour comprendre la procédure de sanction enclenchée par le Parlement européen contre la Hongrie

Les députés européens ont enclenché l'article 7, procédure rarissime, pour prendre des sanctions contre Budapest pour "violation grave" des valeurs de l'Union européenne.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le Premier ministre hongrois Viktor Orban lors des débats au Parlement européen sur la situation de la Hongrie, le 11 septembre 2018 à Stasbourg (Bas-Rhin).  (FREDERICK FLORIN / AFP)

Certains le qualifient d'"arme nucléaire", d'autres de "pétard mouillé". Mercredi 12 septembre, le Parlement européen a activé l'article 7 du traité de l'UE contre un Etat membre, la Hongrie. Une première pour le pays dirigé par le dirigeant national-conservateur Viktor Orban, accusé de bafouer "les valeurs" européennes.

Que prévoit cet article ? Cette procédure rarissime a-t-elle des chances d'aboutir ? Franceinfo répond aux questions qui se posent au lendemain du vote.  

Que permet l'article 7 ? 

L'article 7 du traité de l'UE  a été introduit dans le traité d’Amsterdam en 1997. C'est la procédure la plus radicale pour sanctionner un pays bafouant les règles européennes. Ce mécanisme, qui n'avait été lancé que contre la Pologne à l'initiative de la Commission, est prévu comme un dernier recours face à un pays commettant "une violation grave et persistante" des valeurs de l'Union européenne. 

Ces valeurs, mentionnées dans l'article 2 du traité de l'UE, sont le "respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'Etat de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités"

Que dit la résolution adoptée ? 

La résolution votée par les députés européens dans le cadre de l'activation de cet article 7 invite le Conseil européen, l'organe qui regroupe les chefs d'Etats, à constater s'il existe "un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs visée à l'article 2 du traité de l'UE et à adresser à la Hongrie des recommandations appropriées à cet égard".

Selon le texte adopté par les eurodéputés, la politique menée par le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, au pouvoir depuis 2010, porte atteinte aux libertés et à l'équilibre des pouvoirs et représente un "risque systémique" contre les valeurs de l'UE. 

Que reproche le Parlement européen à Viktor Orban 

La résolution liste les multiples violations de la démocratie et des droits de l'homme constatées par les institutions européennes depuis l'arrivée au pouvoir du Fidesz, le parti du Premier ministre, Viktor Orban. Ces violations concernent notamment l'affaiblissement des contre-pouvoirs, l'indépendance de la justice, de la liberté des médias, de la liberté académique ou du sort fait aux migrants et à ceux qui leur portent assistance. 

Même si cela n'est pas évoqué dans le texte, la rencontre en août de Viktor Orban avec le leader de l'extrême droite italienne Matteo Salvini aurait précipité la décision du Parlement européen, selon Le Figaro. Le duo entend lancer un axe nationaliste en Europe avec en ligne de mire une politique très dure à l'égard des migrants et a pris Emmanuel Macron pour cible, qualifié de "chef des partis pro-migrants" en Europe

Le vote a-t-il fait l'unanimité au sein des partis de droite européens ? 

L'activation de l'article 7 du traité de l'UE a été adopté à 448 voix pour, 197 contre et 48 abstentions. Comme l'indique Le Figaro, le Parti populaire européen (PPE, droite et centre-droit), dont fait partie Viktor Orban, a fait basculer le vote dans le sens de l'adoption : 116 eurodéputés de ce groupe ont voté pour et seulement une petite soixantaine contre.

Le PPE entend ainsi montrer la sortie au Premier ministre hongrois, avec en ligne de mire les élections européennes de mai 2019. Mais "l'enfant terrible" de l'Europe, tel qu'il est surnommé, a fait savoir qu'il n'avait pas l'intention de quitter le PPE, malgré les appels du pied de plusieurs représentants de l'extrême droite, dont Marine Le Pen. 

Le vote n'a malgré tout pas fait l'unanimité au sein des députés français membres du PPE, dont certains, comme Nadine Morano (LR), ont voté contre la résolution tandis que d'autres se sont abstenus. Consciente des divergences au sein des élus Les Républicains, l'eurodéputée Françoise Grossetête, vice-présidente du groupe PPE, estime sur franceinfo qu'il est "important de rappeler un certain nombre de valeurs européennes" pour éviter que des électeurs "partent du côté de La République en marche". 

J'estime qu'à l'approche des élections européennes, il est important que les électeurs connaissent de façon très claire les lignes politiques d'un parti.

Françoise Grossetête, eurodéputée, vice-présidente du groupe PPE

à franceinfo

Quelles peuvent être les conséquences de ce vote ?

L'article 7 est souvent qualifié d'"arme nucléaire", car il peut mener en fin de course à une suspension des droits de vote au Conseil de l'UE, l'instance où les 28 contribuent à façonner les législations européennes. En comparaison, les procédures d'infraction que peut lancer la Commission contre des pays violant le droit de l'UE, beaucoup plus courantes, ne peuvent conduire en dernier ressort qu'à des sanctions financières.

Mais la partie de l'article 7 dont les eurodéputés ont demandé mercredi le déclenchement ne concerne que sa phase dite "préventive", pas encore celle prévoyant des sanctions.

Quelle est la suite de la procédure ? 

L'adoption de l'article 7 n'est qu'une première étape. Il revient désormais aux Etats membres d'approuver ce constat par un vote au quatre cinquième des membres du Conseil européen. Soit 27 pays (l'instance réunissant les 28, moins le pays visé).

Si le vote passe, la Hongrie devra prouver au Conseil les progrès qu'elle réalise en matière d'Etat de droit et sur les autres points mentionnés dans la résolution.  Si la Hongrie ne répond toujours pas aux inquiétudes de l'UE après un tel vote, un mécanisme dit de "sanction" pourrait ensuite être activé, à la demande d'un groupe d'Etats membres ou de la Commission.

A-t-elle des chances d'aboutir ? 

Cela n'a encore jamais eu lieu, même contre la Pologne, qui est visée actuellement par la phase préventive de l'article 7. Le gouvernement polonais a déjà laissé entendre qu'il ferait obstacle à l'unanimité requise pour ouvrir la voie à des sanctions contre la Hongrie. De la même manière que le gouvernement hongrois a déjà affirmé qu'il soutiendrait la Pologne si la procédure la visant atteignait le stade de possibles sanctions.

L'Autriche et l'Italie, qui prônent la même politique migratoire, s'opposeraient sans doute au vote. 

Comment réagit Budapest ? 

Ce vote n'est qu'une "petite vengeance des politiciens pro-immigration", a réagi le ministre des Affaires étrangères hongrois, Peter Szijjarto. "Cette décision de condamner la Hongrie et le peuple hongrois a été prise alors que nous, Hongrois, avons prouvé que la migration n'est pas un processus nécessaire et qu'il est possible de stopper l'immigration", a-t-il ajouté.

Il estime que le vote des eurodéputés est "l'ultime preuve claire que le Parlement européen compte une très grande majorité de politiciens pro-immigration" et qu'elle a "révélé l'intention de former une coalition après les élections [européennes] de mai prochain entre les libéraux, la gauche et le PPE".

J'ai eu la flemme de tout lire, vous me faites un résumé ? ;-)

Le Parlement européen a activé l'article 7 du traité de l'UE, procédure rarissime, et adopté une résolution mercredi contre la Hongrie, accusée de "violation grave et persistante" des valeurs de l'Union européenne. En ligne de mire, le Premier ministre Viktor Orban, élu en 2010, et dont la politique est jugée antidémocratique et contraire aux droits de l'homme, notamment à l'égard des migrants.

Le Parti populaire européen (droite, centre-droit), dont il fait partie, entend ainsi le pousser vers la sortie, en vue des élections européennes de mai 2019. Mais "l'enfant terrible" de l'Europe a fait savoir qu'il n'avait pas l'intention de quitter le PPE. Et les chances de voir aboutir la procédure européenne sont minces. Plusieurs étapes sont nécessaires avant une éventuelle prise de sanctions, telle qu'une suspension des droits de vote de la Hongrie au Conseil de l'UE. Et la Pologne, l'Italie ou encore l'Autriche devraient s'opposer à l'unanimité requise pour ouvrir la voie à ces sanctions.

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