La Hongrie, à la tête de l'UE pour 6 mois, est sommée par Bruxelles de se justifier de lois controversées
: composée uniquement de responsables du parti majoritaire, celle-ci a le droit de contrôler les contenus desdits médias. Le 2e texte prévoit des impôts exceptionnels "de crise" visant, pour la plupart, des groupes étrangers.
Ces lois pourraient constituer des infractions au droit de l'UE.
Loi sur les médias: les "inquiétudes"
Concernant la loi sur les médias, la commissaire de l'UE en charge de l'économie numérique, Neelie Kroes, a écrit "peu avant Noël" aux autorités hongroises pour leur exprimer ses "inquiétudes" et exiger des "clarifications". Elle a également émis "des doutes sur la capacité de la nouvelle autorité des médias d'agir de manière indépendante".
Certaines critiques sont beaucoup plus acerbes. Lundi, le plus important quotidien hongrois, Nepszabadsag (centre-gauche), affirmait sur sa première page, dans toutes les langues de l'UE, que "la liberté de la presse n'exîste plus en Hongrie". Certains pays comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne et le Luxembourg, ont, eux, dénoncé une atteinte au droit de la presse. De son côté, le gouvernement français a dit souhaiter "une modification" de la fameuse loi, estimant que celle-ci constitue "une altération profonde de la liberté de la presse".
Dans ce contexte, "l'Europe peut-elle accepter d'être présidée pendant six mois par un pays qui, s'il avait voté cette loi avant sa candidature, aurait été recalée puisqu'elle viole la Charte européenne des droits fondamentaux ?", se demande l'éditorialiste Jean-Marcel Bouguereau dans La République des Pyrénées. Une question que s'est ouvertement posée le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères... "La Hongrie assume une responsabilité particulière pour l'ensemble de l'Union dans le monde", a souligné de son côté un porte-parole du gouvernement allemand.
Pour l'instant, Budapest demeure inflexible: "Nous n'allons pas avoir peur de quelques critiques, ou de nombreuses critiques venant de l'Europe de l'Ouest ou de plus loin encore", a déclaré le premier ministre conservateur Viktor Orban. Le vice-premier ministre, Tibor Navracsics, a, lui, dénoncé l'''hystérie" des réactions à l'étranger. "Il ne faut pas modifier une loi hongroise juste parce qu'elle est sujette à des critiques étrangères", a déclaré mardi 4 janvier le secrétaire d'Etat responsable pour la communication, Zoltan Kovacs. Selon le secrétaire d'Etat, les critiques contre le texte ne sont en fait "qu'un prétexte pour attaquer les décisions du gouvernement des sept derniers mois".
La loi sur la taxation "de crise"
Bruxelles enquête sur la légalité de la taxe exceptionnelle "de crise" imposée par les autorités hongroises. "Dès que nous aurons des conclusions, ce qui est encore loin d'être le cas, (...) nous prendrons bien sûr une décision", a indiqué la Commission de l'UE.
Le 18 octobre dernier, le Parlement de Budapest a voté la mise en place d'impôts exceptionnels visant pour la plupart des filiales de grandes entreprises étrangères. Objectif: aider le pays à remplir ses engagements de réduction de déficit. Ces impôts doivent rapporter 161 milliards de forints (58 millions d'euros) cette année.
Dans une lettre adressée mi-décembre à la Commission, les dirigeants de 15 grands groupes industriels allemands, autrichiens, français, néerlandais et tchèque ont appelé Bruxelles à prendre des sanctions contre la Hongrie accusée de mesures anticompétitives. Parmi ces groupes, on trouve des géants comme l'opérateur de téléphonie allemand Deutsche Telekom, le financier néerlandais ING et l'assureur français AXA.
Pour le ministre allemand de l'Economie, Rainer Brüderle, des taxes visant prioritairement des firmes étrangères sont problématiques dans leur principe au sein du marché intérieur européen.
Contre "presque toutes les institutions indépendantes"
Dans le même temps, le gouvernement de Viktor Orban a été critiqué par les milieux financiers intternationaux pour avoir rompu ces derniers mois avec le Fonds monétaire international (FMI) et refusé d'appliquer des mesures d'austérité pour réduire sa dette. Selon des économistes cités par Reuters, les hausses d'impôts ponctuelles décidées par Budapest ne règleront pas le problème du déficit budgétaire à moyen terme.
Les critiques vis-à-vis de la Hongrie ne concernent pas que les médias et l'économie. Le parti au pouvoir, le Fidesz, qui gouverne le pays depuis avril 2010 avec une majorité des deux tiers au Parlement, s'est emparé de "presque toutes les institutions indépendantes", observe l'hebdomadaire britannique The Economist.
Il a ainsi réduit les pouvoirs de la Cour constitutionnelle, menace l'indépendance de la Banque centrale, puise dans les caisses de retraite privées pour éponger son budget. Il mène aussi une politique étrangère ultra-nationaliste vis-à-vis des minorités hongroises vivant dans les pays voisins.
Tous ces éléments, mis bout à bout, pourraient compliquer la tâche de la Hongrie à la tête de l'UE. D'autant que Budapest devra affronter et gérer des problèmes aussi délicats que la crise de l'euro, l'élargissement de l'espace sans frontière Schengen ou l'intégration des Roms. A noter que les élections législatives d'avril avaient été marquées par l'entrée historique au Parlement du parti Jobbik (extrême droite), après une campagne axée sur l'antisémitisme, la stigmatisation des Roms et l'opposition à l'UE.
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