"J'attends un geste fort" envers les migrants : le médecin qui avait refusé la légion d'honneur reçu à l'Elysée
Raphaël Pitti, médecin qui a refusé en décembre la légion d'honneur pour dénoncer la politique migratoire de la France, a été reçu mercredi à l'Elysée. Il continue de refuser la dsitinction tant que le gouvernement n'a pas pris des engagements forts.
Il a refusé le titre d'officier de la légion d'honneur, jeudi 21 décembre, dans une lettre adressée à Emmanuel Macron : Raphaël Pitti, spécialiste de la médecine de guerre et élu local à Metz, a été reçu à l'Elysée mercredi 3 janvier. Deux conseillers du président de la République, qui travaillent sur l'accueil des migrants et des réfugiés, ont écouté son cri d'alerte sur le sort de ces personnes. Le médecin est resté ferme : hors de question d'accepter la distinction tant que le gouvernement n'aura pas accompli "un geste fort" dans ce domaine.
franceinfo : À l'issue de ce rendez-vous à l'Elysée, persistez-vous à refuser la légion d'honneur ?
Raphaël Pitti : Oui, pour l'instant. Je suis tout à fait d'accord avec le discours du président de la République du 31 décembre sur le fait qu'il nous faut accueillir de manière digne les migrants qui viennent se réfugier dans notre pays. Cependant, au mois de décembre, on a vu le ministre de l'Intérieur plutôt promouvoir des circulaires qui étaient repressives envers cette population. Comme conseiller municipal à Metz, je suis obligé de constater les conditions inhumaines dans lesquelles sont accueillies ces personnes-là. Il y a donc un double discours, celui du président, plutôt humaniste vis-à-vis de cette population, et celui du ministre de l'Intérieur qui ne voit que l'aspect sécuritaire, avec tout ce qu'il y a de répressif envers ces personnes. C'est inacceptable.
Cela veut dire que ce rendez-vous n'a rien changé ?
Si. Le fait, d'abord, de reconnaître que les conditions sont indignes et qu'il faut pouvoir y apporter rapidement une réponse, c'est un fait acquis. Deuxièmement, le fait qu'il y ait une nécessité sécuritaire n'échappe à personne, surtout dans la situation de lutte contre le terrorisme dans laquelle nous sommes. Il y a donc une cohérence à trouver en ce qui concerne l'accueil des migrants, qui entrevoit à la fois un accueil tout à fait humaniste, humanitaire et digne de cette population, et à la fois des aspects sécuritaires (...). Le dossier a été retiré des mains du ministre de l'Intérieur pour être remis au Premier ministre. Il a commencé des entretiens avec les différentes grandes associations de notre pays pour essayer d'entrevoir quelle serait la réponse à apporter par rapport à ce problème.
Pensez-vous que cette reprise en main du dossier par le Premier ministre va changer les choses ?
Je l'espère ! Le discours du chef de l'Etat du 31 décembre, le fait que le Premier ministre ait pris le dossier à son compte et commence les concertations avec les grandes associations de solidarité de notre pays, tout ça laisse penser qu'on va rapidement trouver des solutions pour l'accueil.
Y avait-il un problème de cohérence dans le gouvernement sur ce dossier d'après vous ?
Il y avait manifestement un problème de cohérence. C'est au président de donner les grandes orientations politiques et le Premier ministre en assure l'exécution. Or, manifestement, il y avait un problème. Ce qui a choqué, c'est de voir apparaître d'un seul coup ce côté purement sécuritaire vis-à-vis de l'accueil des migrants alors que ce n'était pas le discours du président de la République.
Qu'attendez-vous du gouvernement après cette rencontre ?
J'attends un geste fort en ce qui concerne l'accueil de manière très digne de toutes les personnes qui rentrent dans notre pays et viennent demander l'asile. Ce qui me paraît vraiment très important - et on en a convenu - c'est que la problématique des migrants ne peut pas être gérée essentiellement par le ministère de l'Intérieur. Il faut qu'une personne s'occupe de ce dossier-là et soit missionnée pour mettre en place une structure interministérielle, de manière à entrevoir toutes les problématiques d'intégration, que ce soit le logement, l'éducation, la santé, la formation... Il y a nécessité d'entrevoir d'une manière totalement globale ces migrants, tout en sachant qu'il faut que nous ne prenions que la juste part de ce que la France est capable de prendre comme migrants aujourd'hui. Il reste au président de la République à déterminer ce que nous pouvons faire dans l'immédiat, et de manière urgente, pour accueillir dignement les personnes qui se présentent.
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