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Le plan d'Enrico Letta pour retrouver la confiance des Italiens et de l'Europe

Le nouveau président du Conseil italien Enrico Letta a présenté lundi un programme de gouvernement consensuel, donnant la priorité à la relance économique et sociale. Pressé par une dette de 2.000 milliards d'euros, il relâche la pression fiscale et coupe le salaire des ministres. Enrico Letta se rendra dès cette semaine à Berlin, Bruxelles et Paris.
Article rédigé par Taimaz Szirniks
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (Alessandro Bianchi Reuters)

Le nouveau Premier ministre italien, Enrico Letta, a présenté lundi après-midi son programme de gouvernement devant les députés italiens réunis à Rome. Lundi soir, il demandera la confiance des députés, qui devrait être large au vu de l'ovation qui a accueilli son discours. Le Premier ministre, ex-numéro deux du Parti démocrate (PD, centre-gauche), se présentera mardi devant le Sénat.

Un programme politique consensuel

Le programme est à l'image du gouvernement, consensuel et ambitieux, reprenant plusieurs des points du programme libéral de Mario Monti. Enrico Letta s'est comparé, lors de son discours, à David prêt à affronter Goliath

Le président du Conseil a renouvelé son appel à la "responsabilité " de tous les partis politiques, pour mettre fin "aux 20 ans d'affrontements politiques qui ont fatigué l'opinion publique " italienne. Ses 21 ministres sont issus du PD, du Peuple des Libertés de Silvio Berlusconi, du parti libéral de Mario Monti et de la société civile.

La première concession de ce gouvernement de "coalition large" est une ouverture vers Silvio Berlusconi. Son dauphin et vice-président du conseil, Angelino
Alfano, a obtenu ce qui était le premier point de son programme électoral : la taxe foncière sur la résidence principale, instituée par le gouvernement de Mario Monti, sera annullée. La TVA cessera également d'être relevée.

"La reprise économique ne peut plus attendre"

Mais c'est d'abord l'urgence économique qui a été abordée : dans un climat d'exaspération générale, avec un taux de chômage
qui culmine à 12% et une multiplication des suicides d'entrepreneurs acculés
par les dettes, Enrico Letta a promis une simplification générale de la bureaucratie italienne et une relance par l'investissement et la recherche.

La coalition gèrera le pays "en bon père de famille" 

Le sobre président du Conseil italien a déclaré faire une croix sur l'austérité pour passer à "la sobriété, les scrupules, et la banalité d'une gestion de bon père de famille" , pour éviter que "la détresse se transforme en violence ". 

"Après une décennie sans croissance, les politiques de reprise ne peuvent plus attendre", a-t-il déclaré, annonçant la préparation par ses ministres de "mécanismes vertueux " pour favoriser "une croissance de longue durée ", sans donner plus de précisions.

Des réformes institutionnelles sous peine de démission

Le président du Conseil a également menacé de démissionner sous dix-huit mois si des réformes constitutionnelles essentielles n'étaient pas menées. Ces réformes devront faciliter la désignation d'une majorité claire lors des prochaines élections, qui seront organisées dès qu'un des membres de la coalition sentira un vent favorable.

Enrico Letta a souhaité répondre au climat de défiance envers le personnel politique qui règne en Italie, en supprimant les salaires des ministres qui sont également parlementaires. Il a également affirmé vouloir "révolutionner"  le financement des partis politiques. 

Les députés du Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo, désormais un des seuls partis d'opposition, n'ont pas apprécié les ouvertures relatives d'Enrico Letta et  n'ont pas applaudi son discours de politique générale.

Combien de temps durera ce gouvernement ?

Pour Marc Lazar, historien et spécialiste de l'Italie, "on
attend surtout la réaction de la base du Parti démocrate, qui supporte de mal
de voir siéger autour de la table ceux qu'ils dénoncent depuis vingt ans, c'est-à-dire
les amis de Silvio Berlusconi"
.

Sur les réseaux sociaux, certains Italiens se plaignent de ne pas avoir un gouvernement correspondant au vote exprimé en février. Comme Rosario Perri, militant du parti démocrate, qui se demande "dans quel point du programme du PD était prévue cette intervention de Berlusconi".

Les partenaires européens et les marchés accordent leur confiance à l'Italie

La troisième économie européenne et sa dette de 2.000 milliards d'euros sont tenues sous surveillance par ses voisins européens, même si cette sortie de crise politique semble aller dans le bon sens.

Le président de l'Union Herman Van Rompuy a appelé lundi matin l'Italie à "poursuivre son action pour réduire le déficit"  de ses comptes publics. François Hollande ainsi que la chancelière allemande Angela Merkel, très satisfaite des réformes menées par le gouvernement précédent de Mario Monti, ont également souhaité "beaucoup de succès"  à Enrico Letta. Le Premier ministre se rendra dès mardi à Berlin pour démontrer son engagement européen.

Les marchés semblent aussi être rassérenés par la formation de ce nouveau gouvernement. L'Italie a emprunté lundi matin 6 milliards d'euros à moyen et longs termes aux taux les plus faibles depuis octobre 2010.

Un discours sous haute protection

Le discours d'Enrico Letta s'est tenu sous haute surveillance après qu'un chômeur calabrais a tiré plusieurs balles, dimanche, sur deux gendarmes en faction devant le palais du Président de la République, ajoutant le drame à l'incertitude gouvernementale. L'état de santé d'un des deux gendarmes s'est aggravé la nuit dernière.

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