Ce que l'on sait de la mort de quatre migrants, dont un enfant de 2 ans, lors de tentatives de traversée de la Manche

Deux enquête ont été ouvertes samedi après ces deux tentatives de traversées clandestines qui viennent alourdir encore un peu plus le terrible bilan de l'année 2024.
Article rédigé par franceinfo
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Des migrants secourus dans la Manche sont débarqués au port de Calais (Pas-de-Calais), le 5 octobre 2024. (MARC DEMEURE / MAXPPP)

Deux nouveaux drames dans la Manche. Quatre migrants sont morts dans la nuit du vendredi 4 au samedi 5 octobre, en tentant de gagner l'Angleterre à bord de deux embarcations, a annoncé le préfet du Pas-de-Calais. "Le bilan est très lourd", a déploré Jacques Billant lors d'un point-presse, samedi après-midi. Voici ce que l'on sait de ce drame.

Quatre morts, dont un enfant de 2 ans

Dans la nuit, deux hommes, une femme et un enfant sont morts. Ce dernier, âgé de 2 ans, a été récupéré inanimé à bord d'une embarcation et n'a pas pu être sauvé. Selon les premiers éléments, l'enfant, né en Allemagne d'une mère d'origine somalienne de 24 ans, a été "écrasé" après une bousculade dans le canot pneumatique, a rapporté le procureur de la République de Boulogne, Guirec Le Bras, présent au côté du préfet lors du point-presse.

Lors d'une autre tentative de traversée, les marins ont également découvert "trois personnes inanimées au fond d'un petit bateau, vraisemblablement écrasées, étouffées et noyées au moment de bousculades dans les 40 cm d'eau au fond de l'embarcation pneumatique", a décrit Jacques Billant. Il s'agit d'une femme vietnamienne et de deux hommes d'origine africaine, âgés " d'environ 30 ans tous les trois"

Des dizaines de personnes secourues sur ces deux embarcations

Les services de secours sont venus en aide à deux embarcations distinctes. Une première, "surchargée avec 90 personnes à son bord, s'est trouvée en difficulté à la suite d'une panne moteur" au large de Boulogne-sur-Mer, a rapporté le préfet Jacques Billant. Le navire Abeille Normandie a récupéré 15 personnes à son bord, dont l'enfant inanimé. Les 14 autres migrants ont été pris en charge, dont un adolescent de 17 ans qui a dû être hospitalisé pour des brûlures aux jambes, a précisé le préfet. Les autres passagers du canot ont souhaité continuer leur route vers l'Angleterre. "La préfecture maritime a mis en place un jalonnement pour intervenir en cas de nouvelles difficultés."

Sur une deuxième embarcation, également surchargée avec 83 migrants à bord, "plusieurs pannes moteur ont généré des mouvements de panique" au large de Calais et des migrants sont tombés à la mer, mais ont pu être secourus. Le patrouilleur Le Flamant a été engagé dans le sauvetage. Douze migrants ont décidé de continuer leur route, "avant de renoncer et d'être pris en charge par le navire Minck", a précisé Jacques Billant. 

Les très nombreux migrants pris en charge viennent de très nombreux pays, a énuméré le préfet : Erythrée, Vietnam, Afghanistan, Iran, Ethiopie, Libye, Syrie, Egypte, Koweït ou encore Irak.

Deux enquêtes en cours

Deux enquêtes ont été ouvertes par le parquet de Boulogne et ont été confiées à l'Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim) et à la gendarmerie maritime. La première, pour homicide involontaire aggravé et association de malfaiteurs. La seconde, concernant l'autre embarcation, pour association de malfaiteurs et "aide à des étrangers en situation irrégulière aggravée par les circonstances de la bande organisée et du risque d'infirmité et de mort", a détaillé le procureur Guirec Le Bras. Dans le cadre de ces enquêtes, l'Oltim auditionne 65 personnes. 

Des drames qui s'accumulent depuis le début de l'année

Les tentatives de traversées se sont multipliées depuis jeudi soir, en raison d'une fenêtre météorologique jugée favorable. "Plus de 250 migrants [ont été] secourus en mer", dans "31 tentatives de traversée empêchées", a rapporté Jacques Billant. Cela s'inscrit dans l'année la plus meurtrière dans la Manche (une cinquantaine de morts) depuis le début du phénomène, en 2018, des traversées à bord de canots pneumatiques. Dans la nuit du 14 au 15 septembre, huit migrants avaient trouvé la mort dans le naufrage d'une embarcation qui venait de quitter les côtes françaises. Le 3 septembre, au moins 12 autres étaient morts quand leur embarcation s'était disloquée au large du cap Gris-Nez dans le pire naufrage de l'année à ce jour.

Le préfet et le procureur ont, d'une même voix, dénoncé les "réseaux criminels" de passeurs. Samedi au matin, "pour sécuriser leurs gains, les passeurs sans scrupules n'ont pas hésité à séparer des enfants en bas âge de leurs parents, parents à qui ils n'ont pas permis l'accès au bateau, tandis que l'enfant seul avait déjà été pris de force dans l'embarcation", a illustré Jacques Billant. "Je suis arrivé en fonction en 2021 et, à l'époque, c'était 30 personnes. Maintenant, c'est plus de 65 personnes en moyenne sur les bateaux et il n'y a plus de gilet de sauvetage", a complété Guirec Le Bras.

Sur le réseau social X, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a dénoncé un "épouvantable drame qui doit tous nous faire prendre conscience de la tragédie qui se joue. Les passeurs ont le sang de ces personnes sur les mains et notre gouvernement intensifiera la lutte contre ces mafias qui s'enrichissent en organisant ces traversées de la mort".

"Ce matin, un enfant meurt pendant une traversée de la Manche. C'est ce que Bruno Retailleau appelle une 'conséquence néfaste' de sa politique 'efficace' menée à la frontière. Nous continuerons à dénoncer l'action coupable des Etats et à soutenir les familles", a écrit, de son côté, l'association d'aide aux exilés Utopia 56.

Le maire du Portel, Olivier Barbarin, s'est dit samedi sur franceinfo "complétement désarmé par cette situation" et a lancé un appel à "nos gouvernants de l'Europe et d'Angleterre" pour éviter que "la Manche ne soit un cimetière marin". Il a notamment raconté que les migrants "étaient encore une centaine sur la plage du Portel cette nuit [vendredi à samedi] pour à attendre l'appel de passeurs", qu'il qualifie de "salopards". Ils sont "prêts à tout, pour quelques centaines d'euros, à essayer de faire passer tous ces pauvres migrants pour aller en Angleterre".

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