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Blé ukrainien bloqué à Odessa : "On n'a pas de solution à court terme", d'après un spécialiste des marchés agricoles

Ce n'est pas la quantité de blé disponible dans le monde mais la logistique qui pose problème, estime un consultant spécialisé dans les marchés agricoles et agro-industriels qui donne un exemple : pour transporter l'équivalent d'un bateau chargé à Odessa, il faudrait 50 trains.

Article rédigé par franceinfo
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Des millions de tonnes de blé ukrainien attendent dans les ports et dans les silos notamment d'Odessa, bloqués par l'armée russe (illustration). (YURI KADOBNOV / AFP)

"Les infrastructures sont déjà totalement saturées. On n'a pas de solution à court terme", explique vendredi 17 juin sur franceinfo Michel Portier, directeur d’Agritel, cabinet d’analyse et de conseil spécialisé dans les marchés agricoles et agro-industriels après les déclarations d'Emmanuel Macron jeudi, en déplacement à Kiev, sur le blé ukrainien. Actuellement, des millions de tonnes de blé ukrainien attendent dans les ports et dans les silos notamment d'Odessa, bloqués par l'armée russe. Emmanuel Macron a reconnu qu'il n'y avait pas de solutions immédiates. "On a du blé dans le monde, suffisamment pour répondre à la demande, le problème c'est la logistique", confirme Michel Portier.

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franceinfo : Peut-on utiliser la voie roumaine pour exporter le blé ukrainien ? Soit par les rails, soit par le fleuve Danube ? Y a-t-il suffisamment d'infrastructures aujourd'hui ?

Michel Portier : Les infrastructures sont déjà totalement saturées, donc on ne pourra pas améliorer ce qui existe déjà. Aujourd'hui, on utilise tous les moyens possibles et imaginables pour passer par voie ferroviaire ou par petits bateaux sur le Danube ou par camions pour sortir ces 20 millions de tonnes de céréales bloquées encore en Ukraine, mais on est déjà à saturation. Sans compter que le port de Constanta en Roumanie qui permet de passer par la mer Noire est déjà saturé. C'est donc impossible à court terme. Le maximum que l'on puisse faire aujourd'hui, c'est exporter à travers ces différents systèmes 1,5 million de tonnes par mois - et on est déjà quasiment à pleine capacité - alors qu'on a besoin d'exporter 6 à 7 millions de tonnes par mois.

"La seule solution c'est de rouvrir notamment le port d'Odessa." 

Michel Portier, spécialiste des marchés agricoles et agro-industriels

à franceinfo

Pour donner un exemple, un bateau chargé à Odessa - mettons un 60 000 tonnes - il nous faut 50 trains pour exporter l'équivalent.

Derrière ce blocage, c'est un risque de famine pour les pays africains ?

Malheureusement oui, ce risque est là, il existe et on n'a pas de solution à court terme. Ça va prendre des mois voire une année ou deux. Trains, bateaux, camions, on est déjà à saturation en termes de logistique avec en plus des problématiques de standard de rails qui nous obligent à décharger des trains à la frontière entre l'Ukraine et la Roumanie puisqu'on n'a pas la même largeur de rails. Il nous faut donc déjà 15 jours pour décharger un train.

L'Inde impose un embargo sur son propre blé à cause de la sécheresse, est-ce que d'autres pays aujourd'hui sont en mesure de compenser le manque de blé ukrainien ?

Il ne faut pas parler seulement du blé, je suis aussi inquiet pour le maïs. Il faut donc plutôt parler de céréales. L'Ukraine est le premier pays exportateur de maïs pour l'Europe (sinon ce sont les États-Unis). La Russie - elle - est le premier pays exportateur de blé et Moscou non plus ne va pas être en capacité d'exporter tout son blé dans la mesure où, aujourd'hui, on est incapable d'assurer la sécurité de grands bateaux y compris en direction de la Russie. La problématique ce n'est pas tant le bilan mondial. On a du blé dans le monde, suffisamment pour répondre à la demande, le problème c'est la logistique. Il nous manque en gros l'équivalent de 20 à 30 millions de tonnes de cérales disponibles sur la scène internationale.

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