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Pologne : l’euroscepticisme avant toute chose
Avec l’arrivée au pouvoir des conservateurs du parti PiS (Droit et Justice) à l’automne 2015, la Pologne a pris un tournant nettement eurosceptique. Illustration avec la conférence, tenue à l’ambassade polonaise à Paris le 12 mai 2016, du vice-Premier ministre et ministre du Développement, Mateusz Morawiecki.
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«La Pologne est un important membre de l’UE, de par son poids économique et de sa localisation. De plus, nous sommes très actifs dans toutes les institutions européennes», explique Mateusz Morawiecki.
Mais il y a le discours. Et la réalité. Dans son intervention, le ministre a très peu fait allusion à l’Union européenne. Et dans le document Action Plan for Responsible Development of Poland (Plan d’action pour un développement responsable en Pologne), distribué à l’occasion de la conférence, il n’y a… qu’une seule allusion à l’Union, en toute dernière page. En l’occurrence, un (petit) paragraphe consacré à la nécessité d’une «meilleure qualité (dans l’utilisation) des fonds» communautaires alloués à Varsovie.
«Il ne s’agit pas de juste de dépenser ces fonds. Il faut changer la philosophie des dépenses. Ces sommes doivent être productives. Elles ne doivent pas investies dans des aquaparcs, mais plutôt dans des infrastructures et le développement régional», a déclare Mateusz Morawiecki. Qui n’aura pratiquement rien dit d’autre sur l’UE. Comme si les subventions bruxelloises étaient le seul élément communautaire intéressant la nouvelle équipe gouvernementale à Varsovie… Rien sur les avantages qu’offrent le marché unique, la coopération entre Etats membres, les grands projets portés par l’Union. Dans le même temps, l’adhésion de la Pologne à l’Union a plus que certainement joué un rôle dans la croissance de 25% qu’a connue le pays entre 2008 et 2015, chiffre rappelé par l’ambassadeur de Pologne à Paris, Andrzej Byrt. A l'heure même où le chef de la Diplomatie polonaise n'hésitait pas à affirmer que l'intégration européenne lui avait apporté «plus de crise»...
De son côté, le vice-Premier ministre a insisté sur la nécessité d’aider les firmes polonaises à développer leurs activités vers les Etats-Unis, l’Asie et l’Afrique. Heureusement que l’une des diapositives, avec laquelle il illustrait sa conférence, insistait en tout petit que «le marché européen reste crucial»…
«Nous sommes très ouverts aux capitaux étrangers», insiste Mateusz Morawiecki. Et de citer l’investissement de 500 millions d’euros annoncé par le constructeur automobile allemand Mercedes à Jawor (sud-ouest).
Investissements nationaux plutôt qu’étrangers
Pour autant, les nouvelles autorités constatent que les «deux tiers des exportations (polonaises) émanent de compagnies étrangères». «Jusque là, notre modèle de développement s’est largement appuyé sur les capitaux étrangers. Leur présence dans notre économie est (…) souhaitable dans la mesure où elle a permis d’augmenter le PIB et contribue au transfert de technologie». Mais désormais, il s’agit d’augmenter la part des investissements nationaux.
Le ministre a décliné les avantages de l’économie polonaise. Parmi ceux-ci, des salariés «très bien formés» dont il faut augmenter les salaires («La moitié de la population active polonaise gagne moins de 565 euros nets», rappelle le «Plan d’action»), un secteur bancaire «stable et rentable»…
Le responsable polonais a insisté sur la nécessité de réindustrialiser le pays. Il convient notamment de s’appuyer sur des piliers comme les chantiers navals et la chimie. Tout en développant les nouvelles technologies et les entreprises innovantes. Il a également insisté sur le «développement rural» et l’«inclusion des petites villes».
Plusieurs obstacles restent à surmonter. Notamment des «institutions faibles» qui n’ont pas «de vision à long terme du développement de la Pologne et de la (nécessité) de cordonner les activités de l’administration publique.» «L’augmentation des coûts d’exploitation de l’administration n’a pas entraîné une augmentation de son efficacité», explique le plan. Une critique à peine voilée de la gestion de l’ancien gouvernement de la Plate-forme civique (gauche).
Autre problème : la démographie déclinante. «Si nous n’arrêtons pas ce processus, la population (38,5 millions d’habitants, NDLR) pourrait baisser de 5 millions en 2050», affirme le Plan d’action. «Le problème sera aggravé par l’émigration des jeunes et un taux de fécondité très bas». Derrière ces propos, des esprits chagrins pourraient lire en filigrane la nécessité d’une politique nataliste et familiale offensive qu’entend mettre en place le nouveau pouvoir soutenu par l’Eglise catholique…
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