: Reportage "Ma vie est faite, c'est pour mes enfants que je m'inquiète" : dans le Donbass, une babouchka soutient "sa chère Ukraine"
Seule sur le banc devant chez elle, le long de cette route qui mène à Bakhmut, elle paraît attendre des visiteurs, en cette fin décembre 2022. "Tout le monde m'appelle Mamie Luba, déclare-t-elle, avec ses yeux bleus, son regard vif, son fichu sur la tête. 78 ans, bientôt 79 ans en février, si je survis..." Au loin, les frappes retentissent. Luba passe du sourire aux larmes, appuyée sur son déambulateur, les pieds dans la gadoue. "Moi je m'en fous, assure-t-elle, ma vie est faite. C'est pour mes enfants que je m'inquiète, et tous sont restés vivre à Bakhmut !"
Comme ses trois enfants, ses six petits-enfants et ses arrières petits-enfants, l'Ukrainienne ne quitte pas la région. Elle a vécu dans ce village de Vasyukivka toute sa vie, à 10 kilomètres de Bakhmut. Luba est même née ici, dans le sous-sol, à l'époque de la Seconde Guerre mondiale. Les Nazis occupaient la maison dans les années 40, sa mère s'était réfugiée à la cave. Aujourd'hui, ce sont les Russes qui sont à 10 kilomètres.
Bonbons et bortsch
Un paquet de bonbons dans les mains, déposé à l'instant par un soldat ukrainien, Luba explique que son petit plaisir est de voir défiler ces militaires, au quotidien – ce sont ses nouveaux voisins. L’un d’eux lui a apporté du bortsch l'autre jour. Dehors, les courges du potager s’entassent. À l’intérieur, dans la cuisine, le poêle est chaud. Il y a du courant aujourd’hui, mais jamais d’eau au robinet.
À l’époque soviétique, avec les kolkhozes, son village était "dynamique", assure Mamie Luba. Regrette-t-elle ce temps-là ? "En partie oui, en partie non", reconnaît-elle. Les gens avaient du boulot, ses enfants ont pu avoir des appartements gratuitement. D'un autre côté, elle est très contente du pouvoir ukrainien aujourd'hui. Dans un coin du salon en bazar, une télévision capte les chaînes nationales. Luba suit l'actualité, elle a vu que la France aidait l'Ukraine. "Macron", souffle-t-elle en rigolant. Mamie Luba finit par reprendre sa place sur son banc, se remet à saluer ses soldats : "Je suis Ukrainienne et, ici, c'est ma chère Ukraine ! " Patriote comme jamais.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.