Guerre en Ukraine : "Il existe une crainte de sacrifier la jeunesse ukrainienne", estime un spécialiste militaire

Alors que l'âge de la mobilisation est abaissé à 25 ans en Ukraine, le général Jérôme Pellistrandi, invité sur franceinfo, estime que cette mesure était nécessaire.
Article rédigé par franceinfo
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Sur le front en Ukraine durant la guerre. (ADRIEN VAUTIER / LE PICTORIUM / MAXPPP)

Le texte entré en vigueur, mercredi 3 avril, en Ukraine pourrait changer la donne pour des milliers de jeunes. L’âge de la mobilisation est abaissé à 25 ans au lieu de 27 ans comme c’était le cas jusqu’ici. Dans un contexte de difficulté sur le front pour les troupes de Kiev, face à l’armée russe, le président ukrainien s’est donc résolu à élargir cette conscription. Le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale, était l’invité de franceinfo.

Franceinfo : Cette mesure était-elle nécessaire pour l'Ukraine ?

Jérôme Pellistrandi : Le commandement ukrainien sait parfaitement quelle est la situation militaire. Et donc il n'est pas question d'envoyer des jeunes conscrits comme ça sur la ligne de front. Donc il y a tout un travail de préparation, de formation, d'entraînement, et c'est une mesure qui permet d'anticiper ce qui pourrait arriver dans les prochains mois, et en particulier avec la crainte d'une offensive russe qui pourrait avoir lieu à la fin du printemps.

Pourquoi avoir choisi 25 ans quand certaines armées en guerre mobilisent à partir de 18 ans ?

La problématique est ancienne pour l'Ukraine. C'est un pays qui est en déclin démographique, et ce avant même le déclenchement de la guerre voulue par Vladimir Poutine, le 24 février 2022. C'est un pays où il y a eu un fort départ vers les pays européens. Il y a cette crainte, en quelque sorte, de sacrifier la jeunesse et donc de sacrifier l'avenir du pays. La moyenne d'âge, c'est 43 ans, ce qui est extrêmement élevé pour une armée au combat. Donc, en descendant de 27 à 25 ans, ça permet de donner en quelque sorte un ballon d'oxygène à une armée qui est très fatiguée depuis plus de deux ans de guerre.

Les recommandations de l'armée parlaient de mobiliser 450 à 500 000 hommes, mais impossible à souscrire. C'est d'ailleurs pour cela que Volodymyr Zelensky avait changé de commandant en chef...

Bien sûr, et d'autant plus qu'il faut former ces soldats. On considère qu'il faut au minimum quatre mois pour former un soldat. Et quand on dit quatre mois, c'est juste pour une formation initiale. Il faut ensuite le former sur des spécialités. C'est tout un travail très complexe et cela se fait en temps de guerre. L'Ukraine est en guerre et c'est la raison pour laquelle les pays européens, dont la France, sont très actifs dans la formation des militaires ukrainiens. Mais c'est vrai que c'est un choix politique extrêmement douloureux pour le président Zelensky.

Il y a assez peu de volontaires. Pourquoi les Ukrainiens sont-ils refroidis à l'idée d'aller défendre leur pays face aux Russes ?

L'unité nationale a été faite. La population ukrainienne considère la Russie comme étant vraiment le pays agresseur. Et de ce côté-là, il n'y a pas d'ambiguïté. Maintenant, au bout de plus de deux ans de guerre, c'est en quelque sorte des questions de parcours individuels, de destin. D'autant plus que les pertes sont importantes. Certes, on ne connaît pas le chiffre officiel, mais on l'estime au moins 100 000 soldats peut être tués et blessés. Dans les rues de la capitale ou des grandes villes, on peut voir ce qu'on appelle les "gueules cassées", ces soldats blessés, amputés... Et donc il y a cette crainte individuelle. C’est-à-dire que oui, le jeune Ukrainien est prêt à défendre son pays, mais quand ça le touche, lui, il y a cette crainte légitime. C'est la raison pour laquelle, au bout de deux ans de guerre, ça devient extrêmement difficile.

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