L'Irlande et ses 4,8% de croissance : un modèle à suivre ?
Téléphone mobile en main dans les anciens entrepôts Guinness transformés en pépinière d'entreprise, Niall Minihan vante la dernière application créé par sa start-up. Après avoir passé les années de crise à l'étranger, le jeune ingénieur est rentré en Irlande il y a 6 mois : "J'avais eu de bons échos sur le fait que l'économie redémarrait ici. Particulièrement dans le secteur des hautes technologies. Le fait qu'il y ait des grosses boites comme Yahoo! ou Google a créé un écosystème favorable."
Les géants du net créent la dynamique
Les géants américains du net sont toujours attirés par un faible taux d'imposition sur les sociétés à 12,5%et par une main d'œuvre qualifiée anglophone. Le mois dernier, Yahoo! a ainsi inauguré sur les docks son siège européen flambant neuf. C'est en face, chez Google, que Martin Léonard a, lui, été embauché cette semaine. Il est arrivé à Dublin l'été dernier avec un tout frais master en communication digitale : "un mois après mon arrivée, j'ai trouvé un travail ici. Je n'ai pas l'impression d'être dans un pays où c'est difficile de trouver un emploi."
Cette embellie est en partie due à un euro faible qui dope les exportations vers les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Elle est due aussi, selon l'économiste Antoin Murphy, à 6 années d'austérité qui ont permis de rembourser plus vite que prévu le FMI et les autres bailleurs internationaux. "Je pense que les Irlandais avaient découvert quelque chose dans leur ADN : le pragmatisme. Au lieu de manifester les gens ont dit 'nous avons fait des erreurs, il faut les corriger'. Comme cela ils étaient prêts à accepter l'austérité que le gouvernement devait imposer."
Austérité de pair avec un niveau de vie en baisse
Le professeur émérite au Trinity College a ainsi vu son niveau de vie baisser de 25% avec baisse de pension et hausse d'impôt. Une situation qu'a fait fuir une partie des Irlandais : 1 sur 20 a émigré pendant la crise. Pour tenter de les faire revenir, Jimmy Deenihan a été nommé à la tête d'un tout nouveau secrétariat d'Etat à la Diaspora : "avant la crise, 250.000 personnes travaillaient dans le secteur de la construction. Maintenant, il n'y a plus que 100.000. Ils ont quitté le pays. Donc j'espère que si l'on fait revenir ces gens, le secteur de la construction repartira."
Mais, pour l'instant, le nombre de départ reste supérieur à celui des retours. Pas vraiment étonnant quand on détourne le regard des secteurs en pointe. Liam Cowen est serveur dans le quartier de Temple Bar 25 heures par semaine : "On est un peu plus occupé au travail mais mon salaire, lui, n'augmente pas. Par contre le prix du ticket de bus augmente. Les impôts augmentent ."
Pessimisme et chômage
Pessimisme partagé à la sortie du centre pour demandeurs d'emploi de Bishop's square. Derryl Murphy y vient depuis qu'il a perdu son travail en boulangerie il y a deux ans : "Je ne crois pas que l'économie aille mieux. En deux ans, je n'ai trouvé que 9 semaines de travail. C'est vraiment dur."
En deux ans, le taux de chômage a pourtant rapidement diminué de 15 à 10%. Le gouvernement espère atteindre 5% d'ici 2018 mais, pour Ronan Burtenshaw de la confédération des syndicats irlandais, on assiste au développement d'une économie à deux vitesses : "dans l'histoire de l'Irlande, on n'avait jamais vu autant de sans-abris. 1000 enfant sont en ce moment dans des logements d'urgence."
Une société peu encline à manifester depuis le début de la crise mais qui, depuis 6 mois, bat régulièrement le pavé contre une nouvelle taxe sur l'eau, symbole d'une pilule austéritaire loin d'être tout à fait avalée.
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