: Infographies Guerre en Ukraine : quel bilan, un mois après le début de l'offensive de l'armée russe ?
Franceinfo tente de faire le point sur le plus important conflit armé sur le sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale, enclenché le 24 février.
Il y a un mois, dans la nuit du 23 au 24 février, les premiers soldats russes franchissaient les postes frontières ukrainiens. A l'offensive rapide des premiers jours ont succédé des affrontements de plusieurs jours, puis semaines... Et 28 jours plus tard, si les troupes russes semblent marquer le pas, les bombardements continuent à Kiev comme à Kharkiv et la situation devient particulièrement préoccupante dans des villes comme Marioupol.
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Que retenir de ce premier mois de conflit, qui est la plus grande offensive militaire en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale ? Entre les milliers de vidéos amateur de cette guerre relayée sur internet quasiment en direct, la propagande induite par les deux camps ou l'accès difficile à certaines zones pour les journalistes, il est impossible de dresser un bilan exhaustif. Franceinfo tente tout de même de faire le point sur ces quatre semaines de guerre, graphiques à l'appui.
La lente progression des troupes russes
Lorsque Vladimir Poutine déclenche l'offensive, il entend mener une "opération militaire spéciale" aux allures de guerre-éclair. Mais face à la résistance des troupes ukrainiennes et aux déconvenues logistiques, ses ambitions s'éloignent. L'armée russe ne parvient pas à conserver l'aéroport international de Hostomel, pris quelques jours et pourtant stratégique ; elle est aussi tenue à distance de Kiev et de Kharkiv, du moins plusieurs semaines.
Dans le Sud, les troupes russes réalisent tout de même une percée, selon l'Institute for the Study of War (en anglais), notamment. Parties de la Crimée, annexée en 2014, elles rejoignent Kherson dans les premiers jours de l'offensive et atteignent le 4 mars la centrale nucléaire de Zaporijia, le long du fleuve Dniepr. L'armée russe rejoint ensuite Marioupol, port stratégique pour opérer la jonction entre les récentes conquêtes et le Donbass. Autre zone déterminante : la mer Noire. Depuis le début du conflit, la marine russe impose un blocus maritime au port d'Odessa.
Ces villes maîtrisées par les troupes russes ne sont pourtant parfois pas totalement acquises. De nombreuses manifestations d'habitants, dès les premiers jours de l'occupation, ont été rapportées dans plusieurs villes au sud de l'Ukraine. Le 23 mars, le chancelier allemand Olaf Scholz a estimé que l'offensive russe en Ukraine "s'enlis[ait] malgré toutes les destructions qu'elle provoque jour après jour".
L'opaque décompte des victimes
De nombreuses vidéos publiées en ligne montrent des corps jonchant les rues de certaines villes ukrainiennes. Il est pour autant impossible, pour l'heure, de connaître un bilan exact du nombre d'Ukrainiens et de Russes tués depuis le 24 février. Chaque autorité ou gouvernement avance ses chiffres au fil des principales batailles, mais aucun d'eux n'est vérifiable. Un bilan exhaustif impossible aussi bien concernant les civils que les soldats.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) en Ukraine dénombrait, le 21 mars, 925 civils tués depuis le 24 février, dont 75 enfants, ainsi que 1 496 blessés. En reprenant plusieurs bilans annoncés par des autorités locales ukrainiennes, on dépasse largement ces chiffres. Le 15 mars, les autorités de Marioupol dénombraient 2 400 victimes ; le 16 mars, les services de secours de Kharkiv en comptaient 500 ; le 21 mars, la mairie de Kiev en annonçait 65.
Quoi qu'il en soit, les pertes civiles s'annoncent extrêmement lourdes. Concernant ses estimations, le HCDH reconnaît que "les chiffres réels sont considérablement supérieurs, étant donné que les remontées d'information provenant de zones où d'intenses combats sont en cours ont été reportées". Et de citer les sièges de Marioupol ou d'Izioum. Les combats ont également fait fuir plus de 3,5 millions d'Ukrainiens hors de leur pays.
La bataille des chiffres fait aussi rage dans les rangs militaires. Kiev affirme avoir tué 14 700 soldats russes, contre 1 300 soldats perdus dans ses rangs. Moscou n'a reconnu que 498 effectifs tués dans son armée le 2 mars, et n'a pas communiqué sur le sujet depuis. De leur côté, les renseignements américains cités par différents médias estimeraient le nombre de pertes russes entre 3 000 et 7 000, et entre 2 000 et 4 000 pour les soldats ukrainiens.
Un bilan matériel incertain
Du point de vue des pertes matérielles, dresser le bilan des dégâts infligés par chaque camp est tout aussi difficile. On connaissait le déséquilibre flagrant entre ce que pèse l'armée russe face aux troupes ukrainiennes, mais il est difficile de visualiser ce que représentent les pertes des deux parties.
Le 18 mars, l'Ukraine annonçait par exemple avoir détruit 450 chars russes, 870 véhicules légers, 1 448 véhicules blindés de transports ou 112 hélicoptères. Mais ces chiffres sont impossibles à vérifier. En revanche, depuis le début du conflit, le blog spécialisé Oryx (en anglais) tient à jour un recensement des pertes matérielles des deux camps, constatées au fil des vidéos publiées en ligne. "Cette liste comprend les équipements détruits pour lesquels nous disposons de preuves, photos ou vidéos. Par conséquent, la quantité de matériel détruit est bien plus élevé que ce que nous recensons", expliquent les auteurs (en anglais).
Ce décompte présente aussi un biais : les vidéos publiées étant souvent celles des Ukrainiens, il est facile d'imaginer qu'elles montrent davantage les pertes russes que celles subies par les troupes ukrainiennes. Au 23 mars, le site avait compté 1 721 pertes russes, et 508 ukrainiennes, tous matériels confondus.
Un recours massif aux bombes à sous-munitions
Un élément largement documenté depuis le 24 février concerne l'usage de certaines armes, et particulièrement des bombes à sous-munitions. Ces ogives sont redoutables car elles explosent en deux temps : avant d'atterrir, elles libèrent une multitude de petites bombes, qui vont s'éparpiller et exploser sur une zone de plusieurs dizaines de mètres, de façon peu précise. Ce principe d'explosion à l'aveugle rend impossible tout ciblage, et les civils en deviennent les victimes collatérales.
Une centaine de pays a signé la Convention d'Oslo pour interdire ce type de munitions, mais Moscou et Kiev n'en font pas partie. La Russie en avait déjà utilisé en 2014 lors du conflit ukrainien, puis en Syrie. Depuis le 24 février, plusieurs ONG ont enquêté sur ces usages, comme le site d'investigation Bellingcat (en anglais), Amnesty International (en anglais), ou Human Rights Watch (en anglais).
A partir des images identifiées et géolocalisées par ces ONG, ainsi que par le collectif d'investigation en ligne Centre for Information Resilience (en anglais), nous avons reconstitué une partie de ces attaques.
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Hôpitaux et écoles ne sont pas épargnés
Moscou n'a de cesse d'affirmer que ses troupes ne visent pas les civils. Pourtant, un très grand nombre d'infrastructures ont été bombardées depuis le début du conflit. A commencer par les hôpitaux. Le 17 mars, l'Organisation mondiale de la santé annonçait avoir dénombré 43 établissements de santé attaqués (en anglais). Ils étaient au nombre de 63 selon le Ministère de la santé ukrainien, dont sept totalement détruits.
Là encore, il est difficile de confirmer ces chiffres, mais cette stratégie russe rappelle les nombreux bombardements d'hôpitaux en Syrie. Les images amateur publiées en ligne par les Ukrainiens permettent de documenter ces événements.
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Des établissements scolaires sont aussi la cible de bombardements, et certains sont totalement détruits. Sur la carte ci-dessus, nous en avons répertorié une quinzaine, mais ce décompte est loin d'être exhaustif. Etant donné que les troupes ukrainiennes utilisent certaines écoles pour s'abriter, il est difficile de savoir quelle proportion de ces frappes russes visait des soldats de l'armée de Kiev.
Après quatre semaines de bombardements, certaines zones sont défigurées. La situation est particulièrement incertaine à Marioupol, où plusieurs témoignages racontent d'intenses destructions. Des images satellite permettent de s'en rendre compte. Comme ici, à Volnovakha, près de Marioupol, où les images de l'entreprise Planet montrent notamment la destruction d'une école, le 14 mars.
Autant d'éléments qui nourrissent les accusations contre la Russie. Après le bombardement de l'hôpital de Marioupol, le 9 mars, des responsables européens ont qualifié les événements de "crime de guerre odieux". Plusieurs organisations internationales ont commencé à documenter de façon détaillée le conflit. "Nous demandons à la communauté internationale de collaborer avec la Cour pénale internationale pour collecter toutes ces atteintes majeures aux droits humains, pour qu'un jour les auteurs soient jugés", réclame Amnesty International.
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