Guerre en Ukraine : comment l'enquête sur la mort de deux humanitaires français va-t-elle être menée ?
Ils sont morts lors d'une attaque de drones. Deux humanitaires français ont été tués, jeudi 1er février, dans le sud de l'Ukraine, lorsqu'une frappe russe a visé deux véhicules de l'Entraide protestante suisse (Eper), une organisation non gouvernementale suisse. L'attaque a eu lieu à Beryslav, petite commune située sur la rive nord du Dnipro, près de la ligne de front, selon les informations du ministère des Affaires étrangères français et du Parquet national antiterroriste (Pnat). D'après l'ONG, trois autres ressortissants français et un Ukrainien ont également été blessés.
"La barbarie russe a visé des civils en Ukraine", a réagi Stéphane Séjourné, le ministre des Affaires étrangères, sur le réseau social X (ex-Twitter). Le chef de la diplomatie française a à cette occasion confirmé la nationalité des deux ressortissants français. De son côté, Emmanuel Macron a dénoncé un "acte lâche et indigne".
En réaction, le Parquet national antiterroriste (Pnat), au sein duquel se trouve le pôle judiciaire de lutte contre les crimes contre l'humanité, les crimes et délits de guerre, a ouvert une enquête. La décision a été prise "au regard de la nationalité des victimes et des premiers éléments recueillis sur les circonstances de commission des faits", précise le Pnat. Cette enquête est notamment ouverte pour "crime de guerre par attaque délibérée", "atteinte volontaire à la vie et à l'intégrité physique d'une personne protégée par le droit international humanitaire", "attaque délibérée contre la population civile" et "lancement d'une attaque délibérée contre un bien de caractère civil", détaille-t-il.
Une coopération avec l'Ukraine
Dès lors, l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité (OCLCH) est chargé de mener les investigations sur la mort de ces deux employés de l'Entraide protestante suisse. Il s'agit en quelque sorte du "bras armé du Pnat", selon le général Jean-Philippe Reiland, qui dirige cet office rattaché à la gendarmerie. Interrogé en février 2023 par franceinfo, il expliquait qu'une cellule composée de sept enquêteurs est dédiée à l'Ukraine. Si leur façon de conduire les investigations reste "assez classique", ils sont toutefois confrontés à des difficultés pour se rendre sur la scène de crime, surtout dans un pays en guerre.
Néanmoins, ces enquêteurs doivent se déplacer pour effectuer leurs constatations et récolter des témoignages. Des experts de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) peuvent participer à ces missions, pour effectuer des prélèvements. Les moyens d'enquête mis en œuvre sont donc importants. Avec parfois le succès escompté, grâce à la coordination judiciaire avec l'Ukraine. Dans ce cas, magistrats et enquêteurs français accompagnent leurs homologues ukrainiens sur les scènes de crimes. Une entraide et une coopération indispensables dans ces dossiers. Ainsi, le Pnat sera probablement amené à échanger avec le parquet ukrainien sur les circonstances de la mort des deux Français.
De son côté, la police nationale ukrainienne a annoncé vendredi via un message sur Telegram l'ouverture d'une enquête pour violation des lois et coutumes de la guerre. Tandis que le président ukrainien Volodymyr Zelensky a salué sur les réseaux sociaux la mémoire des deux "courageux" humanitaires français qui "aidaient les gens", il a fustigé la "terreur russe" qui ne tient pas compte de la "nationalité des victimes".
Plusieurs enquêtes en cours
Pour les deux pays, le processus devient de plus en plus rodé. L'enquête sur la mort des deux humanitaires est la dixième ouverte par le Pnat depuis le début de l'invasion russe en février 2022. Plusieurs civils français ont en effet été tués en Ukraine.
Arman Soldin, un journaliste de l'AFP, est mort en mai 2023 lors d'une attaque de roquettes russes dans l'est du pays, près de Bakhmout. Avant lui, Pierre Zakrzewski, caméraman franco-irlandais pour Fox News, avait été tué mi-mars 2022 au nord-ouest de Kiev après l'attaque de son véhicule. Frédéric Leclerc-Imhoff, journaliste pour BFMTV, est aussi décédé fin mai 2022 alors qu'il suivait une mission humanitaire dans l'est du pays.
A ce jour, selon les informations de franceinfo, aucune enquête préliminaire ouverte contre X n'est encore au stade de l'instruction. Pourtant, les procès restent dans la ligne de mire de la justice française. "La Russie devra répondre de ses crimes", a assuré Stéphane Séjourné, le ministre des Affaires étrangères.
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