Guerre en Ukraine : trois questions sur la prise de pastilles d’iode préconisée en cas d'accident nucléaire
Trois jours après l'attaque russe d'une centrale nucléaire en Ukraine, la France a confirmé l'envoi de comprimés d'iode sur place. Dans plusieurs pays d'Europe, des personnes souhaitent en acquérir. Pourtant, sans accident nucléaire avéré, c'est inutile, voire dangereux.
L'Europe a retenu son souffle lors de l'attaque par la Russie de la plus grande centrale nucléaire d'Europe à Zaporijia, en Ukraine, dans la nuit du jeudi 3 au vendredi 4 mars. L'incendie a été maîtrisé et aucune augmentation de la radioactivité alentour n'a été observée, selon Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique. Mais la peur d'un accident nucléaire causé par des combats persiste.
Pour soutenir l'Ukraine, la France a ainsi envoyé "différents produits médicaux", dont de l'iode, a confirmé le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, invité de France 2 dimanche 6 mars. Dans plusieurs pays d'Europe, comme la France, des pharmacies ont été particulièrement sollicitées pour fournir cet oligo-élément. Franceinfo fait le point.
1Pourquoi la prise d'iode est-elle préconisée en cas de risque nucléaire ?
La prise d'iodure de potassium "va empêcher la thyroïde d'absorber l'iode radioactif rejeté dans l'environnement", rappelle l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). En France, les préfets peuvent ainsi décider de la distribution d'iode en cas d'accident nucléaire, en parallèle de la mise à l'abri et de l'évacuation des populations, ajoute l'IRSN.
Aujourd'hui, en France, seules les personnes qui vivent ou travaillent dans un rayon de 20 km autour des 19 centrales nucléaires "sont invitées à retirer les comprimés d'iode en pharmacie" gratuitement, sur justificatif. La dernière campagne de distribution a concerné 2,2 millions de personnes et plus de 200 000 établissements, entreprises, écoles ou administrations, précise le ministère de l'Intérieur.
Mais les pastilles d'iode ne sont pas pour autant le remède miracle. Déjà, elles "ne protègent pas contre les autres éléments radioactifs comme le césium 134 ou 137", précise l'IRSN.
Ensuite, et surtout, un accident ou une attaque nucléaire peuvent libérer des milliers d'autres radionucléides. "Il n'est même pas certain qu'une attaque nucléaire militaire comporte de l'iode radioactif, explique un porte-parole de l'Autorité de sûreté nucléaire au magazine spécialisé Sciences et Avenir. Le danger vient d'ailleurs : l'énorme déflagration et la chaleur, qui ont toutes les deux un effet létal."
2Quelles quantités sont envoyées en Ukraine ?
Pour aider l'Ukraine à s'équiper en cas de risque pour la population locale, la France a décidé d'y envoyer des pastilles d'iode, parmi plusieurs "produits médicaux", a confirmé le ministre des Affaires étrangères à France 2, dimanche 6 mars.
Depuis le début de l'invasion de l'armée russe le 24 février, l'Ukraine est confrontée à un risque d'accident nucléaire, trente-cinq ans après la catastrophe de Tchernobyl, dans le nord du pays. Le pays compte 15 réacteurs, répartis sur quatre centrales nucléaires actives. "S'il y a une explosion, c'est la fin de tout", s'est alarmé le président Volodymyr Zelensky vendredi 4 mars.
Dans les prochains jours, "2,5 millions de doses d'iode pour pouvoir parer à tout danger nucléaire" seront fournies à l'Ukraine, selon l'ambassadeur de France dans le pays, Etienne de Poncins, interrogé sur BFMTV dimanche 6 mars.
3Pourquoi est-il inutile d'en chercher en France ?
Certaines pharmacies en Allemagne, en Belgique et en France ont observé une demande accrue de pastilles d'iode ces derniers jours. Dans le Nord, en Occitanie ou encore en Alsace, les appels et questions de personnes inquiètes se sont multipliés. Mais ces clients ont été éconduits. En effet, les pharmacies françaises n'ont pas l'autorisation de vendre ces comprimés.
Le phénomène n'est pas nouveau. En 1986 déjà, juste après l'accident de Tchernobyl, des pharmaciens avaient été sollicités et avaient mis en garde contre les risques de l'automédication, relate l'Institut national de l'audiovisuel.
L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire rappelle que les comprimés d'iode "doivent être administrés en situation accidentelle et uniquement sur instruction des autorités". Leur prise ne doit donc pas être préventive, insiste un article mis à jour en mars 2022, relayé par l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine.
En plus d'être inutile, un apport excessif et régulier en iode peut entraîner des "dysfonctionnements de la thyroïde" et "certains effets indésirables, notamment au niveau cardiaque ou rénal", explique l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Parmi les effets secondaires plus communs, "des nausées, des vomissements, des diarrhées, des maux d'estomac ou des palpitations cardiaques", énumère Sciences et Avenir.
De plus, l'Ordre national des pharmaciens rappelle qu'en cas de danger nucléaire, les stocks d'iode de l'Etat, fabriqués par la Pharmacie centrale des armées et le laboratoire Serb, "permettraient une distribution de comprimés à l'ensemble de la population".
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