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Témoignage "Il me demande à chaque fois si j'ai tué quelqu'un" : ce soldat ukrainien, "héros" malgré lui, raconte la guerre à son fils

Article rédigé par Thibault Lefèvre - Éric Audra
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Mirone montre fièrement l'un des dessins où il a représenté son père, Nazar, soldat dans l'infanterie ukrainienne. (THIBAULT LEFEVRE / RADIOFRANCE)
Parmi les milliers d’hommes ukrainiens mobilisés qui se battent dans des tranchées du Donbass pour essayer de contenir des attaques russes nombreuses, brutales mais finalement peu efficaces, Nazar est un papa à la guerre. Il raconte comment il tente de préserver son fils.

Quand il n'est pas au front avec son régiment d’infanterie à Bakhmout, Nazar s'entraîne. Dans un vaste champ, à bonne distance des positions russes, il apprend à piloter un drone. La journée est calme. Le danger est loin. C'est le bon moment pour rappeler Olga et Mirone, son fils de huit ans, restés à Kiev. "Allô ? Mon petit lapin ? Salut, salut! Vous avez besoin de quelque chose ?", interroge Nazar. "De toi", répond simplement Olga.

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Nazar a été mobilisé au début du conflit. On lui demande comment on explique à son fils qu'on est à la guerre. "J'essaie de lui faire passer l'idée que tout va bien, qu'il ne se passe rien de mal, même s'il sait très bien où je suis, ce que je fais, répond Nazar. Bien sûr, il me demande à chaque fois si j'ai vu des Russes, si j'ai tué quelqu'un. J'essaie de lui répondre avec humour, même s'il n'y a rien de drôle. Il y a des choses qu'un enfant ne doit pas entendre. On vit une période compliquée".

"Je ne les appelle jamais quand je suis de mauvaise humeur. On vit beaucoup de moments terribles et ils ne doivent pas voir ça."

Nazar, soldat dans l’infanterie

à franceinfo

Nazar profite d'un moment hors des tranchées de Bakhmout (Ukraine) pour appeler sa femme et son fils. (THIBAULT LEFEVRE / RADIOFRANCE)

Plus de 700 kilomètres à l'Ouest, dans le quartier populaire de Troyechina, au cœur de la capitale ukrainienne, Olga et Mirone, huit ans, habitent au troisième étage d'un grand immeuble. Dans la chambre du petit garçon, un portrait d'Harry Potter, un kimono, et, bien rangés dans un tiroir de son bureau d'écolier, des dessins à l'effigie de Nazar. "Là, c'est mon papa. C'est sa veste de camouflage et sa barbe", détaille-t-il fièrement. À droite, il y a écrit "Mon papa, ce héros". Quand on lui demande pourquoi, l’enfant répond : "C'est un héros parce qu'il défend son pays, qu'il risque sa vie, pour nous et pour toute l'Ukraine".

"Mon papa, il ne peut pas mourir parce qu'il est très fort et qu'il a un gros casque."

Mirone, fils de Nazar

à franceinfo

Mirone est courageux, il ne parle presque jamais de la mort, dit la maman, Olga. Il refuse en revanche qu'elle touche à la serviette de bain laissée par Nazar, "comme s'il n'était jamais parti".

"Mon papa à la guerre" - Reportage en Ukraine de Thibault Lefevre et Éric Audra

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