Ukraine, deux ans de guerre : pour cette députée d'opposition, "la lutte contre la corruption est aussi nécessaire que la lutte contre les Russes"
L'Ukraine est une jeune démocratie, devenue indépendante de la Russie en août 1991, et qui en fait l'apprentissage dans la douleur, après les révolutions pro-démocratie et pro-occident de 2004 et 2014, l'annexion de la Crimée en 2014 et la guerre du Donbass. Depuis deux ans et "l'opération spéciale" russe, le Parlement ukrainien n'a pas cessé son activité. Il l'a même renforcée avec tous les jours des textes de loi qui sont adoptés. Lesia Vasylenko est députée d'opposition. Elle revient pour franceinfo sur la nécessité à ses yeux de préserver les institutions démocratiques tout en résistant à l'agression russe. Et l'enjeu de la lutte contre la corruption, cet "ennemi de l'intérieur".
franceinfo : Vous êtes députée au parlement ukrainien, la Rada. Il y a juste à côté de nous une affiche qui dit "Kyiv is waiting for you after the victory" : Kiev vous attend après la victoire. Un message qui s'adresse sans doute aux Occidentaux. Est-ce que vous vous croyez encore à la victoire aujourd'hui ?
Lesia Vasylenko : Absolument. La victoire est le seul chemin possible pour l'Ukraine et pour tous nos amis occidentaux et un peu partout dans le monde, les amis de la démocratie. S'il n'y a pas de victoire de l'Ukraine, ce sera la victoire de l'autocratie, d'un régime impérialiste russe. Et je ne pense pas que c'est le chemin qu'on veut emprunter dans un monde moderne du XXIᵉ siècle.
Récemment, il y a eu la prise d'Avdiivka, première prise majeure de la Russie depuis Bakhmout en mai 2023. Est-ce que vous faites aussi le constat qu'aujourd'hui, les forces ukrainiennes n'ont pas les moyens de leurs ambitions offensives.
On n'a jamais eu les moyens de nos ambitions. À vrai dire, dès le début, en janvier 2022, quand les Ukrainiens étaient en train de demander des armements à tous nos partenaires, et aux Occidentaux surtout, on recevait la réponse : non. Mais on doit toujours être sensible au fait que les Russes ne vont pas s'arrêter si on ne les arrête pas.
Volodymyr Zelensky prend régulièrement la parole. Dans une de ses interventions récentes, alors qu'il revenait du front, il expliquait ce qu'il avait vu là-bas, à l'est du pays. "C'est extrêmement difficile aujourd'hui au front pour les soldats", disait-il. Deux ans après, pour l'Ukraine, est-ce que Volodymyr Zelensky est toujours l'homme de la situation, à vos yeux ?
Oui, bien sûr. Le président dit la vérité, en effet. On est toujours reconnaissants et on remercie toujours nos partenaires pour tout ce qu'ils nous donnent. Mais quand on en demande plus, ce n'est pas parce qu'on en veut et qu'on va stocker toutes ces munitions ou tous ces armements. Non, c'est parce qu'on en a besoin. On les utilise, on les utilise pour sauver des vies.
Mais vous, vous êtes député de l'opposition. Est-ce que cette union sacrée qu'il pouvait y avoir il y a deux ans existe toujours ou est-ce qu'elle est menacée ?
Vous savez, quand on parle de l'Ukraine à l'étranger, sur des plateformes internationales, c'est toujours une union sacrée, un front uni pour l'Ukraine. Mais quand on est dans notre pays, on est quand même une démocratie. Le Parlement fonctionne, on y a des débats. On se permet de critiquer nos collègues, et c'est comme ça, dans ces discussions, dans ces débats, qu'on arrive à des décisions à la majorité du Parlement, qui répondent aux besoins du pays.
Quand Volodymyr Zelensky a remercié Valeri Zaloujny, qui était un homme populaire, remplacé à la tête de l'armée ukrainienne par Oleksandr Syrsky, est-ce que ce limogeage vous a interpellé ?
C'était une décision très difficile. Valeri Zaloujny est un héros ici, en Ukraine. Les changements sont toujours une source d'inquiétude. Donc on va voir les résultats du nouveau commandant en chef de l'armée ukrainienne.
Volodymyr Zelensky est aussi sommé par la population d'agir sur la corruption. Il y a eu des scandales à répétition qui ont secoué l'Ukraine. On peut en citer un : un haut gradé ukrainien aurait détourné environ millions d'euros en marge d'un achat de 100 000 obus de mortier. Des interpellations ont eu lieu, fin janvier. Et à ce jour, l'armée attend toujours de voir ces obus. Est-ce que vous avez conscience que la lutte anticorruption est une bataille nécessaire, qu'il faut mener aujourd'hui en Ukraine pour redonner confiance à la population ?
Oui, absolument. Mais c'est une bataille que l'Ukraine mène depuis des années et des années. C'était très lent, aujourd'hui, ça va beaucoup plus vite parce que la population ukrainienne est en demande des résultats. Et on comprend très bien que la lutte contre la corruption, c'est aussi nécessaire que la lutte contre les Russes. On a l'ennemi de l'extérieur, les Russes qui sont en train d'envahir notre pays. Mais il y a aussi l'ennemi de l'intérieur. Ceux qui veulent faire de l'argent sur les vies des autres, sur la vie de nos soldats et des membres de leurs familles. On sait qu'on doit exterminer cet ennemi intérieur qu'est la corruption.
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