Entre Djibouti et le Yémen, les migrants se croisent, ballottés entre misère et mort
Bab El Mandeb, "la porte des lamentations" en arabe. Le détroit qui sépare l’Afrique de l’Arabie, et la mer Rouge du golfe d’Aden, est régulièrement secoué par des drames. Récemment, le naufrage de deux bateaux de migrants a provoqué la mort de 52 personnes. Ce haut lieu des migrations a une particularité. Ici, les migrants se croisent.
Le 29 janvier 2019, c’est du côté de Djibouti que le drame s’est joué. Deux embarcations de migrants, surchargées, ont fait naufrage. Un bilan provisoire fait état de 52 morts. Durant plusieurs jours, la mer a rejeté des corps sur les plages de la région. 16 survivants ont été retrouvés. Les bateaux ont coulé dans une mer agitée, peu de temps après avoir quitté le port de Godoria, près d’Obock, au nord de Djibouti.
On ne sait pas précisément combien de personnes se trouvaient à bord. Un des survivants parle de 130 passagers sur son bateau, mais ne connaît pas leur nombre pour l’autre embarcation. En août 2017, un fait divers avait déjà révolté le monde. Pas moins de 300 migrants avaient été jetés à la mer par les passeurs, craignant de se faire prendre par les gardes-côtes du Yémen.
Ces migrants fuient l'Ethiopie et la Somalie en direction du Yémen, dans l'espoir d'atteindre les pays du Golfe pour y trouver du travail.
Jetés à la mer
La traversée a lieu sur des bateaux de fortune, via des passeurs. Le voyage est particulièrement dangereux : des trafiquants font de fausses promesses à des personnes vulnérables forcées de quitter les embarcations quand leurs passeurs ont peur d'être pris par les autorités.
Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), 55 000 migrants auraient fait le trajet depuis le début de l'année 2018, plus de la moitié n'a pas 18 ans.
En République de Djibouti, l'OIM gère un camp de migrants à Obock qui accueille actuellement 500 personnes. Dans cette région particulièrement troublée, la guerre au Yémen a rajouté de la confusion à la confusion. Car certains migrants sur la route du Golfe rebroussent chemin en raison de la guerre qui secoue le Yémen. Si bien que les traversées du détroit se produisent dans les deux sens. Toujours selon l’OIM, en 2017, 100 000 migrants ont rejoint le Yémen. Autant ont fui le pays ravagé par le conflit.
La région de tous les trafics
La mer Rouge, la Somalie, l’Erythrée sont au début du 20e siècle sources de reportages et d’inspiration pour les écrivains et journalistes français. Henry de Monfreid, Joseph Kessel, Arthur Rimbaud, Romain Gary, Albert Londres ont écrit sur la Corne de l’Afrique. Leurs récits parlent de trafics, razzias, commerce de perles ou d’esclaves. Des récits où le romanesque et l’ethnologie font bon ménage. Tout n’y est pas vrai, rien n’est totalement faux. C’est ici que l’Afrique rejoint l’Arabie et que s’organise le commerce.
Pirates
La région a de tout temps été secouée par les affres de la piraterie maritime. Elle perdure jusqu’à l’époque contemporaine. Au plus fort de la crise, au début de l’année 2011, les pirates somaliens de tous poils détenaient 32 bateaux et 736 otages. Depuis, la situation s’est calmée, en raison notamment du renforcement des patrouilles maritimes et du respect des consignes de sécurité par les navires marchands. Aujourd’hui, sur son petit territoire, la République de Djibouti accueille toutes les puissances mondiales soucieuses de protéger un secteur vital pour leur économie.
Stratégique
C’est le quatrième point de passage maritime le plus fréquenté au monde. Selon les données de l’Energy Information Administration américaine, en 2013, ce détroit a vu passer chaque jour 3,8 millions de barils de pétrole brut et raffiné, dont 2,1 millions de barils en provenance du Golfe arabo-persique et à destination du Canal de Suez. Il est ainsi stratégique pour les pays importateurs, exportateurs et riverains que ce passage maritime reste libre d’accès. Alors, Djibouti accueille tout le monde. Américains, Français, Chinois et Japonais ont leur base militaire autour du port de Djibouti. Ce qui sans doute réduit la tentation des migrants de passer par là.
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