Ce que l'on sait de la panne d'un câble sous-marin en mer Baltique, pour laquelle un pétrolier en provenance de Russie est soupçonné

La Finlande a ouvert une enquête pour faire la lumière sur la panne de cette liaison électrique la reliant à l'Estonie, survenue le jour de Noël. Des incidents similaires ont eu lieu depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le pétrolier "Eagle S" au large de Porkkala, en Finlande, le 26 décembre 2024. (FINNISH BORDER GUARD / AFP)

La mer Baltique est de nouveau le théâtre d'un incident sur fond de guerre en Ukraine. La Finlande a ouvert une enquête pour "sabotage", après la panne d'un câble sous-marin électrique la reliant à l'Estonie, survenue mercredi 25 décembre. Les autorités finlandaises soupçonnent un pétrolier en provenance de Russie d'être à l'origine d'un sabotage. Des incidents similaires ont eu lieu depuis l'invasion russe de l'Ukraine, comme la rupture de deux câbles de télécommunications dans les eaux territoriales suédoises, il y a un peu plus de deux mois. Voici ce que l'on sait de ce nouvel épisode.

La liaison électrique entre la Finlande et l'Estonie déconnectée le jour de Noël

Mercredi 25 décembre, à 12h26, heure locale, "la liaison à courant continu EstLink 2 entre la Finlande et l'Estonie s'est déconnectée du réseau", a expliqué l'opérateur finlandais Fingrid sur son site, précisant qu'"au moment de la déconnexion, la puissance transférée était de 658 MW de la Finlande vers l'Estonie". Le Premier ministre finlandais, Petteri Orpo, a immédiatement réagi sur le réseau social X : "Les autorités restent vigilantes, même pendant Noël, et enquêtent sur la situation. La coupure de la liaison de transmission n'affecte pas l'approvisionnement en électricité des Finlandais."

L'étendue des dommages sur le câble est pour l'instant impossible à évaluer, a fait savoir vendredi à l'AFP Tuomas Rauhala, responsable des opérations du système électrique chez l'opérateur finlandais Fingrid. Le câble est "hors service et ne pourra être utilisé pour la transmission d'électricité qu'une fois les réparations terminées", a-t-il ajouté, précisant que celles-ci prendraient autour de sept mois. Mais pour l'heure "il n'est pas possible de déterminer ce qui doit être précisément réparé ou ce à quoi ressemble le câble", a-t-il poursuivi. Fingrid utilise des mesures électriques depuis la côte pour évaluer la nature et l'étendue des dégâts.

Interrogé par le média finlandais Yle, Arto Pahkin, responsable des opérations chez Fingrid, a estimé que "la possibilité d'un sabotage ne pouvait pas être exclue". "Cependant, nous examinons la situation dans son ensemble et fournirons davantage d'informations une fois la cause identifiée", a-t-il souligné.

Le pétrolier "Eagle S", en provenance de Russie, suspecté

Les autorités finlandaises ont déclaré jeudi lors d'une conférence de presse soupçonner le pétrolier Eagle S, en provenance de Russie, d'être impliqué dans l'incident. Battant pavillon des îles Cook, ce navire, parti du port de Saint-Pétersbourg, était en route vers Port-Saïd, en Egypte, selon le site de suivi en ligne des navires Marine Traffic. Les forces armées finlandaises ont été dépêchées pour l'arraisonner. Il a ensuite été escorté par un patrouilleur finlandais au large de Porkkala, à une quarantaine de kilomètres d'Helsinki.

Les autorités finlandaises soupçonnent une ancre de ce navire d'avoir été à l'origine de la déconnexion du réseau du câble EstLink 2. "Notre patrouilleur s'est rendu dans la zone et a pu constater visuellement que les ancres de ce cargo n'étaient pas présentes. Il y avait donc une raison très claire de soupçonner qu'il se passait quelque chose d'étrange", a expliqué à la presse Markku Hassinen, du corps des gardes-frontières. "Nous avons parlé à l'équipage et recueilli des preuves", a affirmé pour sa part Robin Lardot, du Bureau national d'enquête, ajoutant que les investigations portaient désormais sur un "sabotage aggravé". Le bateau transportait par ailleurs "de l'essence sans plomb chargée dans un port russe", a précisé le directeur général des douanes finlandaises, Sami Rakshit.

Un navire soupçonné d'appartenir à la "flotte fantôme" russe

Ce bateau est suspecté par la police finlandaise de faire partie de la "flotte fantôme" russe. Celle-ci est constituée de navires utilisés par Moscou pour exporter du pétrole de manière illégale, contournant les sanctions occidentales imposées dans la foulée de l'invasion russe en Ukraine, en 2022. Composée d'environ 600 navires, cette flotte transporte près de 1,7 million de barils de pétrole par jour, estimait le gouvernement britannique en juillet.

Le président finlandais, Alexander Stubb, a appelé jeudi sur X à "éliminer" les "risques causés" par ces navires. En février, les Etats-Unis ont sanctionné 14 pétroliers issus de cette flotte. Les pays de l'Union européenne ont convenu en décembre de faire figurer sur leur liste noire une cinquantaine de pétroliers supplémentaires de la "flotte fantôme" russe.

L'Estonie lance des patrouilles, l'Otan et l'UE apportent leur soutien

Afin de protéger sa connexion électrique avec la Finlande, l'Estonie a lancé vendredi des patrouilles en mer. "Nous avons décidé d'envoyer notre marine à proximité d'Estlink 1 [un autre câble sous la mer Baltique]", a écrit Hanno Pevkur, ministre de la Défense estonien, sur X.

La Finlande a par ailleurs reçu le soutien de l'Union européenne et de l'Otan. Bruxelles dit travailler avec les autorités finlandaises sur l'enquête et menace de prendre de nouvelles sanctions contre les navires russes, tandis que l'Alliance a proposé son "assistance" à Helsinki et Tallinn.

"Notre message est très clair : nous avons la situation sous contrôle, et nous devons continuer à collaborer avec vigilance pour garantir que nos infrastructures sensibles ne soient pas endommagées par des acteurs externes", a déclaré le président finlandais, Alexander Stubb, vendredi lors d'une conférence de presse.

Des précédents dans cette zone stratégique

Plusieurs événements de même nature ont eu lieu dans la Baltique depuis l'agression russe en Ukraine. "Les dommages causés aux infrastructures sous-marines sensibles sont devenus si fréquents qu'il est difficile de croire qu'il s'agit d'accidents ou simplement de mauvaises manœuvres maritimes", a, à cet égard, estimé le ministre des Affaires étrangères estonien Margus Tsahkna. Traîner une ancre dans le fond marin peut difficilement être considéré comme un accident", a-t-il insisté.

Ces actions, ciblant notamment les infrastructures énergétiques et de communication, s'inscrivent dans le contexte de la "guerre hybride" entre la Russie et les pays occidentaux. La Baltique borde plusieurs membres de l'Otan, tandis que Moscou dispose également de points d'entrée. Les 17 et 18 novembre, deux câbles de télécommunications ont ainsi été coupés dans les eaux territoriales suédoises. Les soupçons se sont rapidement portés sur un navire battant pavillon chinois, le Yi Peng 3, qui se trouvait dans cette zone au moment de l'incident, selon des sites internet de suivi des navires.

Une hypothèse similaire avait été formulée en novembre 2023, après des dommages causés à un gazoduc sous-marin entre la Finlande et l'Estonie. La police finlandaise avait, à l'époque, conclu que l'ancre du porte-conteneurs NewNew Polar Bear, battant pavillon de Hong Kong, avait provoqué ces dégâts.

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.