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Reportage "Quand ils sont partis, il s'est mis à ramper pour revenir au village" : dans le sud de l'Ukraine, le récit des tortures infligées par l'armée russe

Les combats se poursuivent à l'est de l'Ukraine mais la situation bouge peu sur les lignes de front du sud. Et dans les villages entre Mykolaïv et Kherson, occupés début mars par l’armée russe, la parole des habitants se libère.

Article rédigé par Agathe Mahuet - Arthur Gerbault - Yashar Fazylov
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Maria, habitante de Pisky, dans le Sud de l'Ukraine, raconte les tortures infligés à son fils par l'armée russe, ici le 16 mai 2022. (AGATHE MAHUET / RADIO FRANCE)

C’est un tout petit bourg, en pleine campagne. À Pisky, près de Mykolaïv dans le sud de l'Ukraine, résonne encore, de temps en temps, le son lointain d’une explosion. La ligne de front est à 20 kilomètres, mais il y a deux mois, les forces russes envahissaient ce village, où vit Maria, à la recherche d’anciens combattants ukrainiens du Donbass "Ils sont entrés chez nous, et ont emmené mon fils, parce qu’il s’était battu pendant trois ans contre eux, dans l’Est de l’Ukraine. Ils lui ont bandé les yeux, donc il n’a pas pu voir qui l’avait dénoncé."

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Yevhen, 37 ans, se retrouve alors les mains liées dans le dos, conduit par les soldats russes, à l’école de la commune, devenue leur camp de base. Torturé pendant 24 heures, parce qu’il refuse de donner d’autres noms, il est emmené le lendemain, un peu plus loin dans la campagne : "Ils lui ont tiré dessus, deux fois. L’une des balles est passée à huit millimètres du cœur. Et mon fils a fait le mort. Quand les Russes se sont éloignés, il s’est mis à ramper, pour revenir au village." Aujourd’hui pris en charge à l’hopital de Mykolaïv, Yévhenn vivra, seul son bras gauche ne fonctionne plus. Les yeux de Maria s’embuent en pensant à la souffrance de son fils. Mais elle est soulagée, au moins, que l'armée russe ait quitté son village de Pisky. 

Des magasins pillés par l'armée russe

Dans plusieurs autres villages, au nord de Kherson, témoignent là-aussi des victimes de tortures, comme cet homme tabassé, tué, au cœur de Lotskyne. C’est un groupe d’ados qui raconte : "Bien sûr qu’on le connaissait, il était professeur ici, dans la commune." 

Plus au nord, à Bachtanka, un centre accueille les civils fuyant les villages de la région, tombés aux mains des Russes.Tatiana a quitté le sien, Snihourivka, occupé depuis un mois : "Quand ils sont arrivés, ils ont pillé nos magasins, et nous ont apporté à manger, nous qui nous terrions dans les caves. Les enfants étaient contents, alors on a rien dit. Ils voulaient nous faire croire qu’ils étaient de bonnes personnes. Mais tout ça, c’est du pipeau". 

Tatiana vit dans un centre d'accueil à Bachtanka (Ukraine), depuis qu'elle a fui son village occupé par l'armée russe.  (AGATHE MAHUET / RADIO FRANCE)

Dans l’appartement de la mère de Tatiana, il n’y a plus de toit, plus de fenêtres. Et sa voisine est morte, tuée par des éclats d’obus. Elle vit maintenant à 60 km de chez elle et ne rentrera pas dans son village, tant que l'armée russe sera là.

Reportage dans la région de Kherson, en Ukraine : Agathe Mahuet, Arthur Gerbault et Yashar Fazylov

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