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Reportage Guerre en Ukraine : "On intervenait autour des îles au milieu du Dnipro, et on s’est retrouvés sous des tirs d’obus", raconte un plongeur-secouriste

Malgré la destruction du barrage hydroélectrique de Kakhovka, la ligne de front reste particulièrement active dans la région, contraignant les secouristes à évacuer les sinistrés sous la menace des bombes.
Article rédigé par Camille Magnard - Yachar Fazilov
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Les opérations de secours se poursuivent à Kherson, trois jours après la destruction mardi 6 juin 2023 du barrage de Kakhovka. (CAMILLE MAGNARD / RADIO FRANCE)

Nous rencontrons Vladislav Bilonojko au bout d’une rue inondée de Kherson, dans le sud de l’Ukraine. En temps normal, le Dnipro coule 500 mètres plus loin mais, depuis la destruction du barrage de Kakhovka, c’est ici que débarquent les Zodiac qui ramènent les habitants des quartiers évacués. Quand ils le peuvent car la zone est bombardée quotidiennement.

Un débarquadère improvisé pour les Zodiac des sauveteurs à Kherson inondé, le 8 juin 2023. D'habitude, le Dniepr coule 500 mètres plus loin. (YACHAR FAZYLOV / RADIO FRANCE)

>> Après la destruction du barrage de Kakhovka, les ONG s'inquiètent de la situation humanitaire 

Les échanges de tirs d’artillerie ne se sont pas calmés ces trois derniers jours malgré le danger qui menace les sinistrés. Vladislav est le chef des plongeurs-secouristes de Kherson, et à l’arrière du camion de pompiers où il fait une pause, il paraît, physiquement et moralement, épuisé. "Le premier jour, l’eau montait très vite. On intervenait autour des îles au milieu du Dnipro, et on s’est retrouvés sous des tirs d’obus, trois ou quatre de suite, raconte-t-il. Ils tiraient sur des sauveteurs en train d’évacuer des gens ! Deux policiers qui étaient avec nous ont été blessés par des éclats." 

Vladislav Bilonojko,  chef des plongeurs-secouristes de Kherson. (CAMILLE MAGNARD / RADIO FRANCE)

 

Pendant que Vladislav nous parle, retentit une première explosion. Elle en annonce d’autres. Quelques minutes plus tard, une série de frappes d’artillerie russes prennent pour cible les opérations de secours, à quelques centaines de mètres de là. Elles font un mort et 18 blessés, dont plusieurs sauveteurs. 

"Ces terroristes ne nous laissent pas travailler normalement"

Au milieu de ce chaos, il y a Valentina. Elle a 82 ans et vient d’être évacuée de l’immeuble où elle a vécu toute sa vie, dans le quartier inondé d’Ostriv. L’eau est montée jusqu’au premier étage. Valentina et son fils ont attendu deux jours avant de voir arriver une barque de sauveteurs.

"Ils nous bombardent jour et nuit. Il y a des pauses de deux ou trois heures, et ils recommencent à pilonner."

Valentina, une sinistrée de 82 ans

à franceinfo

"Ce sont les Russes, depuis la rive gauche. Ces Russes, on ne sera jamais frères avec eux, ni par le sang, ni par la mère !", tempête l’octogénaire.

Et ce n’est pas Vladislav le sauveteur qui la démentira. Depuis trois jours il vit dans la frustration de ne pas pouvoir secourir les Ukrainiens piégés de l’autre côté du fleuve. "Notre plus gros problème c’est la rive gauche du Dnipro : les occupants russes n’évacuent pas les sinistrés. Beaucoup de personnes âgées et d’enfants ont besoin d’aide. Nos militaires font tout ce qu’ils peuvent pour aller les sauver, mais ils se font tirer dessus, parce que ces terroristes ne nous laissent pas travailler normalement". 

Risquer sa vie sous les bombes, pour sauver celle des autres… la tâche est particulièrement ardue pour les secouristes de la région de Kherson. Pourtant le travail continue : 2 340 personnes ont été évacuées des eaux du Dnipro ces trois derniers jours.

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