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Guerre en Ukraine : quelle est la situation à la centrale de Zaporijjia, après la destruction du barrage de Kakhovka ?

Depuis l'arrêt de ses six réacteurs, l'installation est moins gourmande en eau. Le refroidissement reste assuré par des bassins fontaines, et un bassin de rétention offre également une marge de manœuvre importante.
Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Vue aérienne du site de la centrale nucléaire de Zaporijjia, dans la ville occupée d'Enerhodar (Ukraine). (SENTINELHUB)

La centrale de Zaporijjia fait à nouveau parler d'elle, depuis la destruction du barrage de Kakhovka, situé à environ 150 km, dans la région de Kherson, en Ukraine. L'immense réservoir de Kakhovka, qui couvre 1 850 km² sur le cours du fleuve Dnipro, perd entre 4 et 7 cm toutes les heures. Les éventuelles conséquences sur le refroidissement du combustible sont donc étudiées de près par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), mais sans inquiétude excessive. L'immense catastrophe écologique et humaine, en effet, n'a pas de conséquence technique sur l'installation industrielle située au bord du fleuve Dnipro.

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En temps normal, lorsque les réacteurs sont en fonctionnement, l'eau est d'abord prélevée dans le fleuve (le réservoir de Kakhovka) via un pompage réalisé au niveau de l'usine thermique. Cette eau alimente un vaste bassin de rétention, dans lequel est extraite l'eau du circuit de refroidissement.

Des bassins fontaines utilisés depuis des mois

Mais ce système n'est plus utilisé depuis des mois, avec l'arrêt du dernier des six réacteurs, en septembre dernier. Dans ce cas de figure, un autre système entre en jeu : le refroidissement est assuré par des bassins fontaines, ces petits rectangles visibles à droite de la ligne de réacteurs (voir l'image ci-dessous) et semblables à une dizaine de piscines olympiques. "Il s'agit d'une configuration normale, prévue lors de la conception de la centrale", explique à franceinfo Igor Le Bars, directeur de l'expertise à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). En résumé, la destruction du barrage n'a pas modifié le fonctionnement de la centrale de Zaporijjia, située dans la ville occupée d'Enerhodar.

Lorsque les réacteurs sont à l'arrêt, l'eau nécessaire au refroidissement du combustible et de certains systèmes provient des bassins fontaines. Si besoin, ils peuvent être réalimentés par l'eau du bassin de rétention. (HELOÏSE KROB / FRANCEINFO)

L'eau circule entre ces bassins fontaines, équipés de systèmes d'aspersion nommés "sprinklers", et les différents systèmes à refroidir. "Il s'agit d'un circuit fermé, un 'tourne-en-rond', poursuit l'ingénieur en sûreté nucléaire. Il existe une déperdition d'eau au fil du temps, en raison de l'évaporation d'eau chaude, mais celle-ci reste limitée", quelques dizaines de mètres cubes par jour. Ces "petits" bassins suffisent à refroidir le combustible des réacteurs, car les besoins sont bien plus faibles que pour des réacteurs en fonctionnement – l'ordre de grandeur est 1 000 fois inférieur. En outre, les bassins fontaines assurent le refroidissement de certains systèmes internes, comme les pompes de circulation.

Des "sprinklers" sur le site de la centrale de Zaporijjia, le 2 septembre 2022 
dans la ville occupée d'Enerhodar (Ukraine). (DMYTRO SMOLYENKO / NURPHOTO)

Cela fait des mois que le refroidissement est assuré par ces bassins fontaines. Leur autonomie est évaluée par Igor Le Bars à plusieurs semaines. Et ensuite ? Première option : un réassort en eau depuis le bassin de rétention, bien plus étendu, qui prolonge alors l'autonomie de plusieurs mois. "C'est la raison pour laquelle l'exploitant pompe actuellement de l'eau dans le Dnipro, afin de remonter le niveau du bassin et de garder un maximum d'eau à disposition", explique l'ingénieur. Les discussions des derniers jours ont beaucoup tourné autour de cette question.

Un immense bassin de rétention en renfort

Le bassin de rétention ne semble pas souffrir. Son niveau était de 16,66 m, vendredi matin, "ce qui est tout à fait suffisant pour répondre aux besoins de la station", commente la compagnie Energoatom dans un communiqué.

Le réservoir de Kakhovka perd, lui, plusieurs centimètres par heure. L'AIEA avait déclaré, dans un premier temps, qu'il serait impossible d'y prélever de l'eau si le niveau y descendait sous les 12,7 m. Cette limite a été atteinte jeudi soir à 18 heures, sans toutefois de conséquences. Vendredi matin, à 8 heures, le niveau d'eau n'était plus que de 11,74 m dans le réservoir, soit une baisse totale de cinq mètres, mais le pompage fonctionnait encore. Finalement, le "seuil minimal a été revu hier à 11 m, ce qui n'est pas surprenant, commente Igor Le Bars, car il y a toujours des marges" dans les documents de sûreté.

Vue satellite de la centrale nucléaire de Zaporijjia. (HELOÏSE KROB / FRANCEINFO)

Le bassin de rétention est totalement autonome par rapport au réservoir de Kakhovka, dont il est séparé par une digue. "L'une des questions, toutefois, est de savoir si cette digue va perdre en étanchéité, et donc en autonomie, en raison de l'assèchement du fleuve et d'une moindre poussée d'eau d'un côté", précise Igor Le Bars. Mais il est également possible de compenser l'évaporation des bassins fontaines, sans même toucher au bassin de rétention. "Les volumes d'eau de ces bassins fontaines sont compatibles avec un réassort via des moyens annexes : tuyauterie ou transport à partir de l'eau restante du Dnipro", précise l'expert de l'IRSN.

Le directeur de l'AIEA va se rendre sur place

L'AIEA estime donc qu'il n'y a pas de risque immédiat lié à la destruction du barrage. Le directeur général de l'agence, Rafael Grossi, doit tout de même se rendre sur le site la semaine prochaine. Il souhaite vérifier lui-même "l'endroit où est mesuré le niveau d'eau du réservoir", précise un communiqué, ainsi que "l'état des systèmes qui fournissent de l'eau de refroidissement".

Le président d'Energoatom, Petro Kotine, s'est lui aussi montré rassurant, dans un entretien accordé au média russophone Radio Svoboda. Le pompage est capable d'approvisionner la centrale, même aux niveaux les plus bas du réservoir de Kakhovka, a déclaré le responsable, évoquant une "situation sous contrôle". Il ajoute que la centrale dispose d'autres options. "Des unités de pompage mobiles peuvent être déployées si nécessaire, et les puits souterrains d'eau potable peuvent être utilisés en dernier recours" pour alimenter le bassin de rétention. La seule inquiétude, selon lui, est la présence des occupants russes, qui "peuvent encore aggraver la situation".

La question qui se pose, désormais, est l'intégrité des bassins fontaines et du bassin de rétention dans une zone de conflit de haute intensité, a fortiori pendant une contre-offensive ukrainienne annoncée. La centrale de Zaporijjia, la plus grande d'Europe, a été visée à plusieurs reprises par des tirs et a été coupée du réseau électrique à sept reprises depuis sa prise par l'armée russe, le 4 mars 2022. 

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