Reportage "On sacrifie notre jeunesse pour d'autres qui se gavent à l'arrière" : dans la ville fortifiée d'Avdiïvka, le quotidien épuisant des combattants ukrainiens

Reprise aux Russes après la guerre du Donbass en 2014, la ville d'Avdiïvka, dans l'est de l'Ukraine, est le théâtre de combats sans relâche depuis plus de deux mois. Les soldats ukrainiens continuent de défendre leurs positions malgré la fatigue.
Article rédigé par Claude Guibal - Hélène Langlois et Yachar Fazylov
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Un soldat ukrainien dans la ville d'Avdiïvka, en Ukraine, le 3 décembre 2023. (OZGE ELIF KIZIL / ANADOLU)

Pas un jour de répit, pas un jour sans attaque de missiles ou de drones sur les villes ukrainiennes. Depuis plusieurs semaines, la Russie a également intensifié ses attaques dans l'est du pays. Sur une ligne de 80 kilomètres, les assauts sont quotidiens, en particulier pour prendre la ville d'Avdiivka. Reprise aux Russes par les Ukrainiens après la guerre du Donbass en 2014, cette petite ville fortifiée sur une hauteur de la plaine du Donbass vit un enfer tant les combats font rage depuis plus de deux mois. La guerre, avec son arsenal complet, et sans aucune accalmie, alors que l’armée ukrainienne dans la région dit manquer de munitions.

Un bâtiment anodin, sous les arbres gelés. Au loin, la mitrailleuse lourde, les obus… Depuis plus d'un mois la bataille d'Avdiivka fait rage. On entre. Ça sent la poudre, la fumée. "Ils ont l'avantage en hommes et en armement, mais on tient le coup, explique Tohra, un combattant. On essaie de reprendre nos vieilles positions. Un jour, c'est pour nous, un autre, c'est pour eux. C'est la guerre, on ne joue pas aux échecs. […] Par exemple, quand on tire un mortier, ils en tirent dix en retour", ajoute Behra. Ces soldats aux yeux épuisés sont écroulés sur des matelas entassés, un vieux poêle fume. D'Avdiivka, il ne reste quasiment plus rien disent-ils, tout est détruit, la quasi-totalité des habitants sont partis.

Le regard vitreux de fatigue

Ce qu’ils veulent, c'est empêcher les Russes de prendre l'usine chimique. S'ils s'installent dans son sous-sol, c'est foutu, selon Tohra. "Il ne faut pas sous-estimer l'ennemi. Ils savent se redéployer très vite. Ils savent faire la guerre." Son arme à lui, c'est le Stugna-P, le missile guidé antichar fabriqué ici, en Ukraine. Efficace, malgré son poids. En face, l’arsenal russe ne cesse de s'améliorer. Behra a les ongles éclatés, une brûlure sur le dos de la main. Il a connu l'enfer de Bakhmout. Et cela recommence ici. La guerre, avec son arsenal complet, et sans aucune accalmie. Tous ont le regard vitreux de fatigue. Ici, ils se posent à peine, entre deux rotations.

"Ça arrive dans ton cerveau. T'es dans ta tranchée, ça tape de partout autour de toi, tu ne sais pas ce que tu fous là."

Behra, combattant ukrainien

à franceinfo

Et quand on leur parle de permission, ils préférèrent rire. La liste d'attente est longue, pas assez de mobilisés. Il faudra encore passer son tour. Behra serre les dents. "Quand tu es en permission, ton moral crashe, avance le jeune homme. Tu rentres et tu vois que les gens n'ont aucune conscience de ce qu'on fait ici. J'ai 22 ans. On vient ici, on sacrifie notre jeunesse pour d'autres qui se gavent à l'arrière." Behra est épuisé. À Avdiivka, chaque jour fait des centaines de morts, ils essaient de ne même pas y penser. Quelques jours pour souffler, si peu. Puis il faudra retourner à Avdiivka.

Dans la ville fortifiée d'Avdiïvka, le quotidien épuisant des combattants ukrainiens. Reportage de Claude Guibal

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