Guerre en Ukraine : les premiers combattants de Wagner arrivent en Biélorussie pour former les troupes locales
Le groupe Wagner prend ses quartiers en Biélorussie. Plusieurs centaines de mercenaires sont entrés dans ce pays voisin de la Russie, près d'un mois après leur démonstration de force. Dans le cadre d'un accord négocié avec le dictateur Alexandre Loukachenko, les combattants s'étaient engagés à mettre fin à leur rébellion, afin d'échapper à des poursuites pénales. Le dirigeant biélorusse leur avait également proposé de poursuivre leurs activités dans son pays "sur une base légale". Les mercenaires ont ensuite brillé par leur discrétion jusqu'à la semaine dernière et le début des convois sur les routes du pays.
"Des sessions d'entraînement avec des unités des troupes territoriales se déroulent près d'Ossipovitchi, dans le centre du pays, a déclaré dimanche sur Telegram le ministère biélorusse de la Défense. Les combattants de Wagner jouent le rôle d'instructeurs dans un certain nombre de disciplines militaires." La télévision militaire du pays a diffusé quelques images de ces séances, consacrées au déplacement en combat et au tir tactique. Plus tôt ce mois-ci, le vice-ministre de la Défense, Leonid Kassinsky, s'était félicité sur le site d'informations Belta.by de l'arrivée prochaine de ces instructeurs, afin de partager leur expérience de la guerre avec les forces armées du pays.
A ce stade, il s'agit des seules images présentant le travail d'instructeurs de Wagner aux côtés des troupes biélorusses. Le 6 juillet, Alexandre Loukachenko avait d'abord rejeté sur Telegram la demande de journalistes occidentaux qui souhaitaient visiter les camps des mercenaires. Une visite de presse a finalement été organisée le lendemain sur la base militaire désaffectée de Tsel, où étaient alignées des centaines de tentes vides. Pressé de questions sur la destination finale de ces abris, le général Kassinsky n'avait pas officiellement confirmé leur future occupation par les mercenaires de Wagner.
Après cette période de flottement, il est désormais établi que des convois de Wagner ont rejoint la Biélorussie. Plusieurs images d'un convoi sont également apparues sur les réseaux sociaux, notamment Telegram, avec des véhicules faisant flotter le drapeau russe et les symboles de Wagner. Ils roulaient avec des plaques d'immatriculation russes, mais également des républiques autoproclamées de Donetsk et de Louhansk, souligne sur Telegram Belarusian Hayoun, un projet dédié à la surveillance des mouvements militaires dans le pays.
Cinq convois déjà recensés dans le pays
Selon cette source, au moins quatre convois se sont rendus à Tsel depuis le 11 juillet. Une soixantaine de véhicules ont été escortés par la police locale le 15 juillet. L'existence de ces convois est également attestée par les observations satellites. Une image diffusée par le New York Times, notamment, permet de confirmer l'arrivée d'un autre transfert de personnel, lundi, dans le camp militaire de Tsel. Cette colonne de véhicules avait déjà été documentée par une vidéo diffusée le matin même sur les réseaux sociaux, au sud-est de la base. Mardi, enfin, au moins 80 véhicules ont été localisés, toujours sur l'autoroute M5, déroulant un ruban de cinq kilomètres, puis un autre un peu plus tard.
"Selon nos informations, jusqu'à 1 000 militaires wagnériens sont arrivés en Biélorussie, souligne auprès de franceinfo Aliaksandr Azarau, à la tête du réseau de résistance Bypol, formé d'anciennes forces armées biélorusses. Ils sont arrivés sans équipement militaire lourd." Le projet Belarusian Hayoun, lui, estime que 2 000 à 2 500 combattants sont déjà sur place. Le nombre de tentes suggère que le camp pourrait abriter au total 7 500 mercenaires, selon les calculs du New York Times. Soit une fraction seulement des dizaines de milliers de soldats estimés au plus fort des combats à Bakhmout.
Le sort d'Evguéni Prigojine, par ailleurs, est toujours nimbé d'incertitude. Alexandre Loukachenko avait initialement annoncé son arrivée dans la capitale, Minsk. Mais le leader de Wagner a été aperçu en Russie et sa localisation reste en réalité inconnue.
"Une menace supplémentaire pour la population"
Quoi qu'il en soit, "ces milliers de mercenaires privés ont une expérience de combat en Syrie et en Afrique et ils ont tué en Ukraine, réagit auprès de franceinfo le journaliste Anton Motolko, du groupe Belarusian Hayoun. Leur arrivée représente une menace supplémentaire pour la population biélorusse, en plus du régime de Loukachenko, qui arrête et torture les habitants en prison." Selon lui, la mise en place d'une base militaire traduit la dépendance du pays à l'égard de son encombrant voisin. "L'armée russe occupe de facto la Biélorussie depuis le 20 février 2022 et elle ajoute encore un groupe terroriste de mercenaires, qui seront prêts à accomplir n'importe quelle tâche contre de l'argent."
"A ce stade, il n'existe aucune information sur la préparation d'une offensive contre l'UE ou l'Ukraine, ajoute Aliaksandr Azarau. Le nombre de ces forces ennemies n'est pas suffisant." Le renseignement militaire ukrainien suit avec intérêt la situation : "Cela ne change rien à notre sécurité", a déclaré son porte-parole Andrïi Youssov, estimant que ces combattants avaient été en grande partie désarmés. L'armée ukrainienne a tout de même annoncé un renforcement de la frontière, avec des tranchées et des mines.
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