: Reportage Guerre en Ukraine : dans une église de Lviv dédiée aux militaires, la douleur et la détresse des habitants lors des obsèques de soldats
L'église Saints-Apôtres-Pierre-et-Paul de Lviv (Ukraine) est dédiée aux militaires. Les obsèques de soldats s'y succèdent depuis le début de l'offensive russe, et les habitants s'y pressent pour se recueillir.
Les chants d'église résonnent très régulièrement dans l'église des Saints-Apôtres-Pierre-et-Paul de Lviv (Ukraine). Les obsèques des soldats morts sur le front s'y succèdent. Au vingtième jour de l'offensive russe, mardi 15 mars, celles de quatre soldats âgés de 31 à 56 ans, tués dans le bombardement de leur site d'entraînement vendredi, étaient organisées. Il s'agit d'un lieu symbolique, puisque l'édifice est dédié aux forces armées ukrainiennes depuis 2011.
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"Je prie et je mets des bougies pour tous nos soldats", raconte Slava, qui n'a pas pu entrer dans l'église où la famille des défunts, des militaires et des anonymes sont épaule contre épaule. "C'est un refuge pour eux." Comme Slava, de nombreux habitants viennent se recueillir pour les militaires ukrainiens. "Je suis ici pour accompagner dans leur dernier voyage nos combattants qui défendent notre patrie", explique ainsi Olga, qui vient ici dès que possible.
"Je ressens une douleur intense dans ma chair. Ce sont les fils, les pères, les frères de quelqu'un. Cette guerre et ces morts sont insensés."
Olga, habitante de Lvivà franceinfo
Les soldats trouvent dans cette église un soutien matériel et psychologique. Mais rares sont ceux qui acceptent de se confier sur la guerre. "Je me sens mal. J'ai fait mon service militaire avec cet officier. On se connaît bien. En 2014, quand la guerre a éclaté, on a été appelés ensemble. Il était retraité militaire, mais a voulu servir son pays", raconte ainsi Kosak, réserviste et vétéran de la guerre dans le Donbass mais aussi ami d'un des défunts.
La propagande de guerre reprend vite le dessus. "Les gars sont galvanisés, galvanisés, assure-t-il. L'objectif est de chercher et combattre l'ennemi." "Galvanisé" est aussi un terme répété par le lieuteunant Roman, qui est né et a vécu toute sa vie Lviv. Il ne s'épanche pas sur son moral. "C'est ma première guerre. Jamais je n'aurais imaginé qu'ils pourraient frapper un site militaire à 20 kilomètres de la frontière avec l'Otan."
Les prêtres, confidents des soldats
S'ils sont réticents à se confier, les soldats laissent transparaître leurs émotions dans les messages qu'ils envoyent "par SMS, Messenger ou Instragram" à un autre Roman, l'un des prêtres militaires de la paroisse. "Ces émotions font partie de la nature humaine", affirme-t-il, alors que les soldats, croyants ou non, lui dévoilent leurs failles et leur détresse jour et nuit. "Cela ne concerne pas que les militaires mais n'importe quelle personne qui voit le mal en face."
Il accompagne les militaires dans ces "moments très difficiles". "Je leur dis : 'Ce que tu traverses – cet état d'angoisse, de panique et parfois d'euphorie – est une réaction normale de ton organisme face aux circonstances dans lesquelles tu te trouves'", témoigne-t-il. Il appelle à "ne pas cacher" ces émotions. "Il ne faut pas les ignorer. C'est une sorte d'énergie qu'ils peuvent transformer en quelque chose d'utile et de positif pour eux, leurs frères et leur famille."
Le père Roman, au regard plein de douceur et de détermination, est prêt à retirer sa soutane pour les rejoindre : "Si mon bataillon part au front, j'irai aussi", confie-t-il.
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