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Royaume-Uni : pourquoi les élections législatives anticipées vont déterminer l'avenir du Brexit

Les députés britanniques ont approuvé mardi la tenue d'élections législatives anticipées, comme le souhaitait Boris Johnson. Mais l'issue du scrutin pourrait influencer (voire bouleverser) les conditions du divorce entre Londres et Bruxelles.

Article rédigé par franceinfo
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L'entrée du 10 Downing Street, la résidence du Premier ministre britannique, à Londres, le 29 octobre 2019. (DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP)

La quatrième tentative était la bonne. Après avoir essuyé trois refus des députés britanniques, le Premier ministre Boris Johnson a obtenu un accord, mardi 29 octobre, pour l'organisation d'élections législatives anticipées. La Chambre des communes, puis les Lords, ont approuvé la tenue d'un scrutin à la date du 12 décembre. Le texte n'a plus que quelques autres étapes à franchir, qui ne devraient être que des formalités, afin de permettre la dissolution du Parlement le 6 novembre.

L'issue de ces élections déterminera l'avenir du Brexit, qui sera au centre de la campagne. Boris Johnson parviendra-t-il à retrouver la majorité nécessaire pour faire adopter l'accord qu'il a négocié avec Bruxelles ? Les europhiles obtiendront-ils suffisamment de sièges pour empêcher la sortie de l'UE ? Ou repartira-t-on pour un tour de négociations si aucune majorité absolue ne se dégage ? Franceinfo vous explique pourquoi ces élections anticipées pourraient bouleverser la situation au Royaume-Uni.

Parce qu'elles pourraient (enfin) débloquer la situation

Boris Johnson espère sortir son pays de l'impasse du Brexit en obtenant une majorité absolue au Parlement. "La raison principale pour laquelle le Royaume-Uni n'est pas sorti de l'Union [européenne] depuis quasiment un an est qu'aucun plan de sortie (...) n'a pu être adopté par un Parlement qui n'a pas de majorité absolue, rappelle Thibault Muzergues, politologue, dans un entretien à MarianneOn a pu, à de maintes reprises, savoir ce qu'il ne voulait pas (pas de no deal, pas de plan May, pas de nouveau référendum...), mais il est très difficile de voir ce qu'il veut réellement." 

Le Premier ministre britannique souhaite donc éviter les déconvenues rencontrées par sa prédécesseure Theresa May, qui a vu échouer toutes ses tentatives de faire ratifier un accord sur le Brexit. En cas de large victoire de son parti aux législatives anticipées, Boris Johnson aurait les mains libres pour faire adopter l'accord qu'il a négocié avec Bruxelles. Il pourrait ainsi honorer sa promesse de faire sortir le Royaume-Uni de l'Union "coûte que coûte"Mais les autres partis espèrent, eux aussi, remporter suffisamment de sièges aux législatives anticipées pour influencer le Brexit, selon leur programme.

Parce que les partis ont des visions très différentes du Brexit

Les programmes des formations politiques britanniques diffèrent largement sur la question du Brexit. Voici ce que chacun des principaux partis prévoit de faire s'il obtient la majorité absolue à la Chambre des communes, à l'issue des élections anticipées.

Les conservateurs veulent un Brexit au 31 janvier. Boris Johnson va faire campagne sur sa promesse de ratifier l'accord qu'il a négocié avec Bruxelles, afin d'obtenir une sortie "ordonnée" de l'UE au 31 janvier. "La seule façon de réaliser un grand Brexit est de voter pour ce parti et ce gouvernement", a-t-il lancé à la Chambre des communes, mercredi 30 octobre.

Son plan prévoit notamment un statut particulier pour l'Irlande du Nord (qui continuerait d'appliquer les règles européennes sur les marchandises), une période de transition jusqu'en 2020 et un versement de 38 milliards d'euros à Bruxelles. Il a également jeté les bases de la négociation de la relation future entre le Royaume-Uni et l'UE, qui serait fondée sur un accord de libre-échange.

Les travaillistes veulent un nouveau référendum. Jeremy Corbyn a promis qu'il écarterait la possibilité d'un no deal (ce que Boris Johnson s'est toujours refusé à faire) s'il arrivait au pouvoir. Le Labour renégocierait par ailleurs l'accord avec Bruxelles, afin de maintenir le Royaume-Uni dans une union douanière avec l'UE et une étroite collaboration avec le marché unique européen, explique le HuffPost (en anglais).

Ce nouvel accord serait soumis au vote populaire via un nouveau référendum. Les Britanniques auraient deux options : approuver le texte ou rester dans l'Union européenne. Le Labour n'a pas indiqué s'il ferait campagne pour ce nouvel accord sur le Brexit ou pour une annulation du Brexit, relève le HuffPost.

Le Lib-Dem veut annuler le Brexit. Les libéraux-démocrates, europhiles, souhaitent purement et simplement annuler le divorce avec l'UE. La cheffe de file du parti s'est ainsi engagée à révoquer l'article 50, qui déclenche le Brexit, si elle arrive au pouvoir. Comme le note le HuffPost, le slogan du Lib-Dem est d'ailleurs assez clair : "Merde au Brexit".

Le Brexit Party veut un "no deal". Le mouvement de Nigel Farage, eurosceptique, prône un "Brexit net". S'il emporte la majorité absolue (ce qui est très peu probable), le parti se contentera de mettre un terme aux négociations avec Bruxelles et d'attendre que l'extension de l'article 50 expire. Le Royaume-Uni sortirait ainsi brutalement de l'UE le 31 janvier 2020, à minuit.

Parce que l'issue du scrutin est incertaine

Organiser des élections anticipées est un pari risqué. Mardi 29 octobre, le Parti conservateur disposait d'une avance de 10 points sur le Labour, selon des sondages relayés par le Guardian (en anglais). Mais les Tories gardent en tête les élections générales anticipées de 2017, lorsque la Première ministre Theresa May avait perdu des sièges alors qu'elle tentait d'asseoir son autorité au Parlement. " Au début de la campagne, elle disposait d'une avance de 16 points dans les sondages. A l'arrivée, après une campagne calamiteuse de sa part et plutôt bonne de Jeremy Corbyn, elle avait perdu sa majorité", rappelle Libération.

Les conservateurs pourraient être concurrencés par le Brexit Party, qui va tenter d'obtenir les votes des eurosceptiques déçus de voir le divorce avec l'UE sans cesse repoussé. "Les Britanniques encore favorables au Brexit ont la perception que [Boris Johnson] a tout tenté pour tenir sa promesse de départ au 31 octobre, estime toutefois Thibault Muzergues dans les colonnes de MarianneIl y a donc peu de chances de voir Farage jouer un rôle dans les prochaines semaines, à moins d'une mauvaise campagne des conservateurs."

Boris Johnson a préparé le terrain à l'édification d'une majorité en réintégrant 10 des 21 députés rebelles qu'il avait exclus du parti pour avoir contrarié la stratégie de l'exécutif sur le Brexit. Mais d'autres députés conservateurs ont décidé de jeter l'éponge, comme l'ex-ministre Amber Rudd ou l'ancien numéro deux du gouvernement de Theresa May, David Lidington.

Le Labour pâtit, pour sa part, de ses divisions internes. Depuis plusieurs mois, les travaillistes se déchirent entre partisans d'un second référendum et pro-Brexit. "Veulent-ils rester dans l'Union européenne ou veulent-ils partir ? La plupart des Britanniques n'ont pas de réponse à cette question, parce que le message du Labour est flou", souligne le politologue Thibault Muzergues. Un manque de clarté qui pourrait desservir les travaillistes dans les urnes.

D'autant plus que le Lib-Dem compte capitaliser sur ces dissensions pour récupérer les votes des "remainers" déçus du Labour. "Je pense que le choix qui nous est offert entre Boris Johnson et Jeremy Corbyn est loin d'être suffisant. Aucun de ces hommes n'est apte à diriger notre pays", a commenté sur la BBC la cheffe du parti, Jo Swinson, elle-même "candidate" au poste de Premier ministre. Néanmoins, le parti n'est pour l'instant crédité que de 18% des intentions de vote.

Un dernier scénario est possible : qu'aucune majorité absolue ne se dégage à l'issue des élections du 12 décembre, tant l'électorat britannique est indécis et volatil. "Et dans ce cas, toutes les options restent ouvertes", prévient Libération.

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