: Témoignages "Je ne suis plus sûre que nous réussissions à nous en sortir" : en Ukraine, la désillusion s'impose après quatre mois d'une contre-offensive sans succès majeur
"On connaît malheureusement trop bien la force de l’armée russe." Le constat d'Andreï, une trentaine d'années, tombe comme un couperet. Comme la majorité des Ukrainiens, lorsque la contre-offensive a démarré il y a plus de quatre mois maintenant, il n’a pas eu de grandes attentes mais son ventre s’est noué un peu plus encore. Comme tous les hommes ici, il a l’interdiction de quitter le pays et il redoute ce moment où l’armée finira, il en est sûr, par l’appeler.
D'autant que le bilan n’est pas très bon. Les Ukrainiens n’ont réussi à récupérer que très peu de terrain et la météo compliquera bientôt les opérations. Andreï savait que la contre-offensive serait très difficile, très meurtrière aussi. "Chaque mètre qu'on récupère nous coûte énormément de vies. Voilà pourquoi je comprends bien pourquoi la contre-offensive ne peut pas aller aussi vite qu'on le souhaiterait", dit-il.
Il y a la désillusion et l'angoisse d'Andreï, et puis il y a la colère qu'on entend aussi dans les rues de Kiev. Celle d'Arina par exemple, qui condamne autant les officiels ukrainiens qui font des déclarations totalement irréalistes, que les médias qui les reproduisent et qui en oublient la dureté et la réalité de la guerre. Car cette Kiévienne ne compte plus ses amis qui sont morts à la guerre. Elle y a perdu son mari aussi. Alors, si vous lui demandez son avis sur la contre-offensive, elle est assez catégorique.
"Lorsqu’on lit ici dans les journaux : 'magnifique, on a libéré un village !', personne ne dit combien de personnes ont dû mourir pour le libérer. Combien c’est difficile, très difficile !"
Arina, habitante de Kiev
La crainte de l'abandon international
"Je suis sûre qu’on finira par réussir à libérer nos terres, poursuit Arina. Mais combien de temps cela prendra ? Je ne sais pas. Un an, deux ans, plus ?" À ses côtés, Svitlana, 58 ans, a du mal à s'exprimer sans craquer. Son fils, soldat, est mort cet été à l'âge de 23 ans. "J’ai perdu mon enfant. Mais je considère que tous les soldats sont aussi un peu mes enfants", dit-elle alors que les larmes roulent sur ses joues. Puis elle se reprend, parce qu'elle veut parvenir à formuler ce qui l'angoisse : voir son pays abandonné par la communauté internationale. "Si vous ne nous livrez pas les armes nécessaires, ce sont ensuite des mères en Pologne ou ailleurs en Europe qui verront leur fils mourir", prévient Svitlana.
En Ukraine, avec la contre-offensive qui piétine, mais surtout le conflit au Proche-Orient, l'angoisse est montée de plusieurs crans sur ce sujet. "On voit bien que le soutien international s’effrite", constate Svitlana. Puis elle conclut, fataliste : "Je ne suis plus sûre que nous réussissions un jour à nous en sortir. Mais on est obligé de continuer à espérer. Même si ce n’est qu’espérer."
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