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"J’avais peur que ma fille soit envoyée à l’orphelinat" : des civils ukrainiens qui fuient les environs de Bakhmout à la dernière minute témoignent

En Ukraine, l’étau se resserre toujours autour de Bakhmout. Les civils s'engouffrent alors dans les derniers trains avant l'arrivée des Russes. Yuri, père célibataire, et sa fille ont attendu jusqu’à la dernière minute pour fuir.
Article rédigé par franceinfo, Maurine Mercier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Les trains évacuent les civils de Bakhmout et de ses alentours. (MAURINE MERCIER / FRANCEINFO)

Dans le wagon, les familles sont entassées. Sur la banquette, Nastia, 9 ans, gigote. Avant d'expliquer : "Les explosions étaient trop fortes". A ses côtés, Yuri, son papa, 45 ans, visage creusé, regarde son enfant enfin jouer sur la banquette du train près à les évacuer. "Ma fille a eu très peur. Il y a quelques jours, elle est venue en courant vers moi, avec de grands yeux, effrayés. Je ne sais pas où se trouve la maman biologique, c’est moi qui m’occupe de la petite depuis 3 ans", précise-t-il.

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Yuri et Nastia vivent près de Bakhmout, cette ville industrielle devenue l'épicentre des combats entre Russes et Ukrainiens depuis des mois, et dont l'importance stratégique est contestée. Depuis l'été 2022, cette bataille symbolique a mené à de grandes destructions, ainsi qu'à de lourdes pertes dans les deux camps. Mais malgré le danger, face à l'offensive russe de ces derniers jours, le père et sa fille ont attendu. Si la famille n’a pas évacué alors que les bombes tombent à 200 mètres de leur maison, c’est par peur que la petite Nastia se retrouve seule. Mais ils se sont finalement décidés à prendre place à bord d'un train pour évacuer la zone.

Assises à côté d’eux : Anna, épuisée, amaigrie, explique qu'elle n'a "plus de larmes". Elle s’excuse aussi : "Nous n’avons pas pu nous laver depuis des semaines". Elle est la compagne de Yuri, mais n’a aucun droit envers sa fille. "Les gens nous disaient : 'Non, ne partez pas, ils enverront Yuri au front et la petite se retrouvera seule. Je ne suis pas sa mère : Yuri est le seul à être reconnu comme parent. J’ai peur, qu’est-ce qu’il arrivera à Nastia ? Je ne veux vraiment pas qu’il aille au front. Non, vraiment, je ne veux pas qu’il soit envoyé au front !"

De fausses informations de la Russie

Yuri l'avoue également : s'il a quitté si tardivement la ligne de front, c'est parce qu'il avait peur d'être séparé de son enfant. Il était persuadé qu’en allant se réfugier dans l’ouest du pays, il serait d’office recruté par l’armée, et sa fille, par conséquent, abandonnée.

"J’ai moins peur pour moi que pour ma fille. J’avais peur qu'elle soit envoyée à l’orphelinat."

Yuri

à franceinfo


Des craintes suscitées par la propagande russe, qui laisse entendre que l’armée ukrainienne enrôle de force les hommes qui fuient le Donbass. Or, en Ukraine, les pères célibataires ne sont pas envoyés au front.

À cette angoisse, s’est ajouté le sens du devoir de Yuri : "Il me fallait aussi travailler jusqu’au bout pour nourrir ma famille". La peur des bombes a finalement été la plus forte. La propagande et les angoisses ont mis en danger cette famille inutilement.

Ukraine : le témoignage de Yuri au micro de Maurine Mercier

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