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Brexit : après le nouveau rejet de l'accord de Theresa May, que va-t-il se passer maintenant ?

Difficile de savoir ce que l'avenir réserve au Royaume-Uni. Après le rejet de l'accord proposé par Theresa May, tous les scénarios, ou presque, sont désormais possibles. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Un manifestant pro-Brexit devant Westminster, vendredi 29 mars 2019.  (HANNAH MCKAY / REUTERS)

C'est non, non et non. Pour la troisième (et dernière ?) fois, les députés britanniques ont retoqué l'accord de sortie de l'Union européenne présenté par Theresa May. Fruit de plus de deux ans de négociations entre Bruxelles et Londres, ce texte a été rejeté par les parlementaires, à 344 voix contre 286, vendredi 29 mars. Il prévoyait que le Royaume-Uni sorte de l'UE le 22 mai et entre dans une période de transition pouvant durer jusqu'à 2022. 

La cheffe du gouvernement a œuvré jusqu'à la dernière minute à convaincre les élus hostiles à son accord, promettant même de démissionner avant la prochaine phase du Brexit s'ils s'engageaient à l'approuver. Cette promesse, qui a permis de faire changer d'avis des rebelles historiques du Parti conservateur, comme l'ancien maire de Londres Boris Johnson ou encore le très eurosceptique Jacob Rees-Mogg, n'a pas suffi. Sans l'appui du parti nord-irlandais DUP, indispensable à sa majorité, Theresa May n'avait aucune chance de rassembler le nombre de voix nécessaires.  

L'accord proposé par l'exécutif écarté, le pays plonge encore davantage dans l'incertitude. Et ce, quatorze jours avant la date fatidique du 12 avril, à laquelle le divorce sera définitivement acté en cas de no deal. Alors, où va le Royaume-Uni ? 

Probable (mais risqué) : une sortie de l'UE sans accord 

A Bruxelles, la Commission européenne a estimé à l'issue du vote des députés britanniques qu'une sortie sans accord du Royaume-Uni le 12 avril était "un scénario probable". Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a déclaré pour sa part que le risque d'un Brexit sans accord était désormais "très réel". Si, d'ici là, Londres ne propose pas à Bruxelles un nouveau scénario, le Royaume-Uni devra quitter l'UE sans accord ni période de transition. Un scénario longtemps considéré comme improbable et non souhaitable pour une majorité d'élus et de citoyens, tant il constitue un saut dans l'inconnu.

Si ce scénario a été préparé ces derniers mois à Londres comme à Bruxelles, il ne semble convenir à personne, à commencer par les députés britanniques. A deux reprises, ils se sont prononcés contre une sortie sans accord de l'UE, à l'occasion de votes non contraignants. 

Certain : de nouveaux votes indicatifs sur des scénarios alternatifs dès lundi

Lundi 25 mars, un député conservateur, Oliver Letwin, a fait voter une motion permettant au Parlement d'arracher des mains de Theresa May le contrôle sur le processus du Brexit. Mercredi, lChambre des communes a ainsi donné son avis sur huit scénarios écartés par la Première ministre, allant du no deal à la tenue d'un référendum sur un accord voté par le Parlement, en passant par des modèles de Brexit "doux", semblables aux relations qu'entretiennent l'Union européenne et la Norvège.

Si aucun de ces scénarios n'a obtenu de majorité, le Parlement a prévu de se prononcer à nouveau lundi sur leurs versions affinées. Non contraignants juridiquement, ces scrutins pourraient permettre de déterminer une nouvelle stratégie. 

Certain : une réunion du Conseil européen le 10 avril 

"Au vu du rejet du Traité de retrait par la Chambre des communes, j'ai décidé de convoquer un sommet européen le 10 avril", a déclaré sur Twitter Donald Tusk, président du Conseil européen, qui regroupe les chefs d'Etat et de gouvernement, seulement quelques minutes après l'issue du vote des députés. Selon un responsable au sein de l'institution, l'UE attend les indications du Royaume-Uni "suffisamment à temps pour que le Conseil européen puisse [les] examiner".

Car si Londres veut éviter un no deal, il va falloir demander un report long du Brexit avant la date limite du 12 avril. Dans les faits, cette réunion du 10 avril devrait permettre aux 27 d'étudier la proposition britannique et de donner une réponse avant qu'il ne soit trop tard. 

Possible : un report long du Brexit 

Les dirigeants de l'UE ont ouvert la possibilité d'un long report du départ du Royaume-Uni si l'accord de retrait était rejeté, à condition qu'un changement significatif intervienne entre-temps. Un long report devrait courir au moins jusqu'à fin 2019, a prévenu la Commission européenne, et être approuvé par les 27. Il impliquerait également que le Royaume-Uni prenne part aux élections européennes fin mai.

Possible : le retour de la vengeance de l'accord de Theresa May 

L'accord peut-il survivre à ce nouveau rejet ? Peut-être, répond un journaliste du HuffPost UK. Selon une source gouvernementale qu'il cite sur Twitter, les députés pourraient être amenés à choisir entre les scénarios les plus populaires parmi ceux discutés le 27 mars et le 1er avril au Parlement et le texte de Theresa May. 

Quasi-inévitable : un départ de Theresa May 

Theresa May a dit, mercredi, qu'elle ne serait plus à son poste pour mener de nouvelles négociations avec Bruxelles. Ainsi, son départ pourrait constituer le changement réclamé par l'UE. Un nouveau gouvernement conservateur serait en mesure de rouvrir les négociations avec Bruxelles. Aussitôt après la débâcle de Theresa May au Parlement, un député conservateur pro-Brexit, Steve Baker, a estimé que la Première ministre devait laisser la place à un nouveau dirigeant.

Jeremy Corbyn, chef de file du Labour, le parti d'opposition, a affirmé lui aussi que Theresa May devait partir sans attendre et a réclamé la tenue d'élections législatives anticipées. 

Envisageable : de nouvelles élections générales 

Le Parlement doit voter lundi une nouvelle fois sur plusieurs options possibles pour le Brexit. Si ce vote n'est pas contraignant, il peut toutefois faire émerger un scénario alternatif ou, au contraire, entériner les divisions au sein du Parlement.  Theresa May pourrait alors décider de convoquer des élections générales (l'équivalent des législatives en France) pour sortir de l'impasse.

Dans ce cas, Bruxelles accorderait un long report du Brexit aux Britanniques, afin de mener à bien ces élections et d'organiser les inévitables élections européennes. 

Improbable : l'annulation du Brexit

Selon la Cour de justice européenne, le Royaume-Uni peut décider seul de renoncer à quitter l'UE, sans avoir besoin de l'aval des autres Etats membres. Mais cette décision ne peut se justifier politiquement, alors que les Britanniques ont voté à 51,9%, par référendum, pour sortir de l'UE. D'ailleurs, Theresa May a toujours rejeté cette possibilité. Ainsi, en réponse à la pétition demandant d'annuler le Brexit, forte de près de 6 millions de signatures, le gouvernement a simplement déclaré : "Nous honorerons le résultat du référendum de 2016."

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