: Reportage Guerre en Ukraine : à Kiev, les boîtes de nuit ouvrent l'après-midi pour s'adapter au couvre-feu
Plusieurs clubs de la capitale ont modifié leurs horaires pour permettre aux fêtards de danser entre 13 heures et 21 heures. Une formule plébiscitée par la jeunesse ukrainienne, qui vit depuis huit mois au son des bombardements et qui ne demande qu'à pouvoir se changer les idées.
Des cris stridents et des corps qui exultent de joie sur fond de musique électro... On pourrait croire qu’il est 2 heures du matin dans cette discothèque de Kiev mais il n'est en réalité que 18 heures. Grey Cat (Le Chat Gris) est une boîte de nuit... de jour ! Les fêtards y dansent depuis 13 heures.
L’horaire peut sembler étrange, mais cette jeunesse qui vit depuis huit mois sous invasion russe et sous couvre-feu a appris à en tirer parti.
"C’est mieux, parce qu’après un après-midi ici, tu peux rentrer chez toi assez tôt, et tu as toute la nuit devant toi", s'enthousiasme Pavlo. Sortir tôt permet aussi d’être en forme le lendemain, complètent Ivan et George, que nous rencontrons dans le coin fumeur : "De toute façon, il faut s’habituer à faire la fête l’après-midi. En ce moment, il n'y a pas d’autre solution."
Une soirée au profit de l'armée ukrainienne
Plusieurs clubs de Kiev proposent maintenant cette formule. Celui dans lequel nous nous trouvons est un peu underground. Près du DJ, une jeune fille danse seins nus. Une atmosphère quasiment berlinoise malgré ce grand drapeau ukrainien au mur. Et parfois un "Slava Ukraini" ("Gloire à l'Ukraine") retentit depuis le dance floor. Danser comme un pied-de-nez à la Russie, même si beaucoup de ces jeunes (20 ans, en moyenne) viennent surtout se changer les idées. "Vous savez, être ici toute un après-midi, ça permet d’oublier la réalité, les bombardements, les sirènes… C’est reposant !", confie David, venu faite la fête avec sa petite-amie Vika. La guerre les a contraints tous les deux à fuir Marioupol pour Kiev.
Les fêtards ont parfois une bière à la main mais nous croisons peu de gens éméchés. Ivan explique que l’idée n’est pas forcément de boire mais surtout de faire quelque chose d'utile pour le pays. Comme souvent lorsqu'un événement est organisé depuis le début de l'invasion russe, tous les bénéfices de cet après-midi de clubbing sont reversés à l’armée ukrainienne. Objectif : "Tuer les Russes", ajoute George. Andryi l’organisateur, ne touchera pas d’argent ce soir : "On donne toute la recette à l’armée, parce que si on peut faire ces fêtes, c’est grâce à nos soldats. C’est grâce à eux que nous sommes vivants."
"Même par temps de guerre, on arrive comme ça à s’amuser, se détendre, se changer les idées, et danser. C’est beau."
Andryi, organisateur de la soirée "Oxygène"à franceinfo
Deux salles deux ambiances. Dans celle d’à côté, un concert de rock se tient devant 200 personnes. Andryi se félicite : pas de coupure de courant ce soir dans le quartier, ce qui était loin d'être gagné d'avance. "On a appelé la soirée 'Oxygène', parce que c’est comme un souffle d’air frais". Bientôt 19 heures, plus que deux heures pour faire la fête, respirer et s’oublier. Un puissant "Davaï, davaïïïïï !" ("Allez ! Allez !") se fait entendre malgré les beats puissants du DJ.
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