Guerre en Ukraine : quatre questions sur les munitions à l'uranium appauvri bientôt fournies par Washington à Kiev
C'est un engagement d'Antony Blinken. En visite surprise à Kiev, mercredi 6 septembre, le secrétaire d'Etat américain a annoncé une nouvelle aide d'un milliard de dollars à l'Ukraine. Le volet militaire de cette aide, d'un montant de 175 millions de dollars, comprend notamment la livraison de munitions à l'uranium appauvri de 120 mm destinées aux chars américains Abrams promis à l'armée ukrainienne. Ces armes, déjà utilisées dans certains conflits internationaux, sont critiquées pour leur nocivité et les dommages qu'elles peuvent causer sur la santé des soldats et des populations.
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1Que sont ces armes ?
"L'uranium appauvri est un sous-produit de l'enrichissement du combustible nucléaire utilisé pour les centrales nucléaires", expliquait Stéphane Audrand, consultant spécialisé dans l'armement, à franceinfo en mars. Il est environ 60% moins radioactif que l'uranium naturel. A la manière des autres munitions conventionnelles qui dispersent des métaux lourds, "son emploi n'engendre qu'une pollution chimique, et pas radioactive", assurait le consultant.
"C'est un métal extrêmement dense", précisait-il, puisqu'il l'est 1,7 fois plus que le plomb. Il est tellement dur qu'il ne se déforme pas quand il entre en contact avec sa cible. "C'est un type de munitions commun, utilisé particulièrement pour sa capacité de perforation des blindages", a déclaré mercredi John Kirby, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.
2Pourquoi les Etats-Unis veulent-ils en fournir à l'Ukraine ?
Les Etats-Unis ne sont pas les premiers à vouloir procurer des munitions à l'uranium appauvri à Kiev. En mars, le Royaume-Uni avait promis de fournir ces armes à l'Ukraine. Britanniques et Américains justifient cette aide en se basant sur les combats qui opposent armées russe et ukrainienne dans lesquels les blindés tiennent une place prépondérante.
"Ces munitions sont très efficaces pour détruire les chars et les véhicules blindés modernes."
Annabel Goldie, vice-ministre de la Défense britanniqueen mars 2023
"L'uranium est le métal le plus dense qui existe à l'état naturel, ce qui lui confère un très fort pouvoir de pénétration. De plus, il a la propriété de s'enflammer lors des frottements", détaille Bruno Chareyron, directeur du laboratoire de la Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité (CRIIRAD), dans L'Express.
Alors que l'Ukraine est lancée dans sa contre-offensive, les Etats-Unis estiment qu'il ne faut pas stopper le soutien. "Les progrès de la contre-offensive en cours se sont accélérés ces dernières semaines et cette nouvelle aide contribuera à lui donner un nouvel élan", a déclaré Anthony Blinken. "L'aide américaine n'est pas de la charité. Aujourd'hui, grâce à nos partenaires, l'Ukraine freine l'agression russe", a précisé le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba.
3Ces armes ont-elles déjà servi dans d'autres conflits ?
Ces munitions ne sont pas interdites par le droit international, comme l'a rappelé Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l'Otan lorsque le Royaume-Uni avait annoncé la livraison de ces armes à l'Ukraine. Les pays membres de l'alliance militaire "respectent les règles internationales et le droit international dans tout ce qu'ils font pour soutenir l'Ukraine", avait-il déclaré.
Leur utilisation est donc possible et les Etats-Unis ne s'en sont pas privés lors des deux guerres du Golfe en 1991 et 2003. Leur présence a également été enregistrée dans le conflit en ex-Yougoslavie durant les années 1990. Le Pentagone a en outre reconnu s'être servi d'obus à l'uranium appauvri à deux reprises en 2015 dans des opérations contre le groupe Etat islamique en Syrie.
4Pourquoi leur utilisation est-elle controversée ?
Moscou n'a pas tardé à réagir à l'annonce de l'aide américaine la qualifiant de "signe clair d'inhumanité", selon l'ambassade russe à Washington. "Les Etats-Unis transfèrent délibérément des armes avec des effets indiscriminés", a critiqué l'ambassade russe, qui estime que Washington était prêt à "faire une croix sur les générations futures". Leur utilisation par le passé a "entraîné une hausse effrénée" de cancers et c'est donc une "très mauvaise nouvelle" dont la "responsabilité incombera aux Etats-Unis", a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Moscou n'est pas la seule à condamner l'usage de ces armes. Un rapport du Forum du désarmement datant de 2008 assurait ainsi :
"L'adjectif 'appauvri' peut être trompeur : il serait plus juste de dire 'légèrement moins radioactif'."
Le Forum du désarmementdans un rapport de 2008
Dans son rapport, le Forum du désarmement précise également que "si la concentration en uranium ou en uranium appauvri est faible, un petit risque de cancérogénèse demeure". Toutefois, il semble difficile de prouver les effets de l'uranium appauvri sur la santé des anciens combattants de la guerre du Golfe.
Les obus perforants atteignant leur cible produisent une poussière d'uranium ainsi que des fragments de métal et sur le plan de la santé, le principal risque est la "toxicité chimique", assure la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Selon elle, "l'ingestion ou l'inhalation de grandes quantités peut nuire au fonctionnement des reins. Si une personne inhale de grandes quantités de petites particules pendant une longue période, la principale préoccupation pour la santé sera l'augmentation du risque de cancer du poumon".
Selon les études auxquelles l'Agence internationale de l'énergie atomique a été associée, "le risque radiologique auquel étaient exposés les populations et l'environnement n'était pas important dans les cas où la présence d'uranium appauvri avait provoqué une contamination localisée de l'environnement sous forme de petites particules libérées au moment de l'impact", souligne le bureau des affaires de désarmement de l'ONU.
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