Reportage Guerre en Ukraine : à Groza, touché par une frappe russe, la désolation, la mort et la suspicion

Un missile russe a touché un café de Groza, dans l'est de l'Ukraine, où se tenait une cérémonie funéraire. Bilan : 51 morts.
Article rédigé par Boris Loumagne - Yashar Fazylov
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Les secours ukrainiens s'activent dans les ruines du café de Groza, frappé par un missile russe, pour trouver d'éventuels survivants et dégager les corps des victimes. (BORIS LOUMAGNE / FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Un amas de pierres, de ferrailles, des carcasses de voiture, des débris à cinquante mètres à la ronde, et des taches de sang, partout, dans l'herbe. Voilà le paysage vendredi 6 octobre au matin à Groza, dans la région de Kharkiv, dans l'est de Ukraine, où un missile russe s'est abattu jeudi 5 octobre, causant la mort de 51 personnes dont un enfant de six ans.

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Cet amas de pierre et de ferraille était auparavant le café du village. Il n'en reste quasiment rien ce matin, seulement des ruines, autour desquelles se sont réunis une dizaine d'habitants complètement abattus. Beaucoup n'ont pas dormi de la nuit.

Le missile a touché le café alors que des funérailles s'y tenaient. Kolia, 71 ans, était dans son jardin à ce moment-là, à une centaine de mètres du café. "Je ramassais des pommes dans ma cour. À cause de la déflagration, je suis tombé par terre, raconte-t-il. Je suis sorti car ma femme était aux funérailles. Tout était en fumée, en flammes, détruit. J'ai marché toute la nuit." Sa femme n'a pas survécu. 

"Je n'ai pas de mots. Je suis seul désormais."

Kolia, 71 ans

à franceinfo

Parmi les victimes, l'immense majorité était des habitants de Groza. On estime qu'environ un habitant du village sur sept est décédé dans cette frappe et que chaque famille du village a perdu au moins un de ses proches. "Je connaissais tout le monde, confirme Valentina. Regardez cette maison : c’est celle de Natasha. Dans cette famille ils sont tous morts. Hier vers midi, Natasha m’a envoyé un texto pour m’inviter aux funérailles, en me disant 'nous on y va'. Mais avec mon mari on n’y est pas allés, sinon on serait morts."  

Vadim, le mari de Valentina, n’a pas dormi de la nuit. Il regarde les ruines du petit café et exprime sa colère : "Je les étranglerais de mes propres mains… Ces Russes ne sont pas des humains. Les gens étaient réunis, c’était des gens paisibles et les Russes les ont ciblés."  

Des analyses ADN sont toujours en cours pour identifier les 51 corps, dont celui d'un enfant de six ans. Certains étaient méconnaissables à cause de la violence de l'explosion. Trois jours de deuil ont été décrétés dans cette région de Kharkiv.

La piste d'un informateur

La piste privilégiée pour le moment est donc celle d'un missile balistique Iskander, qui aurait frappé le village. Ce même type de missile avait déjà frappé des civils en juin dernier à Kramatorsk. Une pizzeria avait été détruite et l'explosion avait fait douze morts.

Hier, la frappe a été très précise puisqu'elle a directement touché ce groupe de 60 personnes au moment exact où ces gens étaient réunis dans un café pour une cérémonie funéraire. Voilà pourquoi les enquêteurs travaillent sur la piste d'un informateur, quelqu'un qui aurait renseigné les Russes juste avant la frappe.

"Ici dans notre village on n’a jamais eu de frappes de missiles, rien. Alors c’est sûr que quelqu’un les a informés. Ils savaient qu’il y avait les funérailles. Ils savaient qu’il y allait avoir une bonne partie du village."

Kolia

à franceinfo

Il faut dire que, dans cette région de l'Ukraine, tout près de la frontière, une partie de la population penche plutôt du côté de Moscou. Alors, après la mort et la désolation, l'heure est aussi à la suspicion dans ce petit village.

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