La justice italienne a décidé mardi un "procès immédiat" contre le président du Conseil italien
La juge Cristina Di Censo le renvoie en procès pour abus de pouvoir et relations sexuelles avec une prostituée mineure.
La magistrate a fixé au 6 avril la première audience de cette procédure accélérée prévue par le code pénal italien en cas d'"évidence de la preuve", précise-t-elle dans un communiqué.
Elle a suivi les recommandations du parquet, qui avait réclamé mercredi dernier la comparution immédiate de Silvio Berlusconi.
"Nous ne nous attendions pas à autre chose", ont réagi les avocats du Cavaliere. Le milliardaire et patron de presse dément toutes les accusations et dénonce des manoeuvres politiques de la part de juges de gauche.
La saga judiciaire n'est pas pour autant terminée. L'un des avocats du président du Conseil, Me Niccolo Ghedini, également député du PDL, le parti de Belusconi, entend en effet contester la compétence du tribunal de Milan lors d'un vote à la Chambre des députés, où la coalition au pouvoir est majoritaire. Pour Me Ghedini, le Rubygate est du ressort du "tribunal des ministres", un collège de magistrats qui devrait être mis en place à Milan pour juger le Premier ministre pour une infraction commise dans ses fonctions.
En outre, le milliardaire ne devrait pas être obligé d'assister à son procès. Mais depuis l'abrogation partielle le 13 janvier par la Cour constitutionnelle d'une loi lui accordant une immunité pénale pour 18 mois, il devra justifier à chaque fois qu'il a un "empêchement légitime" qui rend impossible sa présence sur le banc des accusés.
Nombreuses affaires judiciaires
Si le procès a effectivement lieu, il sera jugé pour avoir rémunéré entre février et mai 2010 les prestations sexuelles de Ruby, la jeune Marocaine Karima El Mahroug, alors qu'elle était mineure. Il était également intervenu auprès de la police milanaise pour la faire relâcher après son interpellation pour vol dans la nuit du 27 au 28 mai.
Aussi bien Silvio Berlusconi que Ruby ont nié avoir eu des rapports sexuels. La jeune fille, qui a eu 18 ans en novembre, a seulement admis avoir participé à des dîners "tout à fait normaux et sages". En outre, la défense du président du Conseil italien affirme qu'il est intervenu pour la faire libérer parce qu'il était convaincu qu'elle était "la nièce du président égyptien Hosni Moubarak" et voulait préserver de bonnes relations avec son pays.
Le Rubygate est le troisième scandale sexuel impliquant Silvio Berlusconi, après les affaires Noemi (mai 2009) - une mineure dont la fréquentation avait abouti à une demande de divorce de sa femme - et D'Addario (juin 2009), une prostituée qui avait raconté une nuit torride avec le Cavaliere. Mais il s'agit là de l'affaire la plus grave: il est en effet passible de trois ans de prison pour recours à la prostitution et de 12 ans de réclusion pour abus de fonction.
Dans une interview dans La Croix, Roberta de Monticelli, professeure de philosphie à l'université San Raffaelo de Milan, rappelle "ce qu'avait dénoncé l'ex-épouse de Silvio Berlusconi en 2009: 'C'est un malade qui fréquente des mineurs, il a besoin d'être soigné'". "Ce qui est stupéfiant, c"est la légèreté avec laquelle l"opinion publique italienne a absorbé cette dénonciation", estime l'universitaire.
Ces affaires s'ajoutent à trois procédures pénales contre M. Berlusconi (affaires Mills, Mediaset et Mediatrade) qui vont reprendre entre fin février et début mars.
Silvio Berlusconi: des aspirateurs aux sommets du pouvoir
Né le 29 septembre 1936, Silvio Berlusconi a hérité de son père, employé de banque, un sens aigu des affaires qu'il a démontré dès l'adolescence en monnayant son aide à ses camarades de classe, selon ses propres récits. Jeune, il travaille comme animateur de boîtes de nuit et sur des bateaux de croisière, chantant et racontant des histoires drôles.
Vendeur d'aspirateurs à la fin des années 50, il obtient en 1961 une licence en droit puis emprunte de l'argent à la banque de son père pour fonder les "Chantiers milanais réunis". Commence une irrésistible ascension à partir de l'immobilier qui déclenche des interrogations sur l'origine de sa fortune, à propos de laquelle il est toujours resté flou.
Sa holding familiale Fininvest comprend de nombreuses sociétés, dont trois chaînes de télévision, la maison d'édition Mondadori ou le club de football Milan AC. Elle lui a permis d'occuper pendant 10 ans le premier rang des grandes fortunes en Italie. Avant que les aléas boursiers ne le fassent un peu reculer, mais toujours dans les cinq premiers...
En 1994, le Cavaliere (le cavalier) se lance en politique. En quelques semaines, il monte Forza Italia, parti formé essentiellement... de cadres de la Fininvest. Allié aux néo-fascistes du Mouvement social italien (MSI) de Gianfranco Fini et aux populistes de la Ligue du Nord d'Umberto Bossi, il remporte les élections d'avril 1994. Lâché par ces derniers, il doit mettre fin à son expérience au sommet de l'Etat après sept mois de présence au gouvernement.
En 2001, Silvio Berlusconi reconquiert le poste de chef du gouvernement qu'il occupera jusqu'en avril 2006, une durée sans précédent dans l'après-guerre. Usé par ces cinq années de pouvoir, il est battu d'extrême justesse aux législatives par son éternel rival à gauche, Romano Prodi. Lequel se montre incapable de garder sa coalition unie, permettant à l'homme d'affaires une revanche éclatante deux ans plus tard, en 2008, et un troisième poste de chef du gouvernement.
Habile à se poser en "victime", toujours aux prises avec la justice pour diverses affaires de corruption, M. Berlusconi a été condamné à plusieurs reprises en première instance mais jamais définitivement.
Très soucieux de son apparence, de petite taille et éternellement bronzé, il s'est fait poser des implants capillaires, retoucher les paupières et teindre les cheveux. Il s'est construit une réputation de Don Juan fréquentant de jeunes femmes, dont des call-girls. Ce qui lui a valu au printemps 2009 une fracassante demande de divorce de la part de sa seconde épouse, excédée par ses écarts.
Victime d'un malaise en novembre 2006, il s'est fait poser un stimulateur cardiaque en décembre suivant aux Etats-Unis. Il a également été opéré en 1997 d'un cancer de la prostate. En décembre 2009, un déséquilibré lui jette une reproduction de la cathédrale de Milan en plein visage, lui fracturant le nez et deux dents.
Silvio Berlusconi est père de cinq enfants, issus de deux mariages, et plusieurs fois grand-père.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.