Sanctions contre la Russie : "Une protestation populaire" et des "oligarques frustrés" pourraient "faire basculer la politique de Vladimir Poutine", estime un spécialiste
Olivier Dorgans, avocat, estime que les sanctions européennes contre la Russie pourraient avoir un effet sur la politique de Vladimir Poutine si elles visent à la fois les oligarques et l'économie russe en général.
Olivier Dorgans, avocat spécialiste des sanctions économiques, estime mercredi 9 mars sur franceinfo que les mesures décidées par l'Europe contre les oligarques russes ne seront pas suffisantes à elles seules "pour faire infléchir la politique de Vladimir Poutine" à l'égard de l'Ukraine. "On peut espérer, estime-t-il, que les sanctions dans le secteur financier, bancaire et énergétique fassent leurs effets sur l'économie russe, qu'une protestation populaire gagne du terrain en Russie, et que les oligarques frustrés par les mesures qui les visent personnellement pourraient être la bascule pour un changement de régime ou faire basculer la politique de Vladimir Poutine en Ukraine".
franceinfo : La Commission européenne gèle les avoirs des oligarques : est-ce que c'est réellement faisable ?
Olivier Dorgans : La vraie difficulté réside dans l'identification de ces actifs financiers ou immobiliers. Les investissements de ces oligarques sont volontairement très opaques, donc il est très compliqué pour les autorités des différents Etats-membres de les identifier. C'est pour cela que Bercy a annoncé la semaine dernière la création d'une task force pour aider à une mutualisation de l'information et dialoguer avec nos voisins européens. Beaucoup de ces investissements se font aussi par des sociétés domiciliées dans des paradis fiscaux ou des juridictions non coopératives, donc c'est excessivement complexe d'identifier quels actifs appartiennent à quel oligarque.
C'est un gel temporaire des avoirs : combien de temps cela peut-il durer ?
Les mesures de gel des avoirs telles qu'elles sont prises au niveau européen sont des privations temporaires de la jouissance de la propriété, que ce soit un actif financier, un bien immobilier, ou un bateau. Cela pose un certain nombre de questions sur le coût, par exemple de la mise à quai de ces bateaux, et sur la manière dont on va rendre impossible la jouissance de cette propriété à ces oligarques. Il y a beaucoup de travail, c'est une réflexion engagée par le ministre de l'Economie avec le garde des Sceaux.
Cela peut-il suffire à faire changer la politique de Vladimir Poutine ?
Il faut regarder cette mesure à l'aune de toutes les autres sanctions économiques. Je ne pense pas que les mesures prises uniquement contre des oligarques soient suffisantes pour faire infléchir la politique de Vladimir Poutine, mais on peut espérer que les sanctions dans le secteur financier, bancaire et énergétique fassent leurs effets sur l'économie russe, qu'une protestation populaire gagne du terrain en Russie, et que les oligarques frustrés par les mesures qui les visent personnellement pourraient être la bascule pour un changement de régime ou faire basculer la politique de Vladimir Poutine en Ukraine.
Des entreprises internationales se retirent temporairement de Russie : peut-il y avoir des sanctions sur celles qui restent ?
Je pense que les entreprises occidentales sont tout à fait conscientes des difficultés de continuer à opérer en Russie. Les sanctions adoptées ces derniers jours et semaines sont inédites dans leur ampleur. Il est très difficile pour une entreprise, de toute manière, de continuer à opérer en Russie. Par contre, ces sorties de ces entreprises ont une influence et une incidence réelle. La consommation en Russie depuis l'accession au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000 s'est très occidentalisée, la classe moyenne russe est très attachée à certaines enseignes et à certaines marques occidentales. Le fait que ces marques quittent le territoire pourra également contribuer à renforcer la frustration et la colère du petit peuple russe contre Vladimir Poutine.
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