Le président polonais Lech Kaczynski et son épouse Maria Kaczynska ont été inhumés dimanche à Cracovie
Les dépouilles du dirigeant polonais et de sa femme, morts le 10 avril dans un accident d'avion en Russie, ont été inhumés dans une crypte de la cathédrale du Wawel, lieu de sépulture des rois et des héros du pays.
Bloqués par le nuage de cendres venu d'Islande, de nombreux dirigeants étrangers n'ont pas pu assister à la cérémonie.
Le président Barack Obama, la chancelière allemande Angela Merkel, le président français Nicolas Sarkozy, le prince Charles, avaient dû annuler leur venue en raison de l'éruption du volcan islandais. En revanche, le dirigeant russe Dmitri Medvedev était présent à Cracovie. Il était de loin le plus important dignitaire étranger aux obsèques.
Dimanche, le chef de l'Etat russe a jugé "nécessaire" un rapprochement entre Russes et Polonais. "Les tragédies peuvent susciter des émotions difficiles, mais très souvent elles rapprochent, et je pense justement que cela est nécessaire aux habitants de notre pays et aux Polonais", a-t-il dit dans une déclaration télévisée après la cérémonie.
Une messe funèbre a été dite dans l'après-midi en la basilique Notre-Dame richement ornée, située au coeur de l'ancienne capitale de la Pologne, dans le sud du pays, en présence des hôtes étrangers. "Cette catastrophe qui s'est produite il y a huit jours a éveillé de nombreux témoignages de bonté, des preuves de compassion et d'aide de la part de nos frères russes qui ravivent l'espoir d'un rapprochement et d'une réconciliation de nos deux nations slaves", a déclaré l'archevêque de Cracovie, Mgr Stanislaw Dziwisz, ancien secrétaire personnel de Jean Paul II.
"Voilà un objectif pour notre génération, nous devons avancer sur cette voie", a ajouté Mgr Dziwisz au début de la messe.
Le président polonais par intérim Bronislaw Komorowski a émis à la fin de la cérémonie l'espoir que ce rapprochement amènerait la Russie à faire toute la lumière sur le massacre de 22.000 officiers polonais, perpétré en 1940 sur ordre de Staline et qui a empoisonné les relations polono-russes.
Quelque 150.000 personnes étaient rassemblées dans divers points de Cracovie pendant la messe, selon la police. Les organisateurs avaient prévu pour leur part jusqu'à un million de personnes.
Le passé plus que tourmenté de la Pologne (avec notamment la disparition de l'Etat polonais de la carte de l'Europe entre 1795 et 1918, le massacre d'environ 20 % de sa population pendant la Seconde guerre mondiale) et sa profonde culture catholique font de l'ultime hommage rendu samedi et dimanche aux victimes de la catastrophe de l'avion présidentiel un spectacle rarement vu dans d'autres pays d'Europe.
La mise en scène joue un rôle crucial dans ce pays de 38,5 millions d'habitants, dont le peuple et les dirigeants abordent avec un respect particulier les commémorations, aussi bien nationales que religieuses. "On dit souvent que nous, les Polonais, nous nous sentons mieux dans un cimetière et que la fête des morts est pour nous l'une des plus importantes fêtes religieuses de l'année", explique l'historien Adam Zamoyski.
Samedi, environ 100.000 Polonais en deuil ont rendu hommage au Lech Kaczynski, à son épouse Maria et aux autres victimes de la catastrophe aérienne, sur l'immense place Pilsudski à Varsovie. Une place qui fut le lieu d'une messe mémorable célébrée en 1979 par le pape Jean Paul II en pleine période communiste. En 2005, c'est également sur cette place que les Polonais ont fait leurs adieux à leur pape bien-aimé.
Après la tragédie de Smolensk, qui a porté un coup dur à l'élite politique et militaire du pays, la télévision et les journaux ont adopté le noir pour s'associer au deuil. Pendant toute la semaine, les retransmissions des cérémonies incluant celles du retour des dépouilles sur le sol polonais, n'ont pas disparu du petit écran. La musique funéraire était omniprésente.
"Les obsèques, c'est une belle occasion populaire pour unir l'émotion, le
patriotisme et la religion, dans des cérémonies qui peuvent prendre une ampleur illimitée et varier à l'infini", indique l'historien cité ci-dessus. "Elles ont aussi une fonction cathartique: elles offrent l'occasion à ceux qui passent la plus grande partie de leur vie à dire pis que pendre de leur prochain de faire soudainement des cascades d'éloges qui frôlent le grotesque", ajoute-t-il.
L'atmosphère régnant actuellement en Pologne "combine la tradition catholique et le symbolisme car les victimes étaient en route pour Katyn", estime l'historien britannique Richard Butterwick, spécialiste de la Pologne. Katyn (Russie) est le lieu où plus de 20.000 officiers polonais furent massacrés par la police de Staline.
Mais les Polonais abordent aussi avec le même respect les accidents miniers et les autres anniversaires importants comme l'insurrection de Varsovie, menée en 1944 contre les nazis par la résistance anti-communiste. Chaque année le 1er août à 17h00 (15h00 GMT), l'heure exacte du déclenchement du soulèvement, les sirènes retentissent à travers le pays et le trafic s'arrête. Samedi à 8h56 (6h56 GMT), les Polonais ont rendu le même hommage aux victimes de la catastrophe aérienne du 10 avril.
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