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"C'est important de reconnaître le génocide" : à Kiev, le mémorial de l'Holodomor retrace l'histoire de cette famine orchestrée en Ukraine par Staline

L'Assemblée nationale se prononce mardi sur la reconnaissance comme génocide de la famine provoquée par les Soviétiques en Ukraine il y a 90 ans et qui a entraîné la mort de plusieurs millions de personnes. Pour les Ukrainiens, cette page sombre de l'histoire a pris une dimension particulière depuis le début de l'invasion russe.
Article rédigé par Thibault Lefèvre, Eric Audra
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
À Kiev, le "Musée national de l'Holodomor et du génocide" retrace l'histoire de cette grande famine orchestrée par Staline où cinq millions de personnes ont péri entre 1932 et 1933. (THIBAULT LEFEVRE / RADIO FRANCE)

Alors que les députés français examinent mardi 28 mars une proposition de loi transpartisane pour reconnaître l'Holodomor comme génocide, le sujet ne fait plus débat en Ukraine depuis 20 ans. À Kiev, par exemple, le mémorial qui remémore l'histoire de cette grande famine orchestrée par Staline et dans laquelle cinq millions de personnes ont péri entre 1932 et 1933 s'appelle le "Musée national de l'Holodomor et du génocide".

>>> Guerre en Ukraine : comment la mémoire de l'Holodomor, cette famine provoquée par Staline, a façonné l'identité ukrainienne

"Suivez moi, on continue la visite en groupe", nous dit la guide Olga à l'entrée de cette espace circulaire sans fenêtre, hors du temps et surplombé d'une grande tour en forme de bougies. Les visiteurs du jour Volodymyr, Valentina et leur petit garçon de huit ans ont été chassés de Kherson par les Russes au tout début de la guerre en Ukraine. "Mon fils grandit et je veux qu'il sache ce qu'il s'est passé il y a 100 ans, explique Volodymyr. La Russie veut nous exterminer. Je veux que mon fils comprenne qu'il est ukrainien et qu'il connaisse l'histoire de son pays".

Olga, guide ukrainienne, lors d'une visitie du "Musée national de l'Holodomor et du génocide" à Kiev, en mars 2023. (THIBAULT LEFEVRE / RADIO FRANCE)

Le petit Yaroslav nous parle, lui, du présent et de l'armée de l'armée de Vladimir Poutine : "C'est très mal. Ils nous ont chassés de notre maison et ça faisait très peur". "Un de nos proches a disparu et nous n'avons aucune nouvelle, poursuit le père. Ça fait sept mois. À Kherson, si tu dis 'gloire à l'Ukraine', au pire tu es tué sur place. Au mieux, tu es emmené dans un sous sol et frappé. Je l'ai vu. Ils sont arrivés pour nous exterminer".

"Dites à vos amis français que pour moi, rien n'a changé depuis un siècle".

Volodymyr, père de famille ukrainien chassé de Kherson

à franceinfo

 

Les Français n'ont pas toujours saisi la violence de la répression russe, estime un des responsables du Mémorial, Mykhaïlo Kostiv : "La France, c'est un cas particulier parce que dans les années 30, Edouard Herriot [alors président du Conseil des ministres], un homme politique, niait l'existence de l'Holodomor et une partie de la gauche soutenaient la propagande soviétique. Mais la France est un pays civilisé et c'est important de reconnaître le génocide, même si c'était il y a longtemps".

"Le Musée national de l'Holodomor et du génocide", à Kiev en mars 2023. (THIBAULT LEFEVRE / RADIO FRANCE)

Mykhaïlo Kostiv a lui aussi perdu des ancêtres victimes des méthodes staliniennes. Ce n'était pas pendant l'Holodomor, mais quelques années plus tard, pendant les grandes purges, au tout début de la Seconde Guerre mondiale.

A Kiev, un mémorial retrace l'histoire de l'Holodomor - le reportage de Thibault Lefèvre et Eric Audra

L'invasion russe a poussé certains responsables politiques européens à réinterroger l'histoire de l'Ukraine. Depuis le mois de décembre, le Parlement européen mais aussi les députés bulgares et allemands ont ainsi reconnu l'Holodomore (littéralement "extermination par la faim") comme un génocide. 

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