: Reportage Russie : près de la frontière avec l'Ukraine, l'incompréhension des civils russes qui "commencent à réaliser ce qui se passe"
En Russie, la situation est toujours très tendue dans la région de Belgorod, à la frontière ukrainienne maintenant quotidiennement bombardée ces derniers jours par les troupes de Kiev. C'est dans la ville de Chebekino, à 30 km au sud de Belgorod que la situation est la plus préoccupante pour les autorités russes, qui ne maîtrisent pas toujours la situation sur la zone frontalière.
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Car contrairement à ce qu'explique le Kremlin, ce ne sont pas seulement quelques villages qui sont épisodiquement bombardés dans la région de Belgorod : c'est aussi une ville de 40 000 habitants, Chebekino, qui est devenue en quelques jours quasiment une ville fantôme, vidée de ses habitants. Il n'en resterait plus que 2 000 à 3 000 sur place.
Toutes les usines sont à l'arrêt, il n'y a plus d'eau, plus de gaz, d'électricité en raison des bombardements de l'armée ukrainienne et des incursions des groupes russes pro-ukrainiens. Oleg, qui aide les derniers habitants qui le souhaitent à quitter la ville, grâce à un ancien camion blindé de transports de fonds qu'il a racheté, confirme que "la ville s'est vidée en un clin d'œil. Les gens sont partis en chaussons, sans prendre de jeans ou de chaussures. La plupart de leurs papiers sont restés."
Dans la ville de Belgorod, à une trentaine de kilomètres de là, la zone est bouclée, interdite aux journalistes étrangers. Mais les images et les témoignages s'accumulent : là, des milliers d'habitants en fuite arrivent, pris en charge tant bien que mal par des associations humanitaires débordées. À Belgorod, l’on a vu ces derniers mois affluer un nombre important de réfugiés ukrainiens qui fuyaient par le côté russe ; ce sont désormais des réfugiés russes qui arrivent. Un choc dans cette ville de 300 000 habitants.
Les réfugiés choqués et amers
Les réfugiés de Chebekino, nombreux en ville, sont choqués et en colère. Choqués parce que les bombardements semblent avoir été assez intenses et que beaucoup ont quitté leurs maisons sans rien emporter. Certains ont le sentiment qu'ils ne pourront pas y retourner. Une femme confie ainsi sa crainte que Chebekino ne devienne un second Marioupol. Et puis ces habitants sont en colère pour beaucoup contre l'Etat fédéral russe, incapable de les protéger.
"Nous n'avons jamais entendu le moindre soutien, même à la télévision. Nous entendons toujours parler de Donetsk, de Lougansk ou de Kherson. Mais qu'en est-il de nous ?"
Anastasia, habitante de Chebekinoà franceinfo
L'armée aurait dû repousser ces attaques, aurait dû être mieux préparée, disent certains. D’autres disent ne pas comprendre pourquoi les Ukrainiens s'en prennent à la population civile. Svetlana, croisée dans un centre d'accueil, l'affirme : "L'armée ukrainienne tire sur des civils. Il n'y a pas de militaires à Chebekino, pas d'objectifs stratégiques, que des maisons ! Nous ne comprenons pas pourquoi on nous tire dessus." Elle explique ainsi, d'un air convaincu et outré, que l'armée russe, elle, ne vise que des objectifs militaires. Comme nous l'a dit un habitant de Belgorod qui n'est pas franchement pro-Kremlin : "Certains sont en train de réaliser ce qui se passe en Ukraine."
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